Comment le Cahors est devenu le principal vin d’église en Russie

Gastronomie
MARIA BOUNINA
Le Cahors (avec son équivalent russe appelé Kagor) est la principale boisson alcoolisée utilisée par les prêtres orthodoxes lors des cérémonies religieuses, tandis que les Russes en boivent parfois un verre lors des fêtes. C’est ce vin que les croyants de Russie dégustent à Noël, à Pâques et en quantités modérées certains jours, même pendant le Carême.

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Un vin au goût riche, doux et fruité avec des notes de baies et de chocolat : c’est ainsi que les experts décrivent le Cahors, et son alter ego russe appelé Kagor. Ce vin, dont la description semble pourtant si peu ascétique, a été choisi pour accompagner les rituels religieux orthodoxes, dans le cadre desquels il est associé au « sang du Christ ».

La communion au moyen de vin rouge est mentionnée dans les chroniques russes du XIIIe siècle. Pourquoi, bien des siècles plus tard, l’Église a-t-elle jeté son dévolu sur le Cahors ? Un facteur crucial dans ce choix n’était pas lié aux qualités gustatives de ce vin.

Selon les règles ecclésiastiques, seul du vin de raisin non acide ne contenant ni sucre, ni extrait de plantes, peut être utilisé pour la communion. En raison de l’utilisation de cépages à forte teneur en sucre, le Cahors était idéal à ces fins.

Ce vin doux a été choisi pour la communion pour des raisons pratiques : les bébés étaient moins susceptibles de le recracher par réflexe pendant la communion. De plus, le Cahors, même fortement dilué avec de l’eau - ce qui est exigé dans certains sacrements - reste rouge foncé.

Histoire du Cahors en France

Le mot russe « Kagor » provient du nom français Cahors. Le Cahors a commencé à être produit dans la petite ville française de Cahors, située à 160 km de Bordeaux. Aux XVIIe-XVIIIe siècles, plusieurs cépages qui n’étaient pas les plus appréciés à Bordeaux ont été plantés à Cahors : le Malbec, le Merlot et le Tannat. Produire du vin à partir de ces cépages permettait à Cahors de vendre du vin sans faire de l’ombre à Bordeaux.

Au fil du temps, le vin originaire de Cahors a commencé à être appelé Cahors (ou « Kagor » à la manière russe) en référence à son lieu de production. De plus, en raison de sa riche couleur rubis, on le qualifiait de vin non pas rouge, mais « noir ». Il était fabriqué selon une technologie classique - par fermentation de raisins noirs écrasés. La particularité du Cahors réside dans le fait qu’il est produit à partir d’un nombre limité de cépages de raisins bien mûrs avec une richesse en sucre d’au moins 180 grammes par litre de moût.

L’heure de gloire de ce vin a été le mariage d’Aliénor d’Aquitaine et Henri Plantagenêt, durant lequel il accompagnait le repas, ainsi que l’élection ultérieure du pape Jean XXII, originaire de Cahors. Ce dernier a activement promu le vin de sa région natale, qu’il présentait comme le meilleur pour la messe.

Au début du XXe siècle, les vignes locales ont souffert des parasites et la plupart des vignobles ont été détruits. Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard que la production a été rétablie et en 1971, la marque Cahors a été déposée.

Selon le label français d’Appellation d’origine contrôlée (AOC), on appelle Cahors uniquement le vin rouge produit à Cahors, le Malbec devant représenter 70 % de l’encépagement minimum, le Merlot et le Tannat 30 % au maximum.

Comment le Cahors est apparu en Russie

En Russie, les vins destinés aux besoins de l’Église ont pendant longtemps été importés de Grèce, d’Italie et de France. Selon une légende, le Cahors aurait été conseillé à Pierre Ier comme remède contre les ulcères d’estomac. L’empereur russe aurait apprécié ce vin, qui pendant plusieurs siècles a été activement livré en Russie. Toutefois, le transport du vin coûtait cher.

En 1706, Pierre Ier a promulgué un oukaze (décret) visant à créer des vignobles dans le sud du pays (dans la vallée du fleuve Don) et à inviter des spécialistes étrangers à développer le commerce viti-vinicole. L’église a commencé à utiliser à la fois des vins locaux et importés. En 1733, le Saint-Synode (la plus haute instance dirigeante de l’Église russe de 1721 à 1917) a introduit une règle concernant l’utilisation de Cahors en tant que vin d’église dans les rituels religieux.

Après l’arrêt de la production de Cahors en France au XXe siècle, le vin russe a vu sa demande augmenter. On considère 1902 comme la date d’apparition du Kagor russe.

En Russie, le Kagor a commencé à être élaboré à partir de cépages Cabernet et Saperavi, mais en utilisant une technologie différente. Tout d’abord, la pulpe - les baies broyées - est chauffée puis refroidie, grâce à quoi toutes les substances passent dans le moût (le jus de raisin non fermenté). Après fermentation, de l’alcool de raisin et du sirop de raisin condensé y sont ajoutés. Le vin est ensuite élevé en barriques pendant plusieurs années. Les vins préparés selon cette technique ont un goût velouté avec un arôme de cassis. Certains connaisseurs y décèlent des notes de chocolat.

Avec quoi boire Kagor?

À l’église, lors du service orthodoxe, le Kagor est proposé avec du pain, ce qui fait référence au corps et au sang de Jésus-Christ. En dehors des rites ecclésiastiques, il convient de noter que ce vin doux se marie bien avec les desserts peu sucrés, les fruits, les fruits secs et le chocolat et peut être bu comme digestif. Le Kagor accompagne également très bien les plats à base de viande et de légumes.

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