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La Russie détient les sixièmes réserves d’or au monde. Selon les estimations de la Banque centrale, elles s’élèvent aujourd’hui à 1 614,27 tonnes, soit 15% de plus que l’année précédente. La Banque centrale russe reste actuellement parmi les principaux acheteurs d’or au monde. En février 2016, elle a acquis plus de 10 tonnes d’or : « Quand les prix sont faibles, les autorités accroissent les réserves. L’or est conservé dans les réserves pour des raisons traditionnelles et historiques : c’est la triade fiabilité – liquidité – rendement », explique le professeur de l’École des hautes études en sciences économiques Anton Tabakh.
Konstantin Sakharovski, qui a longtemps été directeur des innovations chez le grand détaillant de joaillerie Adamas, estime qu’avec la victoire de Trump, l’or acquiert une importance supplémentaire : « Trump est imprévisible, tout peut se terminer par une nouvelle vague de sanctions et le gel des actifs. L’or permettra de préserver les actifs de la Russie. Bien sûr, une baisse éventuelle des cours de l’or n’est pas exclue, mais elle peut être couverte », explique-t-il.La Russie ne recourt pas aux services de conservation d’or à l’étranger, tout son or se trouve à l’intérieur du pays. Quelque 67% des réserves se trouvent à la Banque centrale de conservation à Moscou, le reste à Saint-Pétersbourg et à Ekaterinbourg. L’or est conservé en lingots d’un poids allant de 100 grammes à 14 kg. Les informations sur les lieux de conservation ne sont pas publiques, mais selon les rumeurs, l’une des adresses se trouve dans la rue Pravda à Moscou (appelée ainsi en l’honneur du principal quotidien soviétique et qui accueille toujours plusieurs médias russes). En 2011, Vladimir Poutine, alors premier ministre, s’est rendu dans l’entrepôt d’une surface de 17 000 m2. Poutine est considéré comme le principal initiateur de l’accroissement des réserves d’or. Certains experts disent que le métal jaune et les réserves de devises sont pour Poutine la garantie de l’indépendance financière de la Russie.
L’histoire de la conservation des réserves d’or russes remonte à l’époque des tsars russes, qui s’appuyaient sur l’or pour renforcer la monnaie nationale. L’accroissement des réserves d’or par le pays atteignit son apogée en 1894, quand elles s’élevaient à 800 millions de roubles impériaux. Le grand volume d’or dans les réserves russes permit au ministre des Finances Serge Witte de mener sa réforme monétaire, avec l’introduction de l’étalon-or en 1897. Les réserves d’or de l’Empire russe furent les plus importantes au monde jusqu’en 1914 et s’élevaient à 1 400 tonnes.
Président russe Vladimir Poutine. Crédit : AP
La guerre destructrice contre l’Allemagne et la révolution qui suivit affectèrent le volume des réserves d’or. Elles furent en grande partie dépensées pour obtenir des crédits auprès des banques étrangères. Après le coup d’État bolchevik d’octobre 1917, une partie de l’or du tsar fut transférée en Sibérie par l’amiral Alexandre Koltchak, commandant de l’Armée blanche.
Une partie d’or resta en Russie, mais pas l’intégralité, assurait Vladlen Sirotkine, docteur d’histoire et professeur de l’université d'État des sciences humaines de Russie, qui avait longtemps étudié la question. L’amiral envoya une grande partie des réserves d’or au Japon pour acheter des armes, mais ne récupéra ni armes, ni or. Selon les chercheurs russes, il s’agit de plus de 60 tonnes de métal jaune.
La Russie tsariste comme la Russie soviétique conservaient leur or à l’intérieur du pays. La Russie fournit également des services de conservation d’or à d’autres pays. Pendant la Première Guerre mondiale, le royaume de Roumanie, allié de la Russie tsariste, décida de transférer ses actifs d’or – près de 95 tonnes d’or – en Russie, par crainte de l’occupation allemande. Plus tard, les dirigeants soviétiques ne s’empresseront pas de les rendre, ayant peu confiance en Nicolae Ceaușescu, le dirigeant roumain. La dernière partie des réserves n’a été rendue à Bucarest qu’en 2008. Le gouvernement bolchevik, qui prit le pouvoir en 1917, dépensait activement les réserves d’or pour acheter nourriture et matériel et, en 1928, le trésor n’en comptait plus que 150 tonnes.
Cependant, les réserves du pays augmentèrent considérablement sous Staline, qui y voyait une importante provision pour l’industrialisation de l’économie. À sa mort, Staline laissa 2 500 tonnes d’or à son successeur. Après Khrouchtchev, il n’en restait que 1 600 tonnes et après Brejnev, 437 tonnes. Andropov et Tchernenko portèrent l’héritage à 719 tonnes. Gorbatchev porta le dernier coup à la « cagnotte de Staline » : en octobre 1991, les réserves d’or ne s’élevaient plus qu’à 290 tonnes.
La plupart des mines d’or russes se trouvent à Magadan, dans l’Extrême-Orient, dans des lieux connus pour leurs colonies pénitentiaires. Pourtant, Magadan jouera un rôle positif dans le développement de l’industrie aurifère russe. En 2005, une réunion du gouvernement présidée par le président Poutine s’est tenue à Magadan. La réunion devait résoudre le problème de l’état critique des réserves d’or du pays. À l’époque, elles ne comptaient que 387 tonnes d’or et l’industrie était dans un état lamentable. Lors de la réunion, les responsables ont décidé d’attirer des investissements privés dans la prospection. Mais la décision principale portait sur l’amélioration de la transparence, car à l’époque soviétique, l’extraction d’or était l’un des secteurs les plus corrompus. Aujourd’hui, les « ouvriers tranquilles » du secteur travaillent d’arrache-pied pour que les réserves d’or du pays augmentent de façon continue.
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