Dix objets témoignant du millénaire des relations entre la France et la Russie

Musées du Kremlin de Moscou
Du 17 septembre au 09 janvier, l’exposition «France et Russie. 10 siècles ensemble» des Musées du Kremlin vous offre l'opportunité de découvrir plus de 200 objets, témoins des relations bilatérales. Il s’agit de documents uniques, d’objets commémoratifs et d’œuvres d’art qui racontent les 1000 ans d'histoire commune que partagent les deux pays. Dans cet article, nous vous en présentons les dix plus importants.

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Une lettre signée par Anne de Kiev, reine de France

Peu de gens savent qu’au milieu du XIe siècle, Anne de Kiev, fille de Iaroslav le Sage, est devenue reine de France en épousant Henri Ier. Après la mort du roi, elle est devenue la régente de son fils Philippe Ier, et régnait donc de facto sur la France. On l’y appelait Anne (ou Agnès) de Russie, ou encore Anne de Kiev. Une lettre datant de 1063 rappelle que ce mariage dynastique était un événement politique majeur de l’époque. Elle est conservée à la Bibliothèque nationale de France. Il s’agit du seul document conservé où, sous le monogramme et la croix manuscrite de Philippe Ier, on peut voir la signature de sa mère en cyrillique : ANA РЪHNA, qui signifiait « Reine Anne ».

En 1896, une copie de ce document a été offerte à Nicolas II en visite officielle à Paris.

L’évangéliaire de Reims

Plus tard, en 1901, le tsar a eu l’occasion de voir l’évangéliaire de Reims en visitant la ville. Cet objet unique, d’importance culturelle comme historique, est aussi lié à Anne de Kiev : la légende raconte que l’évangéliaire faisait partie de la dot ou de la bibliothèque personnelle de la princesse. La première partie du texte, datant du XIe siècle, est rédigée en vieux-slavon à l’aide de l’alphabet cyrillique, et la seconde partie en alphabet glagolitique.

Une autre légende dit qu’en 1717, quand Pierre le Grand a visité la France et qu’il a vu le texte, il n’a pu en lire que la première partie. Aujourd’hui, l’évangéliaire est conservé à la bibliothèque municipale de Reims.

Un reliquaire représentant le Christ et les anges. Limoges, XIIIe siècle. Bois, émail de Limoges. Ferrage, filetage, gravure et dorure.

L’Ermitage dispose d’une belle collection d’objets d’art du Moyen-Âge, y compris des ouvrages en émail de Limoges. Elle est basée sur la collection (comptant 750 objets) d’Alexandre Bazilievski, diplomate et collectionneur russe, dont le principal centre d’intérêt était la formation et le développement du christianisme du Ier au XVIe siècle. Il a constitué sa collection pendant plus de 30 ans, avant de la céder à Alexandre III pour qu’elle aille à l’Ermitage. L’une des pièces les plus intéressantes de cette exposition est un reliquaire représentant le Christ et les anges.

George Desmarées, Pierre Ier et Louis XV à Paris, le 11 mai 1717, toile

Les premières délégations tsaristes ont été envoyées en France au XVIIe siècle, après quoi les relations entre les deux pays se sont progressivement renforcées. Après la visite de Pierre le Grand à Paris, des relations diplomatiques permanentes ont été établies entre les deux puissances. Assez symboliquement, en 1944, l’œuvre de Desmarées a été offerte en cadeau diplomatique par Charles de Gaulle, chef du gouvernement provisoire français, au gouvernement de l’URSS dirigé par Joseph Staline.

Tapisserie, La Muse de l’astronomie Uranie, issue de la série Grotesque sur fond jaune, France, avant 1710, manufacture de Beauvais

Au XVIIe siècle, le dialogue politique se déroulait sur fond d’acquisition par la cour russe de bijoux, de peintures, d’armes, d’étoffes et de sculptures français. De nombreux artisans français talentueux sont d’ailleurs allés s’installer en Russie. Tous les objets présentés à l’exposition, comme les tapisseries, les costumes de parades du jeune empereur Pierre II, les dentelles raffinées des souveraines russes, un service en argent parisien ayant appartenu à Élisabeth Ire, ainsi que les œuvres des armuriers français, dont deux pistolets ayant appartenus à Pierre II et conçus par l’armurier royal Jean-Baptiste Laroche, témoignent de la passion de la cour royale russe pour l’art et le luxe français.

Le service d’Orlov

Pièce du service d'Orlov

Les objets les plus intéressants de la section de l’exposition consacrée à l’époque de Catherine II sont un encrier ayant appartenu à l’impératrice, une horloge parisienne et une partie d’un service réalisé par Jacques-Nicolas Roëttiers. Ce service de cérémonie en argent a été commandé en France par Catherine II, en 1770. Sa fabrication a nécessité plus de deux tonnes d’argent, la commande de l’impératrice ayant contenu plus de 3 000 objets. Elle a offert le service à son favori, Grigori Orlov, en 1772. Après sa mort, en 1783, l’État l’a racheté à ses héritiers. Le service n’était qu’un cadeau parmi la centaine qu’elle a offert à son favori. Il a ensuite été rendu à la maison impériale, mais il en manquait quelques pièces. En 1793, Catherine l’a donné à l’Ermitage, le complétant en commandant un certain nombre d’objets manquants.

Élisabeth Vigée Le Brun, Portrait d’Antoinette-Elisabeth-Marie d’Aguesseau, comtesse de Ségur, 1785

Les années précédant la Révolution française sont représentées dans les portraits d’Élisabeth Vigée Le Brun, qui était l’artiste préférée de Marie-Antoinette. Après la mort de la reine, Élisabeth a vagabondé en Europe, avant de trouver refuge à Saint-Pétersbourg en 1795, où elle sera protégée par la famille impériale et la noblesse russe. Pendant six ans, l’artiste déchue peindra près de 70 portraits des membres de la famille impériale et de l’aristocratie, amassant une immense fortune.

Le portrait de la comtesse de Ségur, épouse de l’ambassadeur français à la cour de Catherine II, a été prêté au Kremlin par le musée de Versailles le temps de l’exposition.

Sucrière et son couvercle issus d’un service de la manufacture de porcelaine de Sèvres, 1804-1807

Les relations entre la France et la Russie étaient ambigües sous le règne d’Alexandre Ier. Ainsi, Napoléon a offert un service au gouvernement russe lors de la conclusion des traités de Tilsit, en 1807, ce qui témoignait de la coopération entre les deux États ou, du moins, d’une volonté de coopérer. Les relations chaleureuses entre les deux puissances n’ont toutefois pas tardé à se dégrader. En 1812, elles entraient en guerre sur le territoire de la Russie.

Une étoile de l’Ordre du Saint-Esprit brodée

En 1814, le roi Louis XVIII a décerné l’Ordre du Saint-Esprit à Alexandre Ier après sa victoire sur Napoléon. La période de la Restauration de la monarchie par les Bourbons n’a cependant pas duré longtemps non plus.

Jean Louis Victor Viger du Vigneau dit Hector Viger, L’impératrice Joséphine accueille le tsar Alexandre Ier à Malmaison et lui présente ses enfants

La peinture, conservée au château de Malmaison, montre la première rencontre amicale entre Alexandre Ier et l’ancienne impératrice de France, Joséphine. Après être entré en France avec ses troupes, le 14 mai 1814, le tsar a visité le château et a été touché par la terrible situation de la première épouse de Napoléon. Il a pris ses dispositions pour garantir sa sécurité et celle de sa famille alors que ses troupes et celles de ses alliés entraient dans Paris. Pour l’en remercier, Joséphine lui a offert le Camée des Gonzague, qui est aujourd’hui conservé à l’Ermitage. Joséphine est malheureusement décédée quelques jours plus tard, le 29 mai. La légende raconte qu’elle a attrapé froid en se promenant légèrement vêtue dans le parc du château avec l’empereur russe.

Alexandre est resté avec ses enfants inconsolables pendant plusieurs jours. En secret, il leur a donné d’importantes sommes d’argent. Une partie de la collection de Joséphine a été rachetée à ses héritiers par l’empereur russe.

Dans cet autre article, nous vous présentions une sélection de hauts faits de l’amitié franco-russe, du Moyen-Âge à l'URSS.

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