Un nouveau signal de fermeté envoyé à Kiev et à Washington.
Sergeï Konkov / TASSLa signature par le président russe Vladimir Poutine d’un décret reconnaissant la validité, sur le sol russe, des documents émis par les autorités des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk (RPD et RPL) a été annoncée le 18 février lors de la Conférence de Munich sur la sécurité et a immédiatement provoqué la colère de l’Ukraine.
Son président Petro Porochenko a qualifié la décision de Moscou de « énième preuve de violation du droit international (par la Russie) ».
Les pays occidentaux ont également fait savoir leur hostilité à l’égard de la décision russe : ainsi, l’ambassade des États-Unis à Kiev a qualifié la reconnaissance des documents de décision « inquiétante ».
Les ministères des Affaires étrangères français et allemand condamnent le décret de Poutine : les deux pays estiment que celui-ci est contraire aux accords de Minsk, qui prévoient que la RPD et la PRL réintègreront progressivement l’État ukrainien.Les deux républiques non reconnues se réjouissent au contraire de cette décision. Ainsi, le président du parlement de la RPD Denis Pouchiline a déclaré que la reconnaissance des documents allait « grandement faciliter la vie de nos citoyens ».
« Nous sommes déjà pratiquement des citoyens russes ! », s’exclame avec joie un membre du gouvernement de la RPD, cité par Gazeta.ru.
En réalité, tout n’est pas si simple : les responsables russes soulignent que ni la reconnaissance des républiques, ni leur intégration dans l’État russe ne sont à l’ordre du jour. Le porte-parole de Vladimir Poutine Dmitri Peskov a précisé que les passeports émis par la RPD et la RPL ne sont pas des passeports d’États reconnus officiellement.
Désormais, les documents émis par la RPD et la RPL – passeports, mais aussi actes de naissance, de mariage ou de décès, diplômes, permis de conduire, etc. – sont reconnus comme valides en Russie.
Leonid Poliakov, professeur du département des sciences politiques à l’École des hautes études en sciences économiques, précise que cela permettra aux citoyens des deux républiques de sortir du vide juridique, car les seuls documents qu’ils possédaient jusqu’ici n’étaient reconnus par personne au sein de la communauté internationale.
« De la part de la Russie, c’est un geste humanitaire, nous indique Poliakov. Ces gens savent désormais qu’avec leurs documents, ils seront considérés sur le sol russe comme les citoyens des autres pays ».
Cependant, avant même le décret de Poutine, les documents émis par la RPD et la RPL (en circulation depuis février 2016) étaient largement acceptés sur le sol russe.
« Dans les faits, [en Russie] on fermait déjà les yeux sur les documents et les plaques d’immatriculation [de la RPD et de la RPL] », affirme Eldar Khassanov, ancien responsable de la RPD, cité par RBC.
Dans un entretien avec RBTH, le politologue et professeur de l’Institut d'État des relations internationales de Moscou Valeri Soloveï abonde dans ce sens : « Ces documents étaient déjà acceptés, mais tout simplement on ne l’avait pas annoncé ».
La reconnaissance de jure est une réaction du Kremlin aux propos du vice-président américain Michael Pence, estime Soloveï. Dans son discours à la Conférence de Munich, Pence a indiqué qu’aux yeux des États-Unis, la Russie était responsable du conflit dans le Donbass et que Moscou devait garantir le respect des accords de Minsk. Le décret de Poutine sur la reconnaissance des documents a été officiellement publié quelques heures plus tard.
Leonid Poliakov convient que cette décision du Kremlin est un message adressé aux États-Unis, à l’Occident et à l’Ukraine visant à prouver la fermeté de la position russe. « La Russie rappelle que nous avons nos propres idées sur ce que nous devons faire et que nous mènerons notre politique sur cette base », estime le politologue.
Pour l’expert, Moscou envoie un signal empreint de fermeté à l’administration de Trump : « Décidez enfin ce que vous allez faire concernant l’Ukraine et dans quelle mesure les déclarations électorales [de Trump] correspondent à la réalité ».
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré le 18 février que la Russie maintenait sa position consistant à considérer le Donbass comme faisant partie de l’Ukraine.
Toutefois, certains politologues estiment que si le dialogue avec Kiev reste dans l’impasse, la Russie pourrait décider de reconnaître les républiques. « On ne peut exclure un tel scénario », indique Alexeï Tchesnakov, directeur du Centre de la conjoncture politique, à Gazeta.ru.
Pour sa part, Valeri Soloveï est convaincu qu’une telle démarche détériorerait gravement les relations entre la Russie et l’Occident et qu’elle est donc peu probable. « Une telle décision aurait des conséquences si graves que toutes les sanctions précédentes passeraient pour un jeu d’enfants. Le Kremlin en est parfaitement conscient », nous explique l’expert.
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