Comment conquérir l'Arctique et réaliser un record mondial

Crédit photo : ITAR TASS

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Les participants au tour du Monde par l'Arctique du voilier « Pierre Ier » n'avaient pas plus de 26 ans. Ces aventuriers et romantiques ont fait en 2010 ce qu'aucun voyageur aguerri n'a réussi à faire ni avant ni après : passer par les voies maritimes du nord-est et du nord-ouest en une seule navigation, et sans brise-glace.

L'équipage russe du voilier « Pierre Ier » est le premier dans l'histoire de la navigation mondiale à faire le tour du globe par l'Arctique. L'expédition a commencé le 4 juin 2010 à Saint-Pétersbourg. Le voilier a franchi la ligne symbolique d'arrivée, l'entrée du détroit de Lancaster, le 20 septembre 2010.

Il a fallu 3 mois et 16 jours à l'équipage pour vaincre une distance de 9023 miles nautiques, dont 3000 dans les difficiles conditions arctiques, et atteindre l'objectif tant désiré. Au total, l'expédition a tout de même parcouru plus de 13 000 miles nautiques en six mois. Je sais tout cela de Sergueï Mourzaev qui était matelot pendant tout le tour du Monde. Voici les extraits de son histoire.

Comment commencent les tours du Monde

La sortie était d'abord prévue le 1er juin, mais on a ensuite compris que ce n'était pas réaliste, et nous nous avons reporté au 4. Nous sommes partis le 4 juin à seulement 6 heures du soir.

Jusqu'au dernier moment, le système de combustible n'avait pas été installé, la commande de gouvernail n'était pas mise en place, des éléments étaient en pièces détachées. Nous avons réalisé les travaux de base pour que le voilier puisse au moins avancer, tout le reste on le finirait en route.

Nous sommes partis à 6 heures du soir, nous nous sommes immédiatement retrouvés dans des conditions météorologiques désagréables. On avait pas fixé le réservoir d'essence et son couvercle, le diesel commençait à couler, l'eau salée est rentrée dans le réservoir, plus le mal de mer. 

L'équipage qui a fait tout le tour du Monde était composé de 6 personnes. A certaines étapes, certains se joignaient à nous, d'autres partaient. 

La rencontre avec la glace

L'océan glacial arctique a commencé quand nous sommes sortis de Mourmansk, nous avions fixé le cap sur la Nouvelle-Zemble. Au long de cette expédition la température était entre 0 et 5 degrés. Quand nous naviguions sur la voie maritime du nord de la Russie, c'était la journée polaire, le soleil se couchait sur l'horizon, mais il faisait jour pendant 24 heures.

Il faisait très froid dans le brouillard, et si tu navigues et que tu vois en face seulement du brouillard, alors il y a probablement de la glace. La nuit, il y a eu des engelures.

Nous avons rencontré le premier iceberg en Nouvelle-Zemble. Tout l'équipage dormait, il y avait juste une relève sur le voilier. Un bloc de glace s'est approché très près de nous. Nous avons décidé de ne réveiller personne, nous avons pris des perches de bambou, et nous avons commencé à le repousser. Le bloc de glace paraissait énorme, mais on l'a fait.

C'était difficile dans les glaces : tu restes 12 heures sur le voilier, sur le pont et tu luttes, tu luttes, en essayant de trouver un endroit plus dégagé où il y a peu de glace. Nous nous sommes à plusieurs reprises accrochés sur un bloc de glace.

C'est-à-dire qu'on s'est approché du bloc, sauté dessus, posé l'ancre, et tu attendu le changement de vent, de courant. Tu dois observer les blocs de glace, comme ils passent près de toi. Nous avons passé deux semaines dans ces glaces.

Le voilier « Pierre Ier » s'est même heurté à un bloc pendant une manœuvre un jour avant la sortie des glaces. Le safran s'est tordu pendant le choc. Les gars ont réussi à aller en eaux libres de glaces sur un bateau pratiquement ingouvernable et à atteindre le port, où les habitants locaux et les marins du remorqueur « l’irrésistible » nous ont aidé à faire les réparations.

A propos des tempêtes et de la nature de l'Arctique

Beaucoup de tempêtes restent en mémoire. La première était quand nous sommes sortis de Saint-Pétersbourg. Après la mer du Nord à la sortie de Mourmansk, il y avait de longues vagues en pente douce, nous avons longtemps grimpé vers le sommet des vagues, et nous les avons longtemps descendues. À ce moment-là, mon organisme m'a lâché. Je n'ai pas pu me lever pendant 6 heures.

Ensuite l'Alaska, là au contraire, les vagues étaient courtes et hautes. La hauteur des vagues était d'environ 10 mètres. Tu regardes sur le côté, tu as l'impression qu'elles recouvrent complètement le mât,  mais en réalité, non. Le mât est de 22 mètres. C'est difficile à estimer d'en-bas. La vague ne nous a pas englouti, on a juste navigué en haut et en bas.

L'Atlantique nous a aussi surpris, avant la Norvège quand on rentrait. Le vent soufflait à 120 km/h., la nuit, le grêle... Le seul avantage était que le vent nous était favorable dans le dos, et on allait sur une vague. La première voile s'est déchirée, nous avons essayé de baisser la deuxième, on l'a descendue presque jusqu'en bas. On avançait à 12-13 nœuds sans voile.

Ce qui était le plus beau dans ce tour du Monde, c'était la nature sauvage, préservée des hommes, les icebergs, la beauté bouleversante des glaciers. Le Nord fascine. La plupart des gens qui ont visité dans le Nord veulent y retourner.

Nous avons rencontré une ourse blanche et ses petits. Il y avait des phoques, ils sont un peu peureux. Les morses sont curieux, ils venaient vers nous et nageaient autour du voilier. Les veaux marins sont de jolis animaux. Au Canada, on a même rencontré des dauphins.

Retour à la maison

En novembre 2010, l'équipage du voilier « Pierre Ier » est revenu au port d'attache après six mois en mer.

Je suis revenu avec des pensées autres sur ce que je veux dans la vie, ce qu'il faut faire.

Durant le tour du Monde j'ai compris que tout était possible et réel, il faut seulement le vouloir. Ça sera difficile, tout est difficile dans la vie. Il y a une part de hasard, de chance, mais de toute façon si tu n'as pas peur, tu atteindras ton but, la réussite sera forcément de ton côté.

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