LADATRIP ÉPISODE 3: La Russie en Lada par deux Français – Irkoutsk – République de Khakassie

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La semaine dernière, en pleine traversée de Russie au volant de leur Lada Niva, Arthur et Alexandre Boulenger nous avaient narré leur séjour en Bouriatie et sur les rives du lac Baïkal, « perle de Sibérie » leur ayant fait forte impression. Depuis, ils se sont notamment lancés à l’assaut du Touva, contrée méconnue et isolée du sud du pays, petite sœur de la fascinante Mongolie. C’est parti !

Lors de leur précédent entretien avec Russia Beyond, les deux frères originaires de l’Essonne faisaient route vers Krasnoïarsk depuis Irkoutsk, cette dernière étant un carrefour incontournable pour les voyageurs souhaitant admirer le légendaire lac Baïkal.

Alexandre, à gauche, et Arthur, à droite.

Arrivés à destination, Arthur et Alexandre ont été accueillis par une utilisatrice de Couchsurfing, site réunissant aux quatre coins du monde des personnes acceptant d’héberger gratuitement des touristes. Chez elle, ils ont eu l’opportunité de rencontrer un surprenant couple d’une vingtaine d’années venu de Tomsk, et cherchant à gagner la Chine en autostop pour s’y établir quelques mois en tant que professeurs d’anglais.

Expédition en territoire nomade

Désireux d’atteindre rapidement leur prochaine grande étape, les deux explorateurs ne se sont cependant pas attardés dans cette ville parcourue par le fleuve Ienisseï. Ils ont ainsi le lendemain repris le volant vers le sud, pour rejoindre la mystérieuse République de Touva. Après avoir passé la journée sur les routes, les deux Français ont pu passer la nuit chez deux jeunes d’environ 19 ans, dont ils avaient obtenu les contacts lors de leur escale à Moscou. Ces derniers ont d’ailleurs su faire montre de la légendaire hospitalité sibérienne, leur faisant visiter leur ville de Minoussinsk et témoignant de leurs propres ambitions de voyages futurs.

Le lendemain, en chemin, les paysages se sont à nouveaux montrés sous un nouveau jour, permettant à notre duo de contempler pour la première fois de leur épopée de vastes étendues de steppe.

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« J’ai eu l’impression d’être à nouveau en Asie centrale, au Kirghizstan, de quitter la Russie. Entre le Touva et la Khakassie on le ressent, il y a presque une démarcation. Le Touva est pratiquement un autre pays », assure Arthur, commentant le dépaysement ressenti en ces lieux, notant par ailleurs le net changement linguistique et physique des locaux.

À une soixantaine de kilomètres au nord de Kyzyl, capitale touvaine, ils ont ensuite pu admirer la Vallée des Tsars, comprenant de nombreux kourganes, tumulus faisant office de sépultures aux chefs nomades et datant du VIIe siècle avant notre ère. Sujets de fouilles depuis les années 70, y ont été découverts de délicats artefacts en or d’une précision laissant encore aujourd’hui les chercheurs pantois.

Après un bref passage à Kyzyl, les frères ont mis le cap sur le lac salé de Dous-Khol, lieu de villégiature apprécié des locaux, qui n’hésitent pas à s’enduire de boue noire et à se plonger dans ses eaux pour profiter de leurs vertus. Rituel auquel se sont d’ailleurs volontiers livrés nos deux baroudeurs avant de planter leur tente sur la berge et de partager un thé avec des habitués.

De retour à Kyzyl, les frères se sont dirigés vers le Centre de la culture du Touva qui, à leur grande surprise, paraissait désert. Ne baissant pas les bras pour autant, ils ont finalement fait la rencontre d’une employée âgée de l’établissement, qui leur a promptement présenté sa petite-fille, Kira, interprète de profession. Celle-ci s’est alors improvisée guide des lieux, les conduisant même dans l’atelier de conception d’instruments traditionnels et d’arcs. Souhaitant assister à une démonstration de chant de gorge, typique de la région, ils ont ensuite eu le privilège de pénétrer dans le studio d’enregistrement du centre, où œuvrait un ingénieur du son du nom de Tchinguiz. Ce dernier leur a ainsi fait écouter plusieurs de ses réalisations, reflets de la musique actuelle du Touva, mêlant tradition et modernité.

S’est en outre spécialement déplacé pour les rencontrer Igor Kochkendeï, directeur de la structure et détenteur depuis cette année d’un prestigieux Latin Grammy Award dans la catégorie Meilleure chanson urbaine. Initialement vêtu d’un costume traditionnel touvain, ressemblant fortement à un poncho péruvien et un chapeau de Manchourie, il s’est montré fortement intrigué par l’aventure d’Arthur et Alexandre et leur a suggéré de passer la nuit chez Tchinguiz.

Beauté brutale et «attaque de zombies»

Kyzyl.

Pour la soirée, ce dernier les a donc emmenés chez l’un de ses amis, à quelques kilomètres en dehors de la ville. Ce qui s’annonçait comme un agréable moment s’est toutefois transformé en cauchemar pour les deux Essonniens, trois individus à l’allure louche les ayant par la suite rejoints. Tchinguiz, également peu à son aise, endossait alors le rôle de traducteur, ces inconnus, que l’ingénieur qualifiera même de gangsters locaux, ne parlant que peu russe. Malgré la lourde insistance de leurs hôtes, Arthur et Alexandre sont toutefois finalement parvenus à se défaire de leur étreinte et à reprendre le volant pour regagner le logement de Tchinguiz.

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Au petit matin, tous deux ont mis les voiles vers l’ouest, ambitionnant de rejoindre l’Altaï en longeant la frontière mongole. Sur la route, afin de se réapprovisionner, ils ont marqué une halte à Tchadan, petite cité de près de 9 000 âmes, mais ne s’attendaient pas à un tel accueil.

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En effet, si le Touva peut être loué pour sa richesse culturelle et ses paysages somptueux, cette république, fortement isolée et à l’économie peu développée, est aussi tristement célèbre pour son taux d’alcoolémie, comptant parmi les plus élevés du pays. Si bien que l’on parle ici de « zombies » pour désigner les nombreuses personnes saoules que l’on peut y apercevoir et dont les deux frères ont noté la forte présence lors de leur arrêt.

Décontenancés par cette navrante vision, Arthur et Alexandre ont cependant pu poursuivre leur chemin, ne manquant pas d’admirer les nombreuses yourtes de nomades éleveurs de chevaux et de yacks parsemant la steppe.

« C’est une beauté brutale. C’est magnifique, il y a une culture qui est très forte, énormément de choses à découvrir. Mais cela a un coût. Il faut prendre quelques risques, sortir de sa zone de confort. La plupart des contacts avec la population sont très distants », ainsi sont résumés les sentiments des frères à l’égard du Touva.

La petite Suisse russe

Arrivés au niveau de la zone frontalière (en Russie, certaines régions à proximité des frontières sont interdites à la circulation sans laissez-passer spécial délivré par le Service fédéral de sécurité), ils ont tenté durant deux heures de négocier avec les gardes pour pouvoir poursuivre leur périple par cette route, réputée pour sa magnificence. Malgré la bonne volonté de leurs interlocuteurs, qui ont accepté de leur venir en aide, le décalage horaire a finalement eu raison de leur projet, puisqu’il était alors impossible de joindre les autorités moscovites encore endormies.

Déçus, nos deux héros sont donc remontés dans leur tout-terrain soviétique, pour, quelques instants plus tard, croiser le chemin d’un mini-van UAZ, les roues duquel ont soudainement projeté une imposante pierre sur le parebrise de la Lada, y causant quelques dégâts, ce qui n’a évidemment pas aidé à égayer le moral des deux aventuriers.

Après quelques recherches, ils ont finalement réussi à trouver une piste remontant par la Khakassie et permettant d’accéder à l’Altaï, un détour de tout de même quelques centaines de kilomètres. Un désagrément néanmoins compensé par les vues sublimes qui se sont alors offertes à eux, dans cette région montagneuse et sauvage, où dominent conifères et bouleaux. L’occasion d’ailleurs pour nos deux compères de tester pour la première fois les pleines capacités de leur véhicule, enclenchant les quatre roues motrices pour franchir rivières, carrière rocheuse et autres obstacles du relief.

« J’ai bien vu le côté alpin. J’ai envoyé des photos à des amis suisses pour leur dire à quel point ça me rappelait les villages de chez eux. Ce qui est marquant ce sont ces maisons traditionnelles en bois, avec des montagnes très vertes en fond. Les villages sont très sympathiques, avec beaucoup de potagers, très fleuris. On se demande si les gens ne vivent pas un peu en autarcie », commente Arthur.

Ne croisant que quelques rares camions de transport, Alexandre et Arthur font donc à présent route vers l’ouest du pays, après avoir parcouru quelque 8 000 kilomètres depuis le début de leur aventure. S’il est certain que leur expédition leur réserve encore bien des surprises hautes en couleur, pour le savoir, il faudra toutefois attendre le prochain épisode !

Si vous ne vous sentez pas la force de patienter jusqu’à la semaine prochaine, n’hésitez pas à suivre leurs pérégrinations sur Instagram et Facebook !

Vous pouvez également retrouver le précédent épisode de LADATRIP en cliquant sur ce lien !

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