Trois Français qui ont donné au ballet russe ses lettres de noblesse

Ilia Pitalev/Sputnik
Des décennies d’efforts ont été nécessaires à la Russie pour obtenir le statut de meilleur ballet du monde. Dans cette ascension, une contribution considérable a été apportée par les maîtres français, qui par la volonté du destin sont apparus dans le pays.

Les souverains russes, à partir d'Élisabeth Ire (1741–1762), sont tombés amoureux de l'art du ballet et n'ont rechigné sur aucun effort pour inviter les meilleurs talents européens dans le pays. Il est difficile de trouver dans l'histoire mondiale de la danse un personnage important qui n'aurait pas été remarqué en Russie. Plusieurs Français ont ainsi inscrit leur nom dans l’histoire du ballet russe et contribué à sa rapide ascension sur la scène mondiale.

Charles Didelot

Didelot était le fils de danseurs français installés à la cour de Suède à Stockholm. Là, il commence à étudier la danse et connaît un si grand succès que le garçon de 9 ans est envoyé chez les meilleurs professeurs parisiens. Plus tard, la Révolution française interrompt la brillante carrière de Didelot à l’Opéra de Paris. Il est contraint de se rendre à Londres où, en 1796, il met pour la première fois en scène un ballet sur Flore et Zéphire, qui l'accompagnera sur toutes les scènes, lui apportant renommée et contrats.

Didelot, âgé de 35 ans, est arrivé en Russie en 1802 à l'invitation du prince Nikolaï Youssoupov pour prendre la tête des théâtres impériaux. Le chorégraphe a obtenu la protection suprême de l'impératrice veuve. Cela ne lui a pas seulement permis de monter des ballets - sa position était comparable à celle qu’obtiendrait le légendaire Marius Petipa, le « souverain du ballet russe », cent ans plus tard.

Didelot n'a pas uniquement créé le répertoire de la troupe de Pétersbourg, il a aussi enseigné au théâtre et à l'école, formant plusieurs générations de danseurs et menant à bien des réformes artistiques complexes, grâce auxquelles le ballet russe a commencé à suivre le tempo du ballet européen.

>>> Pourquoi Rudolf Noureev est toujours aussi populaire 26 ans après sa mort

Jules Perrot

Le Français Perrot est l’une des figures les plus mystérieuses du ballet mondial. Aujourd'hui encore, sur les plus grandes scènes du monde, des spectacles comme Giselle, Esméralda, Ondine, Le Corsaire, sont signés de son nom. Mais on ignore si ne serait-ce que quelques combinaisons de pas de danse de leur créateur y ont été préservées.

Perrot était un danseur et acteur exceptionnel de l'ère romantique, un partenaire de Marie Taglioni, qui, selon la légende théâtrale, ne pouvait supporter la rivalité et faisait tout pour empêcher Perrot d'être invité à l'Opéra de Paris. Le virtuose hors pair s’est alors rendu en Italie, où il a rencontré la jeune Carlotta Grisi. À partir de cette jeune femme de 16 ans, il a forgé une rivale dotée d’une beauté exceptionnelle pour Taglioni. Elle est devenue son élève, sa muse, son maîtresse et sa « clé » des portes de l’Opéra de Paris. Ces portes se sont effectivement ouvertes, mais Carlotta n'y a pas fait entrer son Pygmalion…

Ils se sont rencontrés dix ans plus tard à Pétersbourg, où Grisi, comme avant elle Taglioni, se sentait comme sur l’Olympe. Perrot, comme s'il avait oublié les affronts, a restauré les ballets dans lesquels brillait le talent de cette « fille aux yeux violets ». À cette époque, la troupe de Pétersbourg possédait le meilleur corps de ballet d’Europe et des danseurs aux profils variés. En fin de compte, la reconnaissance de Carlotta a de nouveau été de courte durée. Mais Pétersbourg s’est retrouvée propriétaire de tous les chefs-d’œuvre de Perrot - et c’est dans cette ville qu’ils ont été conservés pendant de nombreuses décennies, bien avant qu’ils soient transformés par Marius Petipa.

Perrot, à la fin de sa vie, est rentré dans sa France natale accompagné de son épouse russe, mère de ses deux enfants, une simple bourgeoise, Kapitolina Samovskaïa.

>>> La révolution artistique de Serge Diaghilev

Arthur Saint-Léon

Ce Français n’a vécu que 48 ans, mais sa vie pourrait servir de base à une série moderne en plusieurs saisons. Saint-Léon, issu d'une famille de danseurs, a interprété les rôles principaux des ballets Perrot, a étudié avec Paganini et était un violoniste hors pair. Il a mis en scène des ballets et a inventé son propre système d’annotation de la danse.

Il est arrivé à Saint-Pétersbourg à l'âge de 38 ans alors qu’il était déjà un grand maître. Ses représentations avaient déjà lieu à Milan, à Vienne et à Londres. L'intérêt du chercheur l'a conduit en Russie - Saint-Léon se distinguait de nombreux collègues par son désir d'être en phase avec son temps, de se trouver à l'épicentre des événements les plus importants et de suivre le progrès. Et dans les années 1860, la Russie était le meilleur endroit pour développer une carrière de chorégraphe.

Le sérieux de ses intentions était déjà attesté par le fait que Saint-Léon avait publié son premier ballet, Jovita, deux semaines après avoir signé un contrat avec la Direction des théâtres impériaux en septembre 1859. Même comparé à ses collègues les plus productifs du XIXe siècle, il travaillait avec l’intensité d’une usine. Saint-Léon était littéralement submergé par les thèmes de ballets, les idées de composition et les combinaisons chorégraphiques, comme l'ont affirmé ses contemporains.

Il a mettait en scène des danses classiques sur pointes (pour le corps de ballet, c’était une innovation incroyable à l'époque), des danses folkloriques sur chaussures à talons, des ensembles, des solos, des danses d’hommes, femmes et enfants - il semblait que sa fantaisie n'avait aucune limite. Marius Petipa, qui est arrivé à Saint-Pétersbourg 12 ans plus tôt que Saint-Léon, en était réduit à observer en spectateur la bonne étoile de son rival briller de plus en plus vivement.

>>> Les cinq classiques qui ont fait la gloire du ballet russe

Après dix ans de travail à Saint-Pétersbourg, l'Opéra de Paris a tendu ses bras à Saint-Léon - le chouchou de tous les artistes de cette époque. Il a commencé à préparer sa première production alors qu’il n’était pas encore libéré de ses obligations à Pétersbourg. La première de Coppelia a eu lieu avec succès le 25 mai 1870 et trois mois plus tard, le chorégraphe est décédé subitement - probablement de surmenage.

À Saint-Pétersbourg, le poste de premier chorégraphe est finalement revenu à Marius Petipa. Ce dernier attendait cela depuis presque un quart de siècle. Une réussite non pas due aux circonstances, mais obtenue de haute lutte en étudiant sans relâche auprès de ses prédécesseurs.

Avec cette autre publication, apprenez comment le Français Marius Petipa a-t-il réussi à élever la Russie au sommet du ballet. 

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies