Ilya Glazunov's Dostoyevsky. 1962
Pavel Balabanov / RIA NovostiNombre de critiques estiment que le roman se base sur un fait divers tiré de l’actualité judiciaire : en août 1865, le fils d’un marchand, Guerassim Tchistov, orthodoxe vieux-croyant, est soupçonné du meurtre prémédité de deux vieilles femmes – une blanchisseuse et une cuisinière – en vue de détrousser la famille chez qui elles travaillaient. Les affaires étaient éparpillées partout dans l’appartement et les bijoux en or avaient disparu. L’arme du crime était une hache.
Pour avoir diffusé une lettre interdite du critique et journaliste Vissarion Belinski, Fiodor Dostoïevski passe quatre ans au bagne en Sibérie (de 1850 à 1854), ce qui laisse une empreinte indélébile dans l’esprit de l’écrivain. C’est pendant son emprisonnement qu’il réalise clairement les « maladies » de son époque : la misère omniprésente, la montée de la criminalité et l’ivrognerie. Ainsi naît l’idée de les décrire dans son œuvre.
Mais combien de fois Dostoïevski sera empêché d’entamer l’écriture de son roman ! L’écrivain connaît des soucis financiers incessants. Pour survivre, il est obligé d’écrire pour des sommes de misère, avec des délais strictement encadrés et à des conditions frisant l’inacceptable. En 1865, il propose à Andreï Kraïevski, rédacteur de la revue littéraire influente Annales patriotiques, de publier une courte nouvelle intitulée Compte rendu psychologique d'un crime.
La nouvelle se transforme peu à peu en roman. Dostoïevski ne s’intéresse à rien d’autre et se concentre entièrement sur son œuvre dont les chapitres sont publiés l’un après l’autre dans la revue durant toute l’année 1866. Selon l’expression de l’auteur, il travaille sur son roman « comme un forçat », ne sort jamais et se prive de toute compagnie.
Une fois publié dans son intégralité, le roman Crime et châtiment se retrouve au centre de l’attention de la société littéraire russe.
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Fiodor Dostoïevski nous a légué trois cahiers de brouillons et notes concernant Crime et châtiment. En fait, trois rédactions de son roman. En les étudiant minutieusement, on se rend compte que l’auteur a longtemps cherché la réponse à la question essentielle de son œuvre : pourquoi Raskolnikov a-t-il commis son crime ? D’où vient cette scission (raskol signifiant schisme en russe) dans l’âme du personnage principal ?
L’auteur revient plusieurs fois sur les mobiles du crime. Dans la version initiale, Raskolnikov tue un être misérable afin de rendre heureux, avec son argent, un grand nombre de gens admirables. Par la suite, il est toujours animé d’idées qu’il considère comme humanistes – libérer le monde d’une vieille avide et cupide pour faire le bonheur des humiliés et des opprimés –, mais cette idée paradoxale de meurtre par amour pour les autres est déjà emplie d’une certaine aspiration au pouvoir. Dans la version finale, Dostoïevski pousse à son paroxysme le goût du pouvoir de son personnage : obsédé par l’image de Napoléon, Raskolnikov veut comprendre s’il peut tuer, s’il a le droit de tuer.
Ce sont l’ambition et la vanité qui poussent le personnage à sa perte. Dostoïevski était en plein désarroi au sujet de la fin de son roman. Dans l’un de ses brouillons, il envisage même le suicide de Raskolnikov.
Le romancier et poète allemand Hermann Hesse estimait que dans Crime et châtiment, le grand écrivain russe avait réussi à dépeindre avec fidélité toute une époque de l’histoire mondiale. L’écrivain et philosophe français Albert Camus reconnaissait que les romans de Dostoïevski avaient« secoué » son âme et dans une grande mesure guidé sa création littéraire.
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Crime et châtiment a également influencé le monde des théâtres européens qui ont rivalisé de mises en scène d’après le roman. L’un des meilleurs spectacles est sans doute celui de Paul Ginisty, mis en scène en 1888 au Théâtre de l'Odéon, dont il deviendra plus tard le directeur.
Le roman a été porté à l’écran des dizaines de fois. Le premier film a été réalisé dans l’Empire russe en 1909. Le drame du réalisateur soviétique Lev Koulidjanov (1969) est considéré comme la meilleure version. Les artistes modernes se tournent eux aussi vers l’œuvre de Dostoïevski. Ainsi, les films de Woody Allen comme Match Point (2005) et L’Homme irrationnel (2015) font référence à Crime et châtiment.
Boris Akounine, spécialiste russe du polar historique, a écrit le roman F.M. (Fiodor Mikhaïlovitch) qui reprend le sujet du crime de Raskolnikov dans le genre policier. Son personnage principal est l’enquêteur Porfiri Pétrovitch, du nom du juge d’instruction chargé de l’enquête dans Crime et châtiment.
Une comédie musicale Crime et châtiment a été mise en scène en 2016 à Moscou, tandis qu’à Londres le roman a été interprété sur de la musique rock.
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