Cinq bonnes raisons de regarder la nouvelle adaptation cinématographique d’Eugène Onéguine

Sarik Andreassian/Andreasyan Brothers Film Company, 2024
Le roman en prose d’Alexandre Pouchkine Eugène Onéguine est rarement adapté au grand écran. Seuls quelques réalisateurs audacieux se sont jusqu’à présent risqués à cette entreprise. C’est pourquoi les spectateurs russes se sont déjà précipités en nombre dans les salles obscures pour voir si les personnages d’Eugène Onéguine et Tatiana correspondaient à la représentation qu’ils s’en font. 

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Eugène Onéguine n’est pas souvent adapté à la scène ou à l’écran

Le seul fait de la sortie d’une nouvelle adaptation cinématographique du roman d’Alexandre Pouchkine est une raison suffisante pour la regarder. À la différence d’Anna Karénine de Léon Tolstoï, livre très souvent porté à l’écran, peu de réalisateurs ont jusqu’à présent voulu se mesurer au monument qu’est Eugène Onéguine.

Cette œuvre est particulièrement difficile à adapter au théâtre ou au cinéma. Le texte d’Alexandre Pouchkine est en vers et le transposer en prose est ressenti comme une profanation.  La plupart du temps, c’est l’opéra Eugène Onéguine de Piotr Tchaïkovski, dont le livret reprend le texte originel, qui est porté à l’écran. 

Par ailleurs, la structure du roman d’Alexandre Pouchkine est complexe et les sujets abordés, multiples. Ce n’est pas un hasard si on le qualifie souvent d’« encyclopédie de la vie russe ». Il y a bien sûr l’histoire d’amour, sur laquelle les scénaristes et réalisateurs se concentrent, mais de nombreuses réflexions philosophiques, descriptions de la nature et des modes de vie, tant de l’aristocratie que de la paysannerie.

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Les dialogues ne reprennent que partiellement le texte de Pouchkine

Avant la sortie du film, beaucoup se posaient la question de savoir si les dialogues reprendraient les vers d’Alexandre Pouchkine ou seraient en prose.  De nos jours, un long métrage de deux heures dans lequel les personnages s’expriment uniquement en vers sera probablement un échec commercial. Il semble en effet difficile de captiver l’attention des spectateurs des jeunes générations  avec des dialogues en vers, même si on les doit à la plume d’Alexandre Pouchkine.

Le scénariste Alexeï Gravitski estime que les héros de ce roman du début du XIXe siècle parlent « dans une langue pesante pour l’oreille d’un spectateur » du début du XXIe siècle. C’est pourquoi il a proposé des dialogues en prose, reprenant toutefois des phrases entières et des expressions du roman. Le résultat n’est pas mauvais, même si les connaisseurs de l’œuvre d’Alexandre Pouchkine ne peuvent évidemment pas accepter cette licence.  On reconnaîtra toutefois que, transposés en prose, certains vers dans lesquels transparaît particulièrement le génie du poète écorchent l’oreille.

>>> Mais pourquoi Pouchkine est-il si cool?

Les créateurs du film ont trouvé un moyen élégant d’insérer les vers d’Alexandre Pouchkine dans le film. Ils ont conservé le narrateur du roman et en ont fait l’alter ego du poète. C’est lui qui récite le texte en vers. Sa présence invisible dans de nombreuses scènes en fait, ici, un proche des personnages pour qui il s’inquiète et, là, un guide pour les spectateurs à qui il donne des détails ou explique les passages d’un sujet à l’autre. Les vers sont lus avec talent par Vladimir Vdovitchenkov.

Le texte originel en vers a également été conservé pour les deux grandes déclarations d’amour : la lettre de Tatiana à Onéguine et celle d’Onéguine à Tatiana. Les réponses qu’ils se font sont, elles, en prose.

L’histoire montrée à l’écran est relativement proche de celle racontée dans le roman

Le scénario reprend l’histoire inventée par Alexandre Pouchkine. L’attention portée aux détails en fait même un calque assez fidèle. On passe rapidement sur la jeunesse et la vie d’Onéguine à Saint-Pétersbourg. Les scènes à la campagne, ainsi que la rencontre d’Onéguine, Lenski et Larine sont transposées assez scrupuleusement. Tout comme l’épisode où, lors de son séjour à Odessa, Onéguine mange des huîtres assaisonnées au citron.

Cet attachement au texte est hérité de la tradition soviétique d’adaptation des créations littéraires à l’écran. À cette époque, on avait l’habitude de respecter avec révérence les œuvres des auteurs. Certaines adaptations étaient tellement serviles que les écoliers paresseux les regardaient, quand elles sortaient au cinéma ou passaient à la télévision,  plutôt que de lire les livres. Par exemple, Quelques Jours de la Vie d’Oblomov d’Ivan Gontcharov (1812-1891) ou Guerre et Paix de Léon Tolstoï. 

Un film tourné dans de magnifiques endroits

Le réalisateur et producteur du film est Sarik Andeassian, dont la critique n’attendait certainement pas un film aussi sérieux qu’une adaptation d’Eugène Onéguine. Également acteur, il a à son actif une vingtaine de comédies légères, dont certaines répliques ne sont pas du meilleur goût. Le public a toutefois décidé de vérifier si cet a priori négatif des critiques était justifié. Les recettes engrangées lors du premier week-end d’exploitation en Russie et dans les pays de la CEI s’élèvent à trois cents millions de roubles (environ trois millions d’euros), ce qui fait d’Onéguine le plus gros succès de Sarik Andreassian.

Les décors sont l’une des réussites incontestables de son long métrage. Certains critiques ont fielleusement relevé que leur beauté faisait oublier tous les défauts du film.

Le roman Eugène Onéguine est connu pour être l’un de ceux qui montrent la diversité de la Russie. Alexandre Pouchkine la peint à des saisons différentes, décrit le Saint-Pétersbourg de la haute aristocratie, la Moscou de la vieille aristocratie, la campagne russe.

Dans le film Onéguine, une grande attention a été prêtée aux paysages russes. On peut y admirer la nature de la région de Pskov, où Alexandre Pouchkine écrivit son roman et où il plaça la propriété de l’oncle de son personnage principal. La maison des Larine est à Pétrovskoïé sur les monts Pouchkine, la propriété de l’oncle de l’écrivain où il séjourna souvent.

On voit aussi de fantastiques vues de Saint-Pétersbourg et du palais de Tsarskoïé Sélo. Certaines scènes ont été filmées à Gatchina et dans le palais Elaguine. On reprochera peut-être aux créateurs du film d’avoir fait vivre des nobles, aussi riches furent-ils, dans des résidences impériales. L’atmosphère générale est toutefois fidèlement recréée.

Comprendre pourquoi les personnages ont été vieillis

Le choix de l’acteur qui interprète le rôle d’Onéguine a provoqué des discussions enflammées sur internet. Beaucoup ne comprennent pas comment un homme de quarante et un ans, Victor Dobronravov en l’occurrence, puisse jouer un personnage qui en a vingt-six.

Alexandre Pouchkine décrit pourtant Onéguine comme un homme jeune qui, usé par l’ennui et las de la vie, a prématurément vieilli. C’est pourquoi on est en droit de penser qu’avoir confié le rôle d’Onéguine à un acteur qui est plus âgé que lui n’est pas incongru. Par ailleurs, Victor Dobronravov est parfaitement convaincant en aristocrate du début du XIXe siècle. C’est certainement l’expérience du rôle qu’il a accumulée en jouant, il y a dix ans, le rôle d’Onéguine dans l’adaptation montée au théâtre Vakhtangov qui lui permet d’obtenir ce résultat.

Beaucoup d’autres apprentis critiques sur internet n’ont pas non plus apprécié le choix d’Elizaveta Moriak, actrice de vingt-huit ans, qui tient le rôle de Tatiana Larine qui en a environ dix-sept. On s’accordera toutefois sur le fait qu’à la fin du film la question de l’âge ne se pose plus. L’actrice incarne parfaitement une aristocrate plongée dans le monde de la littérature.

Dans cette autre publication, découvrez pourquoi Eugène Onéguine est une «encyclopédie de la vie russe».

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