Van Cliburn
Rien ne peut être comparé avec ce que ce pianiste a subi lors du tout premier concours Tchaïkovski en 1958. À l'époque, les compétitions n'étaient pas encore devenues un énorme événement musical, et l'URSS vient d'ouvrir le « rideau de fer ». Ce jeune type de 23 ans venu du Texas qui a joué le Premier concerto de Tchaïkovski et le troisième de Rachmaninov dans les traditions rappelant l'ancienne école de piano russe avec sa liberté et son émotivité est devenu l'idole des Moscovites. Mais selon la conviction soviétique, le représentant de l'URSS devait à tout prix gagner… Sviatoslav Richter, qui était membre du jury, s'y opposa vivement. La question du vainqueur a été tranchée au niveau du Kremlin, et avec l'approbation de Nikita Khrouchtchev, le premier prix a été décerné à l'Américain Van Cliburn, élève du professeur russe Rosina Levine.
La victoire de Moscou lui a ouvert les portes du monde de la musique : il a été le premier musicien classique, à recevoir un Grammy, son enregistrement du premier concerto pour piano de Tchaïkovski a reçu le premier disque de platine de la musique classique et a reçu deux autres disques de platine par la suite.
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Natalia Goutman
Lors de la compétition de 1962, Goutman a dû se contenter du troisième prix. Mais cela ne l'a pas empêchée de devenir un de ces rares élus pour qui le monde musical ne connaît pas de nationalités ni de frontières…
Goutman est née pendant la Seconde Guerre mondiale dans une famille de musiciens qui ont été évacués à Kazan. Sa mère était pianiste, son grand-père paternel était violoniste soliste au Conservatoire d'État soviétique, son beau-père - violoncelliste. C'est d'eux qu'elle a reçu ses premières leçons professionnelles.
Les gens - voilà ce qui a constitué le facteur déterminant de la carrière de Goutman. À l'école supérieure du Conservatoire de Leningrad, elle a étudié avec Mstislav Rostropovich. Pendant de nombreuses années, elle faisait partie du cercle de Richter, parlant constamment avec lui et participant à son festival Les Soirées de décembre. Une ligne distincte dans l'histoire de la musique est le duo formé par Goutman et son mari, le violoniste Oleg Kagan. Aujourd'hui, Goutman est elle-même devenue enseignante, et parmi ses étudiants figure le lauréat de l'un des derniers concours Tchaïkovski, Alexander Bouzlov.
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Guidon Kremer
Lors du concours de 1970, Kremer représentait l'URSS. Diplômé du Conservatoire de Moscou, élève du grand David Oistrakh, qui avait déjà une expérience réussie aux prestigieux concours reine Elisabeth à Bruxelles et Paganini à Gênes, Kremer a reçu à Moscou un premier prix très attendu. Peut-il en être autrement si vous jouez du violon depuis l'âge trois ans, que vous êtes né dans une famille de violonistes et que vous avez hérité votre profession de votre grand-père et de votre père ?
Mais tout ce qu'il y avait de prévisible dans le destin de Kremer s'arrêtait là. Il n’est pas devenu un représentant éminent de l'industrie internationale de la musique, ce qui implique une interminable série de concerts, les aéroports, les avions, les changements d'hôtels, de chefs d'orchestre, d'orchestres et un répertoire relativement étroit, qui permet de démontrer sa virtuosité. Kremer, qui a émigré de l'URSS, a créé son propre festival, son propre orchestre et s'est concentré sur la musique de ses compositeurs préférés. À de nombreux égards c'est précisément grâce à lui qu'Alfred Schnittke, Guia Kancheli, et Leonid Dessiatnikov sont maintenant perçus comme des classiques.
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Hibla Gerzmava
Elle a participé au concours alors qu'elle était encore étudiante du Conservatoire de Moscou et est devenue le premier vainqueur de son Grand Prix, introduit en 1994. La pureté cristalline du ton, ses manières discrètes, une formation impeccable reçue de l'un des meilleurs professeurs russes, Irina Maslennikova, ne semblaient pas faire partie des principales « vertus » de la compétition - on estime ici l'éclat, la persévérance, la virtuosité ouverte.
Toutefois, il y a plus de 20 ans, la victoire d'une fille venue d'Abkhazie a provoqué beaucoup de controverses. Mais à ceux qui doutaient de sa légitimité, Gerzmava a répondu par sa carrière ultérieure. Pour elle, elle a choisi le Théâtre musical de Moscou Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko, alors qu'elle avait été invitée au Bolchoï, et qu'elle eut plus tard la possibilité d'aller au théâtre Mariinsky. Mais elle a choisi de revenir à ces théâtres russes de premier plan, ainsi qu'au New York Metropolitan Opera et au Covent Garden de Londres, en tant que soliste invitée. Elle est restée fidèle au théâtre, où elle est passée de la princesse cygne à l'héroïne des Contes d'Hoffmann d'Offenbach, où - c'est un cas unique - elle chante les trois parties féminines centrales.
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Lucas Debargue
Lors de la dernière compétition, le pianiste français de 24 ans n’a pas écrasé ses concurrents en termes de résultats - il n'a obtenu que le quatrième prix. Mais pour les Moscovites, il est devenu le nouveau Van Cliburn, un favori, un vainqueur. Son activité de concert s'étend progressivement aux principales salles de concert du monde, mais nulle part il n'a pas autant de succès qu'en Russie. Dans ce pays, il semble avoir rendu aux visiteurs la passion avec laquelle au XIXe siècle on se disputait au sujet Franz Liszt : la finesse du musicien conjuguée à la courtoisie gauloise, une grande délicatesse et une approche très personnelle de chaque morceau ne laissent personne indifférent.
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