Les cinq pires défaites militaires de l'histoire russe

Histoire
BORIS EGOROV
L'armée russe a connu non seulement des victoires glorieuses, mais aussi des défaites amères. Certaines d'entre elles ont provoqué non seulement la perte d’importants territoires, mais ont même remis en question l'existence du pays. Russia Beyond présente une liste des défaites les plus dévastatrices de la Russie.

Invasion mongole (1237-1240)

Au début du XIIIe siècle, les armées mongoles trouvèrent l'État russe fragmenté et incapable de résister aux envahisseurs asiatiques unifiés et coordonnés. Une par une, les principautés tombèrent sous l'assaut mongol qui fut marqué par de gigantesques pillages, la destruction et l'anéantissement d'une grande partie de la population.

Durant les siècles suivants, les principautés russes furent politiquement et économiquement asservies à l'Empire mongol, et il fallut des décennies pour relever l'économie et la culture de leurs ruines. La Russie a connu un grave retard dans son développement, et s’est retrouvée à la traîne, loin derrière les pays européens.

L'invasion a complètement redessiné la carte politique de l'État russe. Kiev, qui a été prise par les Mongols en 1240, n'a jamais retrouvé son statut de ville la plus importante de l'ancienne Rous. Les principautés slaves occidentales, telles que Smolensk, Koursk, ainsi que les territoires de l'Ukraine et de la Biélorussie modernes, sont tombées dans la sphère d'influence de l'État lituanien qui montait ne puissance, et qui finit par les absorber.

Lire aussi : Bataille de Koulikovo: la naissance de la nation russe

Une bombe à retardement était en train de voir le jour, parce que ces terres sont ensuite devenues une pomme de discorde et la cause de nombreuses guerres entre l'État russe et l’État uni polono-lituanien. Même au XXe siècle, les différends entre la Pologne et l'URSS concernaient plusieurs de ces territoires.

Guerre de Livonie (1558-1583)

Ivan IV, largement connu sous le nom d'Ivan le Terrible, a lancé une guerre contre la Confédération de Livonie en déclin afin de prendre ses principaux ports et de permettre au grand-duché de Moscovie de s’implanter sur la côte de la Baltique. C'était très important pour l'État russe en pleine croissance, car son accès à la mer Baltique avait été limité à un petit lopin de terre peu développé sur la côte du golfe de Finlande.

La première période de la guerre a été couronnée de succès pour Ivan IV, et ses troupes ont raflé des parties importantes de la Confédération de Livonie – les terres de la Lettonie et de l'Estonie modernes. D'autres grandes puissances, cependant, voyaient d’un mauvais œil la puissance grandissante de leur voisin oriental. Pendant de nombreuses années, la Russie fut en guerre avec la Suède et le grand-duché de Lituanie, qui en 1569 fusionna avec la Pologne.

La guerre épuisante a duré plus de 20 ans, et a pris fin avec une défaite majeure de l'État russe. L'économie du pays a été ruinée, et les territoires du Nord-Ouest ont été dépeuplés. Toutes les terres originellement prises à la Livonie ont été perdues et restituées. Pis encore, la Moscovie a perdu des territoires en Finlande et la plupart de ses possessions côtières sur le golfe de Finlande. Seul un petit lopin de terre sur l'estuaire de la Neva est resté en possession de la Russie, mais il ne pouvait pas fournir un accès approprié à la mer.

Lire aussi : Bataille pour Moscou: comment l’État russe a survécu et vaincu en 1612

Désormais, au lieu de la faible Confédération de Livonie, la Russie avait de nouveaux et puissants ennemis sur sa frontière occidentale : l’État polono-lituanien et le Royaume de Suède. Il a fallu de nombreuses années et des ressources pour faire face à ces problèmes par la suite - pendant la grande guerre du Nord (1700-1721).

Guerre russo-ottomane (1710-1713)

Pierre le Grand a réussi là où Ivan IV avait échoué - il a écrasé la Suède et annexé ses territoires le long de la Baltique orientale (Estonie, Livonie et Ingrie) en vertu du traité de Nystad de 1721.

En 1711, cependant, la guerre était loin d'être terminée, et le tsar se trouva dans une situation gravissime qui a failli se solder par la destruction de toute son armée.

Après la victoire spectaculaire de la Russie à Poltava en 1709, le roi de Suède, Karl XII, s'enfuit dans la ville de Bendy en Bessarabie, alors sous domination ottomane. Les négociations difficiles entre le tsar et le sultan Ahmed III sur le sort du roi suédois se sont retrouvées dans l’impasse.

Le sultan désirait ardemment évincer les Russes de la forteresse d'Azov sur la côte de la mer d'Azov, que Pierre le Grand avait capturée en 1695-1696 afin de donner à la Russie un accès à la mer Noire par le détroit de Kertch.

Lire aussi : Ce que Pierre le Grand a ramené d’Europe en Russie

En 1710, les Ottomans déclarèrent par surprise la guerre à la Russie, et le conflit culmina avec la campagne du tsar sur la rivière Prout. En 1711, cependant, l'armée russe de 38 000 hommes, dirigée par Pierre le Grand, se retrouva entourée de 190 000 troupes ottomanes et de Crimée en Bessarabie. Pour éviter la destruction, Pierre a été contraint d'accepter les conditions humiliantes du sultan, qui ont été codifiées par le traité de Prout deux ans plus tard.

La Russie a cédé Azov à l'Empire ottoman, détruisant toutes les forteresses sur la côte de la mer d'Azov, et perdant ainsi son accès à la mer Noire. En outre, pendant près de 20 ans, la Russie a perdu le contrôle sur les Cosaques Zaporogues, qui sont tombés sous domination ottomane.

Pourtant, la pire conséquence de la défaite a été la destruction de la première marine de la Russie - la flottille d'Azov. Des centaines de grands et petits navires ont été détruits; certains ont été vendus et le sort des autres reste inconnu. En ce qui concerne l’axe méridional de sa politique étrangère, la Russie a été forcée de tout recommencer à zéro.

Lire aussi : Les meilleurs chefs militaires russes de l’histoire

Guerre de Crimée (1853-1856)

En un sens, la guerre de Crimée était semblable à la guerre de Livonie : la Russie a commencé avec succès à combattre contre un ennemi faible, mais a terminé le conflit vaincue et aux mains d'une coalition de grandes puissances.

Selon le traité de Paris (1856), la Russie ne perdait pas beaucoup de territoires, mais elle fut privée du droit d'avoir une flotte sur la mer Noire. Ainsi, la Russie a abandonné sa prétention à protéger les chrétiens dans l'Empire ottoman, cédant ce droit à la France. Elle a aussi perdu toute influence en Moldavie, en Valachie et en Serbie. Dans l’ensemble, la guerre a gravement miné les positions internationales de la Russie.

C’est le système financier de l'Empire qui a souffert le plus. Criblé par d'énormes dettes de guerre, il a été contraint d'imprimer des notes de crédit non garanties qui ont conduit à une dépréciation drastique du rouble. Ce n'est qu'en 1897 que le gouvernement a stabilisé le taux de change en adoptant l'étalon-or. Cependant, la guerre de Crimée força le gouvernement à lancer de profondes réformes militaires et économiques, notamment avec la suppression du servage en 1861.

Lire aussi : Le quotidien des soldats russes sur le front pendant la Première Guerre mondiale

Première Guerre mondiale (1914-1918)

La Grande Guerre, comme la Première Guerre mondiale a été appelée par ses contemporains, a été un désastre majeur pour l'Empire russe, menant à son effondrement en octobre 1917. Les 1,7 million victimes de la guerre n'étaient que le début d'un carnage encore plus terrible. Même si la Russie s’est retirée de la guerre avec le traité de Brest-Litovsk le 3 mars 1918, la guerre civile a plongé le pays dans une violence et une destruction encore plus grandes.

En raison de sa paix séparée avec les puissances centrales, la Russie n'a pas eu de siège aux pourparlers de paix, bien que son impact sur la victoire ait été significatif, particulièrement durant les premiers stades de la guerre. En fin de compte, la Russie a perdu environ 842 000 km2 (15,4% de sa superficie d'avant-guerre totale), où vivaient 31,5 millions personnes (23,3% de la population de l'Empire avant-guerre).

L'effondrement de l'Empire a conduit à l'apparition de nouveaux États. L'indépendance de la Pologne a été restaurée, et la Lettonie, l'Estonie, la Lituanie et la Finlande ont acquis un statut d'État pour la première fois de leur histoire. En outre, la Roumanie a profité de l'occasion pour annexer la Bessarabie.

Aujourd'hui encore, la situation géopolitique de l'Europe de l’Est se caractérise par des relations difficiles et compliquées entre les pays surgis sur les cendres de l'Empire russe en 1918.

Au cours de sa longue histoire, la Russie a mené d'innombrables guerres et conflits, assez souvent victorieusement. Mais si certaines de ses victoires sont passées aux oubliettes, les conséquences d'autres ont encore un impact sur le présent. Voici cinq guerres victorieuses qui furent déterminantes pour la Russie.