Le changement climatique ajoute une couleur malvenue au paysage polaire.
Alamy / Legion Media« En à peine 20 ans, nous sommes passés de 1% à 3% de territoire écologiquement compromis dans l’Arctique russe à près de 15% aujourd’hui. C’est déjà un territoire très différent aujourd’hui », a indiqué Arkady Tichkov de l’Institut de géographie au forum des Journées de l’Arctique qui s’est ouvert à Moscou le 21 novembre.
Plus tôt cette année, la NASA avait présenté les données satellite recueillies au cours des trois dernières décennies, qui montrent une claire tendance au verdissement de l’Arctique en Amérique du Nord, particulièrement au nord-est du Canada. Le « verdissement » signifie dans ce cas des changements dans la végétation terrestre – du lichen à l’herbe et aux arbustes – qui rendent l’Arctique plus vert en été.
Les chercheurs attribuent cette tendance à l’activité humaine. Une autre étude, publiée en 2016, suggère que l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère, que les plantes utilisent dans la photosynthèse, et le changement climatique sont responsables de près de 80% du « verdissement » observé aux latitudes élevées et ailleurs sur Terre.Une analyse des données satellite des 15 dernières années confirme que jusqu’à 20% de l’Arctique russe a été affecté par le verdissement, et il ne s’agit pas que de petites plantes. Dans la région du fleuve Petchora, dans le nord-ouest de la Russie, on retrouve des arbres à une proximité inquiétante des côtes de l’Arctique. Les espèces invasives, comme l’herbe, par exemple, ainsi que de nombreuses mauvaises herbes, gagnent également le nord à la fois de manière naturelle et « en auto-stop », avec les humains et les transports.
Tous ces changements dans le climat et l’écosystème pourraient être irréversibles pour de nombreuses espèces emblématiques de l’Arctique russe, comme les lemmings, indique Tichkov. Trois décennies de surveillance du nord-est de la Sibérie ont confirmé un cycle naturel avec des explosions importantes de la population de lemmings dans l’Arctique tous les deux à cinq ans.
Mais le changement climatique semble aplatir ce cycle, « coupant » les pics, qui sont essentiels tant pour l’espèce elle-même que pour les nombreux prédateurs qui s’en nourrissent. Depuis la fin des années 1990, les pics sont pratiquement inexistants, indique Tichkov dans son rapport.
Certains animaux pourraient potentiellement profiter de la toundra plus riche en herbe et plus luxuriante. Taras Sipko, collaborateur de l’Institut Severtsov de l’écologie et de l’évolution, a présenté une recherche de terrain et des observations sur les bœufs musqués, qui ont été importés du Canada dans les années 1970 pour être réintroduits dans l’Arctique russe. Ces populations ont crû de manière régulière pour atteindre plus de 10 000 têtes en 2010.
Les rennes, en revanche, pourraient souffrir à double titre. Leur habitat, autrefois une large bande recouvrant tout le nord de la Russie, est de plus en plus fragmenté et s’est retrouvé en un siècle confiné à des zones isolées dans l’Arctique. De plus, le type de changements observé actuellement dans la végétation n’aide pas les rennes à survivre. Alors que les hivers sont de plus en plus doux, les habitudes migratoires traditionnelles sont perturbées et certains rennes de la péninsule de Taymyr ont même cessé de quitter le Grand Nord.
Les données satellite récentes de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA) indiquent que globalement, le verdissement de l’Arctique semble avoir ralenti, voire même, s’être inversé depuis 2010, mais à des degrés bien inférieurs en ce qui concerne la Russie.
Le rapport avertit cependant que les observations de terrain plus détaillées témoignent toujours d’un verdissement croissant. « Dans tous les cas, c’est un Arctique clairement différent, indique Tichkov. Dans quelle mesure ? Il est urgent d’en apprendre davantage, sinon il sera trop tard ».
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