La campagne syrienne vue par les musulmans russes

Dans une mosquée de Makhatchkala, au Daghestan.

Dans une mosquée de Makhatchkala, au Daghestan.

Vladimir Vyatkine/RIA Novosti
Si la communauté musulmane de Russie s’inquiète des conséquences de l’engagement des militaires russes dans le conflit syrien, nombreux sont ses membres qui y voient un mal nécessaire.

Depuis que le Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe) a approuvé à l’unanimité le recours aux forces aériennes en Syrie, les débats sur le conflit syrien se sont animés au sein de la communauté musulmane russe. Les blogueurs et les analystes musulmans avaient depuis longtemps les yeux rivés sur ces événements. Désormais, les musulmans évaluent les perspectives et les conséquences de cette opération.

« La Russie défend la foi »

Au début de l’opération militaire en Syrie, le président du Conseil des muftis de Russie, Ravil Gaïnoutdine, a appelé ses coreligionnaires à « ne pas politiser la question épineuse de la lutte contre les dangers terroristes » et à « ne pas envisager le problème du point de vue des désaccords intérieurs de l’islam », tout en exprimant son soutien à l’engagement militaire de la Russie dans la lutte antiterroriste en Syrie.

Le président russe « Vladimir Poutine s’est en fait chargé de la tâche que devaient assumer les musulmans eux-mêmes », a affirmé Djannat Sergueï Markous, spécialiste de culturologie, journaliste et rédacteur en chef du magazine Culture islamique.

« Pour la première fois de l’histoire, un leader laïc de Russie s’est adressé depuis la tribune des Nations unies aux spécialistes de l’islam pour les appeler à rectifier l’image de cette religion. En effet, c’est une mission urgente à notre époque », a-t-il indiqué, en rappelant que la Russie, « qui dispose de ressources uniques en leur genre, se charge de la partie la plus difficile et la plus sale du travail ».

« Je suis d’ailleurs convaincu que la Syrie n’est que le début, a déclaré Djannat Sergueï Markous à RBTH. Nous voyons surgir un nouveau facteur de salut. Il vient de Russie avec sa nouvelle mission internationale : préserver les valeurs traditionnelles. Inaugurant la Grande mosquée de Moscou, Vladimir Poutine a souligné que la Russie était un pays aussi bien chrétien que musulman. C’est en tant qu’alliance des « gens de la foi » qu’elle s’est chargée du rôle de combattant, de défenseur et de purificateur de la Foi et de la Tradition ».

Talgat Tadjouddine, président de la Direction spirituelle centrale des musulmans de Russie, estime lui aussi que la Syrie « voit s’allumer un incendie, un malheur qui risque de se propager à notre pays ». « Nous soutenons la décision du Conseil de la Fédération de donner le feu vert à une opération des forces armées de Russie en dehors du pays afin de faire face à l’extrémisme et au terrorisme international, a-t-il fait remarquer. Cette action est légitime et noble »

Risques régionaux

Bien que Vladimir Poutine ait confirmé une nouvelle fois que la Russie ne se posait pas pour objectif de s’ingérer dans un conflit religieux quelconque en Syrie, certains membres de la communauté musulmane redoutent que l’opération militaire ait des répercussions négatives sur les relations avec le monde musulman.

« Les conséquences seront pour nous catastrophiques : au lieu de glorieux rapports sur le nombre de terroristes éliminés, nous verrons (…) se renforcer l’isolement international et l’hostilité des pays islamiques », estime Malika Magomedova*, 38 ans, de Moscou.

Certains, tout en restant sceptiques, reconnaissent qu’il ne reste rien d’autre à faire. « Je ne vois pas en Syrie de forces constructives capables de prendre le sort du pays entre leurs mains. Ce qui rend inévitable l’arrivée de forces extérieures et c’est pour moi une triste réalité », a dit Daniyal Iliassov* de Ekaterinbourg.

Ahmet Yarlykapov, du Centre des problèmes du Caucase et de la sécurité régionale à l’Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO), qui vient de rentrer du Daghestan (Caucase russe), a raconté à RBTH que l’opération russe en Syrie était « largement évoquée par les musulmans ». « La réaction est, en gros, réservée. La plupart des musulmans comprennent que l’État islamique(EI) est un mal, que la lutte contre lui est indispensable et ont prennent avec calme l’opération russe, a-t-il noté. Dans le même temps, certains musulmans redoutent que la lutte contre les extrémistes en Syrie ne se transforme en guerre où la Russie se rangera du côté des chiites contre les sunnites. Ce qui préoccupe les musulmans russes. Je crois que cette question devra bénéficier d’une attention accrue afin de prévenir une éventuelle discorde interconfessionnelle ».

Un autre sujet qui suscite l’inquiétude de la société musulmane russe est l’éventuelle propagation du conflit au territoire de la Russie et le risque d’attentats.

Pour Ilchat Sayetov, docteur en sciences politiques, les opérations de ses troupes en Syrie « ne provoqueront sans doute pas de radicalisation » en Russie. Il a rappelé que les musulmans russes radicalisés « combattaient depuis longtemps en Syrie et pas seulement du côté de l’EI ».

*Les noms de famille ont été modifiés à la demande des intéressés. 

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