L’an dernier en Russie, la série Soderjanki (traduit Gold Diggers en anglais) de Konstantin Bogomolov a fait beaucoup de bruit et a immédiatement été achetée par Amazon Prime. Or, après être apparue en Allemagne sous le titre Russian Affairs, une prochaine sortie en langue française a été évoquée (aucun titre pour cette version n'a encore été dévoilé), et voici pourquoi vous ne devriez pas la manquer.
Konstantin Bogomolov fait partie du cercle des metteurs en scène de théâtre « les plus scandaleux ». Il est de ceux qui incitent le public à se rendre au théâtre non pas pour une représentation spécifique, mais pour un metteur en scène en particulier. Il est le lauréat de nombreux prix prestigieux, le directeur du théâtre sur Malaïa Bronnaïa à Moscou, acteur des principaux scandales médiatiques, la cible des militants orthodoxes et le mari de la diva de la télévision et ex-candidate à la présidence Ksenia Sobtchak. Par conséquent, pour ses débuts au cinéma, l’on ne pouvait s’attendre qu’à une œuvre singulièrement provocatrice. Et c’est évidemment le cas. Lesgold diggers (maîtresses se faisant gracieusement entretenir par leurs amants) est un phénomène bien établi dans la mondaine et moderne capitale russe, que le réalisateur connaît comme sa poche.
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Dans la série, Dacha, une modeste historienne de l'art, arrive chez une amie à Moscou depuis la province. Son amie vit uniquement aux frais d'un fonctionnaire fédéral, avec lequel elle couche périodiquement, et fait ce qu’elle veut le reste du temps. Comprenant rapidement les lois simples de ce milieu, l'intellectuelle Dacha rejoint donc le monde des femmes entretenues et ne tarde pas à se faire une « place au Soleil ». Viennent ensuite intrigues, crimes, scènes érotiques, et destins brisés.
Le casting de Soderjanki est vraiment exceptionnel de par la présence d’incontournables et talentueuses stars du cinéma russe : Alexander Kuznetsov, Sofia Ernst, Alexandra Rebionok et d'autres. Néanmoins, des acteurs d’arrière-plan y jouent également un rôle important, Bogomolov ayant, comme à son habitude au théâtre, fait un pari spécial : il a invité pour ces rôles de véritables représentants du milieu mondain et les a placé dans le décor, pour eux familier, des établissements moscovites branchés et luxueux. La provocation du réalisateur réside donc ici de savoir quels rôles sont joués par les vrais habitués de ce milieu on ne peut plus select. Par exemple, un rôle occasionnel d’hôtesse de restaurant a été incarné par Nadejda Obolentseva, une lionne mondaine pour qui le concept de « portes fermées »n'existe guère.
Toutefois, il s’agit là plutôt d’un bonus, dont il est difficile de profiter sans connaître le beau monde de Moscou et ses attributs. La bonne nouvelle est que Soderjanki est une œuvre à plusieurs niveaux : il vous sera tout de même intéressant de voir comment ce milieu cynique, calculateur et froid est raillé par quelqu'un qui lui appartient (et qui boit avec ses personnages le soir). L’ironie de Bogomolov est ainsi en elle-même une raison de regarder cette œuvre portant sur un sujet ancien comme le monde, les hommes fortunés entretenant leurs maîtresses.
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La série a été filmée par l'un des meilleurs cadreurs russes, Alexander Simonov. Il a travaillé sur des films tardifs du réalisateur culte Alekseï Balabanov et sur les deux derniers d'Andreï Kontchalovski (dont Paradis, nominé aux Oscars en 2016). Une participation d’autant plus intéressante que, sachant créer une image plutôt esthétique, Simonov est aussi bon dans les projets d'art house que dans ceux de télévision grand public. Avant Soderjanki, il a ainsi participé au tournage de la série Le policier de la Roubliovka pour la chaîne de divertissement TNT.
La patte de Simonov est reconnaissable dès les premières minutes de Soderjanki, lorsque la caméra passe lentement devant un certain nombre de corps, ridiculement similaires, de femmes se lavant sous la douche d’un club de fitness, le tout, sur une mélodie de blues.
Les scènes sexuelles de la série ne sont pas moins nombreuses que dans la désormais culte série Game of Thrones. À cet égard, Soderjanki effectue presque une révolution dans sa patrie – le niveau d’ouverture est ici bien supérieur à ce que l'on pourrait attendre de l'érotisme russe. Et ce n'est pas seulement car que le sujet s’y prête.
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Les scènes de sexe sont filmées d'une manière incroyablement naturaliste et ne cèdent en rien à ce qui se fait de mieux en Occident. Il convient probablement de remercier les conditions initiales dans lesquelles la série a été réalisée : elle a été conçue comme un projet exclusivement destiné à être présenté sur Internet, et non à la télévision, ce qui accroît amplement le champ des possibles.
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