La transformation d’Ekaterinbourg à travers les âges

Aujourd’hui, la ligne d’horizon de la quatrième plus grande ville de Russie est méconnaissable par rapport son aspect en 1723, ce qui illustre les bouleversements historiques qui ont balayé la capitale de l’Oural.

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Panorama d’Ekaterinbourg. Centre : Tour Vyssotski. En dessous : étang de la ville avec la chapelle Sainte-Catherine et la maison Sevastianov (sous la tour). En bas à gauche sur l’étang : Façade arrière de la résidence du directeur des mines de l’Oural.

Au début du XXe siècle, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a mis au point un procédé complexe permettant d’obtenir une photographie aux couleurs vives et détaillée. Sa vision de la photographie en tant que forme d’éducation et d’illumination s’est illustrée avec une clarté particulière dans ses clichés de monuments architecturaux réalisées sur des sites historiques du cœur de la Russie.

En mai 1909, le tsar Nicolas II a invité le photographe à la résidence impériale de Tsarskoïe Selo afin qu’il lui montre ses images de la Russie à l’aide d’un projecteur dernier cri. Suite à cette présentation, Prokoudine-Gorski obtient le soutien de la cour impériale pour poursuivre ses voyages. Ce prestigieux mécénat accélère le rythme de travail du photographe.

Ekaterinbourg. Étang de la ville avec maison Sevastianov (à gauche) et cathédrale Sainte-Catherine

Parmi les expéditions de Prokoudine-Gorski au cours de l’été 1909 figurait le premier de ses voyages dans les montagnes de l’Oural. Voyageant avec le soutien logistique du ministère des Transports, il a réalisé des clichés allant de la nature sauvage aux grandes usines.

Prokoudine-Gorski a consacré beaucoup d’attention à Ekaterinbourg, un important centre industriel et administratif de l’Oural. Connue pendant la période soviétique sous le nom de Sverdlovsk (de 1924 à 1991), la quatrième plus grande ville de Russie a connu au cours du siècle dernier des transformations qui sont particulièrement visibles en comparant avec les photographies de Prokoudine-Gorski.

Ekaterinbourg. Place du Travail (Catherine) avec monument à Vassili Tatichtchev et Georg de Hennin

Ma première visite dans la région a eu lieu neuf décennies après celle de Prokoudine-Gorski, à la fin de l’été 1999. Un second voyage à Ekaterinbourg au printemps 2017 a révélé les résultats frappants du récent boom de la construction.

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Ville de marchands et de mineurs

Fondée en 1723, Ekaterinbourg (« Ville de Catherine ») a été nommée d’après la deuxième épouse de Pierre le Grand, Catherine. À sa mort en 1725, elle est devenue la première femme à diriger l’Empire russe. Le bref règne de Catherine Ire, qui n’a duré que de 1725 à 1727, a constitué une continuation des politiques de modernisation menées par Pierre.

Cathédrale Sainte-Catherine, vue de la maison Sevastianov (à gauche). Au bout à droite : clocher de l’église catholique de Sainte-Anne

Le nombreuses photos d’Ekaterinbourg de la collection Prokoudine-Gorski comprennent plusieurs vues de l’étang de la ville, un élément déterminant du paysage urbain. Il a été créé en 1724 lorsque l’ingénieur Georg Wilhelm de Guennin (Hennin) a endigué la rivière Isset afin de créer une source d’énergie pour une usine de fer créée sur ordre de Pierre le Grand en 1723. La vue de Prokoudine-Gorski de la pointe sud-est de l’étang présente un intérêt historique particulier. Bien que le négatif sur verre original ne nous soit pas parvenu, une reproduction d’un album de ses tirages par contact se concentre sur la cathédrale Sainte-Catherine, construite de 1758 à 1768 et démolie en 1930.

Chapelle Sainte-Catherine (sur le site de la cathédrale Sainte-Catherine, démolie en 1930)

Construite en 1726 et détruite par un incendie en 1747, la cathédrale du milieu du XVIIIe siècle photographiée par Prokoudine-Gorski arborait un style rappelant le baroque primitif qui prévalait sous le règne de Pierre le Grand. Le sanctuaire principal était couronné d’une tour à plusieurs niveaux et d’un dôme, tandis que la grande structure à l’extrémité ouest était surplombée par un clocher et une flèche qui marquaient le centre de la ville.

La destruction de la cathédrale Sainte-Catherine a porté un coup sévère au patrimoine architectural de la ville. Le site de la cathédrale est devenu une partie d’un petit parc connu sous le nom de place du Travail situé sur la perspective Lénine. Le parc abrite une fontaine construite en 1962 et une statue des fondateurs de la ville érigée en 1998 - l’éminent historien et géographe Vassili Tatichtchev et Georg de Hennin.

Maison Sevastianov, au coin de la perspective Lénine et du quai de l’étang de la ville (rue Gorki)

Le site de la cathédrale accueille désormais la chapelle Sainte-Catherine, une structure élancée érigée en 1998 à l’occasion du 275e anniversaire d’Ekaterinbourg. Une proposition faite en 2010 de reconstruire la cathédrale Sainte-Catherine a provoqué de houleux débats publics, et l’idée a été remplacée en 2016 par un projet de construction à un autre endroit et dans un style différent.

Des manoirs pseudo-gothiques aux gratte-ciel modernes

La moitié gauche de la vue historique de Prokoudine-Gorski sur l’étang inférieur est occupée par la maison Sevastianov, l’un des bâtiments les plus distinctifs d’Ekaterinbourg. L’imposant manoir à trois niveaux a été construit au début du XIXe siècle dans le style néoclassique avec une rotonde d’angle typique. En 1860, le manoir a été acquis par un riche fonctionnaire du gouvernement, Nikolaï Sevastianov, qui l’a reconstruit en 1866. Les façades richement ornées affichent un pastiche pseudo-gothique créé par Alexandre Padoutchev, qui a étudié avec l’éminent architecte local Mikhaïl Malakhov. Lorsque Sevastianov a été promu à Saint-Pétersbourg, la maison a été transformée en tribunal régional.

Maison Sevastianov. Vue sur l’étang de la ville avec quai et cathédrale Sainte-Catherine

Le bâtiment a été saccagé pendant les troubles révolutionnaires de 1917 et a servi de bâtiment des syndicats pendant la période soviétique. En 2008, l’extérieur a été restauré et l’intérieur reconstruit afin de servir de résidence présidentielle destinée à assurer les principales fonctions de l’État, telles que la réunion au sommet Russie-UE de 2013.

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Ma vue de la même zone, prise au printemps 2017 depuis le 14e étage d’un hôtel moderne, montre la transformation surprenante qui s’est produite suite au « boom » de la construction du début du XXI siècle. Le gratte-ciel Vyssotski de 54 étages, ouvert en 2011 et nommé en l’honneur du célèbre chanteur russe Vladimir Vyssotski, est particulièrement imposant. Un certain nombre de maisons historiques ont été démolies pour faire place à cette tour.

Maison Sevastianov, façade sur l’avenue Lénine

Malgré ces nombreux changements, ma photographie de 2017 montre la maison Sevastianov, ainsi que l’arrière du manoir néoclassique du directeur principal des mines de l’Oural. La vue historique de Prokoudine-Gorski a été prise d’un point proche de la résidence du directeur des mines.

Étang de la ville avec quai et résidence du directeur des mines de l’Oural

Prokoudine-Gorski a ensuite inversé les points de vue et photographié le manoir lui-même, reflété dans l’étang. Achevée au début des années 1830 et attribuée à Mikhaïl Malakhov, l’imposante structure se distinguait des autres maisons à portiques construites dans les années 1830 sur le quai du Gymnase (rive ouest) de l’étang de la ville.

Résidence du directeur des mines

En effet, la résidence du directeur des mines se distingue par deux portiques ioniques dont le haut orne un grenier qui s’élève au centre de la façade principale. Ces greniers avaient généralement une fenêtre « thermique » semi-circulaire dérivée de la conception palladienne (Renaissance italienne).

Prokoudine-Gorski a ensuite tourné son appareil photo en direction de l’étang vers le principal élément topographique de la ville, la colline de l’Ascension. Cette montée a été nommée en raison de l’église de l’Ascension, visible avec son clocher à droite sur sa photographie.

Vue sur l’étang en direction de la colline de l’Ascension. De gauche à droite : manoir Rastorgouïev-Kharitonov, clocher et église de l’Ascension. Premier plan à droite : raffinerie d’or d’État

Non seulement la photographie de la colline de l’Ascension est magnifique en termes de composition, mais c’est aussi l’une des plus importantes de la collection de Prokoudine-Gorski d’un point de vue historique. Le centre de la photographie est dominé par le grand manoir Rastorgouïev-Kharitonov, qu’il a photographié séparément. Légèrement visible en dessous se trouve la maison de l’ingénieur Nicolas Ipatiev, connue comme l’endroit où Nicolas II et sa famille seraient exécutés en juillet 1918.

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Bien que mes photographies de 2017 révèlent certains aspects présents sur le point de vue de Prokoudine-Gorski, beaucoup de choses ont changé, y compris la perte de la maison Ipatiev, rasée en 1977. Ce territoire est maintenant occupé par un complexe commémoratif centré sur l’église de Tous-les-Saints-sur-le-Sang. Compte tenu de cette histoire complexe, l’article suivant sera exclusivement consacré à une analyse photographique de la colline de l’Ascension.

Vue sur l’étang gelé de la ville en direction de la colline de l’Ascension. De gauche à droite : manoir Rastorgouïev-Kharitonov, église de Tous les Saints sur le Sang, clocher et église de l’Ascension

Au début du XXe siècle, le photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a inventé un procédé complexe de photographie en couleur. Entre 1903 et 1916, il a voyagé à travers l'Empire et pris plus de 2 000 photographies avec ce nouveau procédé, qui implique trois expositions sur une plaque de verre. En août 1918, il a quitté la Russie avec une grande partie de sa collection de négatifs sur verre et s'est finalement installé en France. Après sa mort à Paris en 1944, ses héritiers ont vendu sa collection à la Bibliothèque du Congrès américain, qui, au début du XXIe siècle, a numérisé la collection de Prokoudine-Gorski et l'a mise gratuitement à la disposition du public mondial. Un certain nombre de sites web russes en proposent désormais des versions. En 1986, l'historien de l'architecture et photographe William Brumfield a organisé la première exposition de photographies de Prokoudine-Gorski à la Bibliothèque du Congrès. Au cours d'une période de travail en Russie débutant en 1970, Brumfield a photographié la plupart des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d'articles juxtapose les vues de Prokoudine-Gorski sur les monuments architecturaux avec les clichés pris par Brumfield des décennies plus tard. 

Dans cet autre article, nous vous emmenions à la découverte de Torjok, joyau de la province russe. 

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