En citations: ce que les écrivains russes pensaient les uns des autres

Culture
KSENIA ISSAEVA
Tolstoï, Tchekhov, Dostoïevski, Bounine... Nous savons ce qu’ils pensaient au sujet de l’amour, de la nature et de la Russie. Mais quel était leur avis sur leurs confrères écrivains?

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Les droits sur cet article, initialement publié en 2015, sont la stricte propriété du journal Rossiyskaya Gazeta.

Nous avons rassemblé les citations à la fois complémentaires et désobligeantes des hommes de lettres nés en Russie au sujet de leurs camarades poètes et écrivains.

Ivan Bounine au sujet de Sergueï Essenine :

« Mais, tu ne peux rien promettre, frérot, car tu n’as même pas de deux sous. Tu ferais mieux d’aller cuver ton vin et cesse de respirer sur moi de ton souffle odeur de samogone messianique ».

Sergueï Essenine au sujet de Vladimir Maïakovski :

« Que dire à propos de Maïakovski ? Sans doute, il sait écrire – mais est-ce de la poésie ? Il n’a aucun ordre. Les choses se chevauchent. Les poèmes doivent donner de l’ordre à la vie, et chez Maïakovski tout est comme après un tremblement de terre et les angles sont si aigus qu’ils font mal aux yeux ».

Vladimir Maïakovski au sujet d’Alexandre Blok :

« L’œuvre d’Alexandre Blok est une époque poétique à part entière, époque d’un passé récent. Plus glorieux maître symboliste, Blok a exercé une énorme influence sur toute la poésie moderne. Jusqu’à présent, certains ne parviennent pas à s’échapper de ses lignes charmantes – en prenant un mot de Blok, ils le développent sur des pages entières, fondant sur lui toute leur richesse poétique. D’autres ont surmonté le romantisme de sa période précoce, ont déclaré une guerre poétique à cette dernière et, ayant purifié leur âme des débris du symbolisme, ont percé les fondations de nouveaux rythmes, échafaudent les pierres de nouvelles images, attachent les lignes avec de nouvelles rimes – œuvrent avec l’héroïsme pour créer la poésie de demain. Mais les uns et les autres gardent avec affection la mémoire de Blok ».

Alexandre Blok à propos de Léon Tolstoï :

« Une idée me vient souvent à l’esprit : tout va plus ou moins bien, tout est simple et relativement non effrayant tant que Léon Tolstoï est vivant. [...] Tant que Tolstoï est vivant et marche le long du sillon laissé par la charrue, derrière son cheval blanc – le matin est encore couvert de rosée, frais et intrépide, et, Dieu merci, les striges somnolent. Tolstoï arrive, tel le Soleil. Et si le Soleil se couche, Tolstoï meurt, le dernier des génies part, que se passera-t-il alors ? Dieu, fais que Léon Tolstoï reste encore pendant longtemps parmi nous ».

Léon Tolstoï à propos d’Anton Tchekhov :

« L’essentiel, c’est qu’il a toujours été sincère et c’est une grande qualité d’écrivain. Et grâce à sa sincérité, Tchekhov a créé de toutes nouvelles formes d’écriture ».

Anton Tchekhov au sujet de Maxime Gorki :

« À mon avis, Gorki est un vrai talent. Ses pinceaux et ses peintures sont authentiques, mais il a une sorte de talent effréné et fringant ».

 Maxime Gorki au sujet d’Ivan Bounine :

« Si l’on extrait Bounine de la littérature russe, cette dernière ternira, perdra l’éclat éveillé aux couleurs de l’arc-en-ciel et la brillance étoilée de son âme errante et solitaire ».

Ivan Bounine au sujet de Vladimir Nabokov :

« Quel escroc et maître du verbiage (souvent balbutieur) ».

Vladimir Nabokov au sujet de Fiodor Dostoïevski :

« Son manque total de goût et son analyse monotone des héros souffrant de complexes freudiens aussi bien que le fait qu'il soit complètement embourbé dans les mésaventures tragiques de la dignité humaine – il est difficile d’admirer tout cela ».

Fiodor Dostoïevski au sujet d’Ivan Tourgueniev :

« Tourgueniev manque de connaissances sur la vie russe en général. Il a appris la vie populaire une fois par le laquais avec lequel il est allé à la chasse ("Mémoires d’un chasseur"), et n'a rien connu d'autre. [...] L’homme qui est heureux de grimper de Baden à Karlsruhe à quatre pattes juste pour faire un désagrément à son rival littéraire ».

Ivan Tоurgueniev sur Fiodor Dostoïevski :

« Quand l’homme tombe amoureux, son cœur bat, quand il est fâché, il rougit, etc. Ce sont des vérités générales. Toutefois, chez Dostoïevski tout est à l’envers. Par exemple, une personne croise un lion. Que fera-t-elle ? Naturellement, elle pâlira et tentera de fuir ou de se cacher. Dans chaque simple récit de, par exemple, Jules Verne, les choses seront dites ainsi. Mais Dostoïevski dira à l’envers : l’homme a rougi et est resté sur place. [...] En outre, toutes les deux pages ses héros sont pris de délire, de fureur, de fièvre. Car "ça n’existe pas" ».

Dans cet autre article, nous vous révélions quelles ont été les dernières paroles des illustres écrivains russes avant leur mort.