Quand les célèbres espions étrangers ratent leur opération en Russie

Histoire
EKATERINA SINELCHTCHIKOVA
Il semble que les déguisements des espions, les coïncidences tirées par les cheveux et les erreurs grosses comme une maison des agents secrets soient sorties de la tête des cinéastes. Mais non, même les personnages cultes les plus célèbres et les plus réels du renseignement étranger ne faisaient pas exception.

La femme karatéka maîtrisant à merveille l’argot russe

La « femme en blanc » est entrée au cinéma, s’est assise sur le fauteuil en bout de rangée, près de la sortie de secours, et a pendant dix minutes fait semblant de s’intéresser à ce qui se passait à l'écran. Ensuite, elle a mis un pantalon par-dessus sa robe, serré sa veste noire, détaché ses cheveux et a glissé hors de la salle.

Il s'agit d'un véritable fragment de l'opération « Setoun », et la femme en blanc est le vice-consul de l'ambassade américaine à Moscou, Martha Peterson, et agent secret de la CIA. C'était 1977. Martha est devenue agente du renseignement en raison de son premier mari et de ses relations - il travaillait pour la CIA, mais mourut au Vietnam. Après sa mort, elle a appris le russe et a été envoyée à Moscou. D’ailleurs, aucune femme agent n’avait été envoyée en Union soviétique avant elle.

Elle a travaillé en étroite collaboration avec un référent personnel recruté au sein du ministère des Affaires étrangères de l'URSS, Alexandre Ogorodnik. Pendant deux ans et demi, il a photographié pour elle tous les documents qu'il avait sur son bureau. Quand Ogorodnik a été arrêté, il a selon une des versions avalé une fiole de poison. Mais Martha ignorait tout de la capture et de la mort de l'agent.

Quelques heures après la « mascarade » dans le cinéma, des voyages en bus, trolleybus, métro, puis taxi afin de le rencontrer, elle a été prise en flagrant délit sur pont Krasnoloujski. Lors de son arrestation, l’agente a utilisé des techniques de karaté et lancé des jurons en russe aux agents, même si elle n'avait aucune chance de s'échapper. Martha a été déclarée persona non grata et expulsée du pays. On dit que les officiers du KGB l'ont même applaudie à l'aéroport, car ils avaient été impressionnés par son travail sous couverture.

Le footballeur venu de nulle part

Une conspiration contre le pouvoir bolchevique, un attentat contre Vladimir Lénine et le début de la terreur rouge en Russie - l'épicentre de tous ces événements était l'agent secret, vice-consul et consul général du Royaume-Uni à Moscou, Bruce Lockhart. Certes, les aventures incroyables de l'agent britannique en Russie soviétique ont commencé avant même que tous ces événements historiques n’aient lieu.

Quand il est arrivé à Moscou en 1912, il a été pris pour la mauvaise personne. À Moscou, on avait entendu parler d'un joueur de célèbre football, Lockhart, et on a estimé que l'agent était cette même personne. Il a été immédiatement invité dans l'équipe de l'usine de textile Morozov. En fait, le célèbre footballeur était son frère, mais le diplomate était impatient d'accepter l'offre et, étonnamment, il a remporté avec son équipe le championnat de Moscou.

Lockhart s’est concentré sur le renversement du pouvoir après son passage par le ballon rond. Il a dirigé une conspiration des diplomates britanniques et français contre les bolcheviks, recevant pour la création du réseau un diamant d’une valeur de 648 livres sterlings. Il fallait soudoyer les tireurs qui veillaient sur le Kremlin, les envoyer à la rencontre des troupes britanniques, qui avaient atterri à presque 2000 km de Moscou, à Arkhangelsk, et les aider à prendre le pouvoir. Cependant, Lockhart a été arrêté et expulsé du pays. Les événements ne l’ont cependant pas empêché d'avoir une relation turbulente avec Moura Boudberg - femme de fer, double agente et future maîtresse de l'écrivain russe Maxime Gorki.

Un style un peu trop guerre froide

L’Américain Ryan Fogle a travaillé à l'ambassade des États-Unis en tant que troisième Secrétaire du département politique. La division recueille des informations sur les questions de défense et de sécurité extérieure en Russie. L'affaire a eu lieu après l'attentat de Boston, et les États-Unis semblaient visiblement penser que la Russie n'était pas suffisamment active dans le partage des informations disponibles sur la prévention des actes terroristes. Ryan était chargé de trouver un « canal direct » et de recruter un fonctionnaire du FSB en charge de l'extrémisme dans le Caucase du Nord.

Tard dans la nuit, Fogle s’est attelé à la tâche. Fogle a adopté un ensemble très étrange pour la rencontre (qui semblait issu de la guerre froide) : perruque, lunettes, boussole, carte en papier de Moscou, ancien téléphone, liasse de billets, et lettre sur feuille A4 adressée à la cible. La lettre commençait par les mots « Cher ami », ce qui a constitué un sujet de plaisanterie après sa capture (on ne parle ainsi en Russie que de façon ironique ou lors d’une réunion formelle de personnes âgées). Dans la lettre, la recrue du FSB se voyait proposer de coopérer avec la CIA par Gmail et d’utiliser le WiFi pour accéder à Internet.

Après que Fogle soit « discrètement » parti bien assis sur la banquette arrière de sa voiture, ait fait un saut au garage, et ait mis sa perruque pour se rendre à la réunion, il a été intercepté très rapidement.