Ces peintres russes ayant sublimé la France du bout de leur pinceau

Culture
ERWANN PENSEC
La France a accueilli, que ce soit de manière temporaire ou définitive, de nombreux artistes russes en exil ou en voyage. Elle s’est alors imposée à eux comme une source d’inspiration majeure, ce que démontrent les toiles rassemblées ici.

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Vassili Polenov (1844 – 1927)

Dès son plus jeune âge, Vassili Polenov a fait preuve d’un attrait particulier pour la France, comme en témoignent ses dessins d’enfance, où figurent des châteaux et autres symboles de l’histoire française. Rien d’étonnant alors à ce que, après avoir parcouru l’Europe, il se soit établi pour plusieurs années à Paris, ville dans laquelle il donnera naissance à la toile L'Arrestation de la huguenote, qui lui vaudra le titre d'académicien.

Le nom de Polenov est toutefois également fortement associé à la Normandie, et plus particulièrement à la station balnéaire de Veules-les-Roses. L’illustre Ilia Répine, autre grand nom de la peinture russe, l’y avait en effet convié, lui permettant d’immortaliser à l’aide de son pinceau les falaises d’Étretat et autres beautés du littoral normand.

Alexandre Benois (1870 – 1960)

Malgré ses origines françaises, son père ayant émigré en Russie suite à la Révolution de 1789, ce n’est qu’en 1896 que le jeune Alexandre est venu pour la première fois sur la terre de ses ancêtres. C’est alors à Versailles qu’il a trouvé l’inspiration, au gré des parcs et allées ayant autrefois été foulés par le Roi-Soleil. Ses aquarelles Les dernières promenades de Louis XIV, dont trois seront acquises par le célèbre collectionneur d’art Pavel Tretiakov, lui apporteront d’ailleurs la reconnaissance de ses contemporains.

En 1926, Benois quittera l’URSS pour s’installer définitivement dans l’Hexagone, où il œuvrera à l’élaboration de décors et costumes de théâtre, notamment au sein des célèbres Ballets Russes de Serge de Diaghilev. Ce talentueux peintre repose aujourd’hui au cimetière des Batignolles, à Paris.

Zinaïda Serebriakova (1884 – 1967)

D’origine française, son nom de jeune fille étant Lanceray, c’est naturellement vers ce pays que Zinaïda s’est tournée en 1924 afin de fuir la désastreuse situation de Leningrad (nom soviétique de Saint-Pétersbourg) au lendemain de la guerre civile. Elle passera ainsi pas moins de 43 années en exil en France, où elle recevra de multiples commandes de portraits d’autres éminents représentants de la diaspora russe.

Elle ne se contentera toutefois pas uniquement de la capitale, et voyagera tant dans le Sud du pays, où elle produira de nombreuses toiles dédiées au pittoresque port de Collioure, mais aussi en Bretagne, où les Bigoudènes et leurs reconnaissables coiffes semblent lui avoir fait forte impression. Grâce à son habileté au pinceau, elle deviendra la première femme russe à être reconnue comme peintre majeur.

Ilia Répine (1844 – 1930)

En 1873, après un périple de plusieurs mois en Autriche et en Italie, c’est dans la capitale française que s’est établi pour trois ans cet incontournable membre du mouvement artistique des Ambulants. Rue Véron, il trouvera un appartement, au n°31, ainsi qu’un atelier, au n°13.

Là, il fréquentera les impressionnistes français, et notamment Manet, qui exercera par la suite sur son art une influence considérable, comme le laisse entendre le style des deux peintures présentées ici. Le quotidien parisien deviendra alors source d’inspiration, qu’il s’agisse de marchands ou de simples habitués des cafés.

Marc Chagall (1887 – 1985)

Ayant tout juste bénéficié d’une bourse, Chagall s’est à l’âge de 24 ans rendu à Paris afin de poursuivre ses études. Ce voyage a néanmoins également été pour lui l’occasion de rencontrer les poètes et peintres avant-gardistes émigrés, à l’instar de Sonia et Robert Delaunay ou de Guillaume Apollinaire.

C’est précisément ici qu’il commencera à se faire appeler Marc, son véritable prénom étant Moïsseï, et que son style inclassable verra le jour, influencé tant par le primitivisme que le cubisme et l’expressionnisme.

Alexandre Serebriakoff (1907 – 1994)

Alexandre Serebriakoff n’est autre que le fils de Zinaïda Serebriakova, présentée précédemment. Né près de Kharkov, en actuelle Ukraine, il a dû surmonter à ses douze ans seulement le décès de son père, mort du typhus lors de son incarcération par les bolcheviks. Réfugié à Petrograd (nom intermédiaire porté par Saint-Pétersbourg entre 1914 et 1924), avec sa sœur et sa mère, il assistera ensuite au départ de cette dernière pour la France, avant de la rejoindre plus tardivement.

Là, il suivra les traces de Zinaïda et s’adonnera à la peinture, se spécialisant dans le portrait d’intérieur. Grâce à ses travaux, ont été retranscrits à jamais l’environnement quotidien de la société mondaine française, mais aussi les paysages ruraux bretons. Alexandre Serebriakoff est enterré avec sa mère au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois.

Konstantine Korovine (1861 – 1839)

L’impressionniste Korovine a à de multiples reprises séjourné à Paris. Il était notamment présent au pavillon russe de l’Exposition universelle en 1900, au cours de laquelle il a été distingué de deux médailles d’or, de sept médailles d’argent et de l’Ordre de la Légion d’honneur.

Les spectacles urbains, principalement crépusculaires, s’étant offerts à lui dans la capitale française, ont été sa muse pour de nombreux tableaux. Sur ces derniers, il est parvenu, au moyen de jeux de couleurs et de lumières, à retranscrire l’animation des rues aux abords des cafés et cabarets.

Boris Grigoriev (1886 – 1939)

Grigoriev a consacré quatre mois de l’année 1913 à des cours au sein de l’Académie de la Grande Chaumière, à Paris. C’est précisément dans cette ville que se révélera dans toute sa dimension son talent de dessinateur, puisqu’il lui dédiera plusieurs milliers d’esquisses et de croquis, trouvant son inspiration dans les milieux bohèmes, les cafés chantants ou encore dans les cirques des environs.

La Bretagne sera également une terre fructueuse pour lui, puisqu’il y peindra la beauté de la célèbre cité de Pont-Aven, tant prisée des artistes du monde entier, tandis que sa toile mettant en scène des joueurs bretons de binioù sera achetée aux enchères en 2008 pour 3,2 millions de dollars, sa deuxième meilleure vente.

Nicolas Roerich (1874 – 1947)

Plus connu pour ses centaines d’œuvres réalisées au gré de ses voyages dans l’Himalaya et en Asie centrale, Roerich a lui aussi eu la France pour muse. Sa première visite à Paris a eu lieu en 1900, peu après la mort de son père, afin de se familiariser avec l’architecture locale ainsi qu’avec ses musées. Ce voyage le conduira finalement à louer un atelier rue du Faubourg Saint-Honoré. Comme il en a témoigné par écrit, un monument le marquera alors particulièrement :

« Peu importe ce qui se passe à Paris, peu importe les nouvelles constructions édifiées sur l'ancienne Lutèce, c’est le vieux Paris avec tous ses vitraux, avec toutes ses tours, qui ont tant vu, qui sont capables de raconter tant d’ardents récits, qui reste dans la mémoire. La vie du tout nouveau Paris est animée. C'est un centre névralgique puissant du monde. Et pourtant, sans Notre-Dame, aucun tour Eiffel, aucun Trocadéro ne contribuera à conserver cette merveilleuse et attractive impression ».

Alexeï Petrovitch Bogolioubov(1824 – 1896)

Fraîchement diplômé de l’Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, Bogolioubov s’est, en 1853, lancé dans un voyage de sept années à travers l’Europe, qui l’amènera tant à Constantinople qu’à Genève. Au cours de ses pérégrinations, il fera en France la rencontre des peintres de l’école de Barbizon et travaillera au sein de l’atelier du d’Eugène Isabey.

Il découvrira également, entre autres, la Normandie, dont il laissera de nombreuses et remarquables peintures, en plus des fresques réalisées par ses soins dans la cathédrale orthodoxe Alexandre-Nevsky de Paris.

Dans cette autre publication, nous vous présentons des toiles d’artistes russes ayant pour source d’inspiration les paysages de Russie.