Pourquoi les Soviétiques ont-ils envoyé des chiens et non des singes dans l’espace?

Sciences & Tech
EKATERINA SINELCHTCHIKOVA
Pendant que les États-Unis menaient leurs expérimentations spatiales sur des primates, en URSS, au terme de longues discussions, le choix est tombé sur des chiens errants.

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Les expérimentations censées démontrer si le vol de l’Homme dans l’espace était possible ont débuté en URSS et aux États-Unis simultanément – pendant les années 1940-1950. Avant cette date, aucun être vivant n’avait éprouvé ni le décollage pour l’espace, ni l’atterrissage et encore moins l’apesanteur ou le rayonnement spatial. 

Les « objets biologiques » avaient donc pour mission de montrer l’effet de ces facteurs sur l’être humain. Mais qui devait accomplir ce rôle ? Cette question n’était pas des plus triviales.

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Pourquoi pas des singes ?

Les constructeurs soviétiques ont examiné différents scénarios : des souris, des rats, des singes, des chats et des chiens. Les singes séduisaient par leur ressemblance avec l’Homme et c’est justement pour cette raison que le choix des Américains est tombé sur eux. En 1948, le macaque rhésus Albert 1er a été le premier mammifère à découvrir l’apesanteur. Les Français ont envoyé en 1963 un chat et avant ça, des rats ! Quant à l’URSS, les chiens y étaient d’ores et déjà affectés à des expérimentations neurophysiologiques complexes. Le lauréat du Nobel, Ivan Pavlov, a par exemple examiné grâce à ces animaux le système des réflexes et a obtenu de brillants résultats. 

Cependant, l’idée d’envoyer des singes a été elle aussi examinée : le médecin Oleg Gazenko, l’un des principaux scientifiques du programme spatial, s’est même rendu au cirque pour observer le comportement des chiens et des singes dressés. Il a conclu que ces derniers poseraient beaucoup de problèmes car moins stables sur le plan émotionnel : il leur arrive d’avoir des crises de nerfs lors desquelles ils deviennent agressifs. Pour surmonter ce problème, aux États-Unis, les premiers animaux envoyés dans l’espace étaient drogués. En URSS, le choix s’est finalement porté sur les chiens, ceux des rues. 

« Laïka [le premier chien envoyé en orbite terrestre, ndlr] a été trouvée dans la rue. D’ailleurs comme la plupart des chiens ayant participé aux expérimentations. Pourquoi le choix est tombé sur ces chiens sans race ? C’est simple : ils sont extrêmement intelligents, sans prétentions. Comme nul chien de race, ils apprécient la bonté à leur égard. On les nettoyait, les lavait, les nourrissait », expliquait l’académicien Gazenko.

Les chiens devaient être de taille moyenne, peser 6-7 kg, avoir 2-6 ans, aimer le contact avec l’homme, être en bonne santé et se distinguer par leur patience. Vu les spécificités de la combinaison assainissante, les femelles convenaient plus aux expérimentations. Quant à la couleur, les claires étaient plus photogéniques. Mais ce n’était que les critères initiaux.

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Était-il facile d’avoir affaire aux chiens ?

Sélectionner les animaux pour l’expérimentation n’était pas moins difficile que plus tard avec les humains.

Un programme scientifique centré sur le choix et la préparation a été mis en place. Les animaux étaient préparés en plusieurs étapes : d’abord, ils devaient être dressés, en outre leur résistance était mise à l’épreuve.

Les chiens devaient se familiariser avec leur tenue spatiale, apprendre à se nourrir à partir de distributeurs automatiques, passer par des équipements de préparation tels que la centrifugeuse, le banc vibrant etc.

Le test le plus difficile était celui de l’isolement – l’animal était enfermé dans une capsule et le temps passé à l’intérieur augmentait progressivement. Par exemple, les candidats aux vols durables devaient parvenir à passer jusqu’à 20 jours en isolement. Certaines expérimentations duraient jusqu’à 55 jours. Tous les chiens n’étaient pas capables de supporter une telle tension et certains se mettaient à gémir sans cesse et à tenter d’enfoncer la porte. Il était considéré que de telles expérimentations permettaient de révéler le caractère du chien et la capacité de leur résistance psychique. Les expérimentateurs tiraient donc leurs conclusions : le chien est-il apte au vol ? Si oui, pour quelle durée ? Les animaux retenus subissaient des opérations chirurgicales : leur queue était amputée (elle gênait le fonctionnement du système de ventilation) et on leur implantait des électrodes et cathéters dans le corps, et ce, pour contrôler leur santé et infuser les médicaments directement dans le sang. 

En URSS, on préférait envoyer deux chiens à la fois pour s’assurer du fait que les résultats obtenus étaient réguliers et non le fruit d’une réaction individuelle. Ainsi, lors de la formation des binômes, la compatibilité psychologique était un facteur important.

Au cours de son histoire, l’URSS a envoyé 51 chiens dans l’espace, 12 ont péri. La mort la plus tragique a été celle de Laïka en 1957, et ce, en raison de l’envergure médiatique avec laquelle elle a été envoyée dans l’espace.

La mission a été préparée à la hâte : en octobre, Nikita Khrouchtchev, le premier secrétaire du Comité central du PCUS, a déclaré aux scientifiques qu’un satellite avec un chien devait être envoyé un mois plus tard, pour que le vol coïncide avec l’anniversaire de la Révolution d’octobre, célébrée le 7 novembre. Toutefois, aucun mécanisme permettant de faire revenir l’animal sur Terre n’existait à cette époque-là. Laïka était vouée à la mort, ce que personne ne devait savoir. Elle devait mourir une semaine après le début de la mission. « Malheureusement, elle a péri beaucoup plus tôt », a rappelé Oleg Gazenko. 

En raison de l’erreur commise lors du calcul de la thermoconductibilité, Laïka a été asphyxiée quelques heures après le lancement. Ce fait n’a été révélé qu’en 2002 et pendant les années 1950, la presse soviétique a publié pendant sept jours les comptes-rendus sur l’état de santé du chien donné pour vivant. Ensuite, l’URSS a annoncé avoir acquis des connaissances précieuses à l’aide de cette expérimentation et euthanasié l’animal, ce qui a provoqué une vague de critiques en Occident.

Commentant plus tard la mort de Laïka, Gazenko a déclaré que le travail avec les animaux était source de souffrance pour tout le monde. « On les traite comme les bébés qui ne savent pas parler. Plus le temps passe, plus je regrette. Nous ne devions pas le faire. Cette mission ne nous a pas offert beaucoup de connaissances qui auraient pu justifier la mort de la chienne ».

Beaucoup plus tard, pendant les années 1980-1990, l’URSS et ensuite la Russie a tenté sa chance avec les singes. Dans le cadre du programme Bion, 12 d’entre eux ont été envoyés dans l’espace, mais le dernier, Moultik, est mort après son retour sur Terre. Il a donc été décidé de plier le programme.

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