L’auteur franco-américain Jonathan Littell, auteur des Bienveillantes, réalisera un film en russe

Getty Images; Folio
L'écrivain franco-américain a le don d'explorer le côté obscur de la nature humaine. Son drame sur l'Holocauste Les Bienveillantes a emmené les lecteurs aux frontières de l'humanité et de l'humiliation, apportant à son auteur renommée et récompenses. Nouveau défi : Littell, dont les grands-parents ont émigré de Russie aux États-Unis à la fin du XIXe siècle, a décidé de réaliser son premier film en langue russe.

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Les détails, cependant, sont gardés secrets. Ce que l'on sait, c'est que Littell a terminé l'écriture du scénario, le tournage devant commencer en 2021. Il s'agira d'une coproduction entre la Russie, la France et l'Allemagne. L'un des producteurs du film, Ilya Stewart, de la société Hype Film basée à Moscou, a déclaré que l'auteur des Bienveillantes était « à juste titre considéré comme un génie littéraire de notre temps ».

« Ce qui compte le plus, et ce que nous apprécions vraiment, c'est que M. Littell a décidé de faire ses débuts dans le cinéma en russe. Il montre tellement d'intérêt pour notre culture », a déclaré Stewart dans un communiqué.

Alors que les admirateurs de Littell sont réduits à deviner sur quelle histoire le scénario sera basé, une chose est claire : il a l'écriture dans le sang. Son père, Robert Littell, est l'auteur de thrillers d'espionnage, tels que Mère RussieL’hirondelle avant l’orage et Koba (Koba était le surnom de Staline.)

Né en 1967 à New York dans une famille juive, Littell Jr. a passé son enfance en France. Jonathan est retourné ensuite aux États-Unis où il a obtenu un diplôme à l'Université de Yale. Il a écrit son premier livre, Bad Voltage, pendant ses années d'université, mais a déclaré plus tard que c'était un échec. Une personne qui l'a fortement influencé était William S. Burroughs, qui a familiarisé l'écrivain en herbe avec les œuvres des écrivains Louis-Ferdinand Céline et Samuel Beckett.

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Les Bienveillantes

Jonathan Littell a connu un succès fulgurant avec Les Bienveillantes. Ce roman troublant lui a valu le très convoité prix Goncourt, ainsi que le Grand prix de l'Académie française. L'écrivain a dit que le film-fleuve de Claude Lanzmann Shoah l'avait incité à écrire. Outre cela, une photographie de Zoïa Kosmodemianskaïa, 18 ans, membre de la résistance soviétique, pendue par la Wehrmacht pour des actes de sabotage contre les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, lui a donné une impulsion pour aborder ce sujet. Travaillant sur sa grande œuvre, Littell a lu environ deux cents livres sur le fascisme et le Troisième Reich.

« L'histoire sera bonne avec moi car j'ai l'intention de l'écrire », a un jour déclaré Winston Churchill. Littell avait probablement une motivation similaire en travaillant sur Les Bienveillantes. S’étendant sur près de 1 000 pages, ce livre gigantesque a fait l’effet d’une bombe dans le monde littéraire en 2006, creusant un fossé entre une armée de partisans et des dizaines de critiques.

Il est de notoriété publique que pour produire un livre puissant, il faut d'abord choisir un thème fort. Ce « Léviathan » littéraire, écrit en français, détaille les atrocités nazies pendant la Seconde Guerre mondiale à travers les forfaits d’officiers allemands en Pologne et en Ukraine. Littell ne laisse pas de quartier au lecteur, dépeignant les atrocités avec dureté et froideur.

Les Bienveillantes est une œuvre qui devrait vraiment être accompagnée d'un avertissement... Ce récit fictif inquiétant, écrit du point de vue d'un officier SS allemand nommé Maximilien Aue, n'est ni pour les timides ni pour les faibles.

« Ne te plie pas; ne le dilue pas; n'essaie pas de le rendre logique; ne modifie pas ta propre âme selon la mode. Plutôt, suis impitoyablement tes obsessions les plus intenses » : il semble que Littell avait le devise de Kafka en tête quand il a écrit les Bienveillantes

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Littell raconte la transformation troublante d'un jeune homme apparemment ordinaire en machine à tuer nazie. L’auteur emmène les lecteurs dans les tréfonds des pensées et des actes d’un officier nazi, leur permettant de tirer leurs propres conclusions après avoir eu un aperçu de cette psyché malade. Et si Littell utilise Max Aue, ce n’est pas pour dépeindre le visage du mal, mais pour demander des comptes aux foules de « passants » qui pensent être meilleurs que les autres…

Zones de conflit

Littell essaie depuis longtemps d'analyser la violence humaine, les meurtres de masse et les zones de conflit. En 1993, il a commencé à travailler pour une organisation humanitaire internationale, après avoir constaté la misère et le désespoir qui régnaient pendant la guerre de Bosnie. L'écrivain né à New York a passé sept ans dans le feu de l’action au Soudan, au Congo, en Sierra Leone et en Afghanistan, pour n'en citer que quelques-uns. Littell se trouvait en Tchétchénie pendant les deux guerres qui ont ensanglanté la région et a été blessé lors d'une embuscade. En 2009, Littell est retourné en Tchétchénie pour interviewer son chef Ramzan Kadyrov, mais l'interview n'a jamais eu lieu, ce qui n'a pas empêché Littell de réaliser un portrait de cette république russe.

En 2012, le romancier casse-cou s'est faufilé dans la ville syrienne de Homs, qui abritait autrefois 600 000 habitants. La ville était ravagée par des années de combats entre le gouvernement et les groupes terroristes. Littell a tenu un journal dans lequel il a documenté sa vie quotidienne et publié ses Carnets de Homs pour que d’autres constatent les conséquences des violents combats et des dévastations.

Littell a continué à étudier la violence humaine et le désespoir dans Wrong Elements, son premier documentaire. Situé en Ouganda en 1989, il suivait un groupe d'adolescents, kidnappés vers 12 ans et contraints de rejoindre les rangs de l'armée de guérilla ARS, vivant des choses que l'on peine à imaginer.

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Jean Renoir, réalisateur de La Grande illusion, que le ministre de la propagande nazie, Joseph Goebbels, considérait comme un « ennemi public cinématographique N°1 », a déclaré que tout réalisateur ne faisait en réalité qu'un seul film dans sa vie. « Puis il le casse en plusieurs morceaux et il le refait ».

Il en va de même pour Jonathan Littell, qui se donne tout le mal du monde pour créer de déchirants microcosmes personnels et sociaux. Peu importe quand et où ses livres sont situés. En utilisant la métaphore de Renoir, Littell écrit « un seul et même » livre sur la face sombre de notre monde – dépeignant pêle-mêle victimes, témoins, meurtres et bons samaritains. Le problème est que nous sommes littéralement dans un même bateau. Littell utilise son scénario pour poser cette question à un million : que feriez-vous si vous vous trouviez de l’autre côté de la barrière ?

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