La cérémonie d'adieu l'ambassadeur Andreï Karlov avant le rapatriement de sa dépouille en Russie. Ankara, Turquie.
ReutersEn Turquie, la piste privilégiée pourrait être celle des autorités du pays, qui affirment que l’instigateur du meurtre serait une force proche de l’imam turc Fethullah Gülen exilé aux États-Unis.
Fethullah Gülen est souvent cité comme l’initiateur du coup d’État avorté en Turquie l’été dernier. C’est « l’ennemi du peuple » coupable de causer de nombreux torts aux autorités turques.Après l’échec du coup d’État, le président turc Recep Tayyip Erdogan a lancé des opérations de répression et des purges dans le pays, notamment au sein des force de l’ordre. Toutefois, il est évident qu’aucune ourge ne peut être efficace à cent pour cent. Impossible de nettoyer à fond. Or il y avait certains des organisateurs du coup d’État préconisaient une politique plus dure d’Ankara en Syrie contre le président Bachar el-Assad, soit contre la Russie.
Le rapprochement russo-turc était loin de faire leur affaire. Et ils sont passés à l’attaque. Un autre élément risquait de leur déplaire : le comportement de la Turquie dans un contexte où le contrôle de la ville syrienne d’Alep est presque entièrement passé aux forces de Bachar el-Assad.
Cette coopération entre Ankara et Moscou, non formalisée pour l’instant, pouvait évoluer en coopération constructive à grande échelle dans l’après-guerre en Syrie. Or ce scénario serait loin d’arranger les islamistes, notamment ceux qui sont liés à l’Armée syrienne libre (ASL).
La Turquie joue depuis longtemps à un jeu dangereux avec les islamistes et en assume aujourd’hui les frais avec l’augmentation du nombre d’attentats. Une partie de ces forces islamistes a pu se sentir « trahie » et chercher à porter un coup en même temps à la Russie et au rapprochement russo-turc.
En outre, l’assassinat a pu être organisé par d’autres forces islamistes, en dehors de l’ASL, dont les partisans se sont réjouis du meurtre sur les réseaux sociaux. Par exemple, par les partisans des groupes terroristes Front al-Nosra ou Ahrar al-Sham soutenus par des forces influentes proches du régime au Qatar et en Arabie saoudite. Or ces groupes sont en train de céder du terrain en Syrie. Notamment à la suite de l’opération militaire russe en Syrie.
Il se peut que également des forces proches de Daech soient derrière l’attentat. Les services secrets turcs ont beaucoup flirté avec elles à un moment donné et il n’y a eu aucun nettoyage « pour contacts avec Daech », on a simplement passé l’éponge sur cette histoire. Certaines relations ont pourtant pu persister.
Une hypothèse toute simple : le meurtre a été perpétré par un terroriste solitaire ou un groupe très restreint d’islamistes. Ces « structures » de 1 à 3 personnes (en fait des terroristes suicidaires endoctrinés par l’islamisme) ont intensifié ces derniers temps leurs activités dans de nombreux pays.
Le jeune policier de 22 ans a pu être émotionnellement poussé vers le meurtre par l’hystérie informationnelle déclenchée par certains médias mondiaux au sujet de l’opération de la Russie et des troupes de Bachar el-Assad à Alep-Est. Il faut dire que les médias turcs ne sont pas restés à l’écart de cette campagne. Sous l’effet de celle-ci, l’assassin a pu vouloir « venger Alep ».
Toutefois, c’est la version la plus faible : il est peu vraisemblable qu’un homme lié aux Kurdes travaille dans la police turque, car le principe ethnique y prévaut sur nombre d’autres.
Enfin une dernière hypothèse frôlant la théorie du complot. Plusieurs politiques russes affirment que le meurtre de l’ambassadeur est « une opération secrète de l’Otan ».
Très bonne version pour un polar. Tout comme celle de « la vengeance de Barack Obama contre Vladimir Poutine ». Mais en prenant, l’espace d’un instant, les deux hypothèses au sérieux, on se heurte à une question inévitable : pourquoi l’Otan chercherait-elle un casus belli avec la Russie ? Car on a bien affaire à un casus belli.
Le fait même que de telles hypothèses surgissent dans la tête de certains hommes politiques prouve à quel point les relations sont aujourd’hui mauvaises entre la Russie et l’Occident en général et l’Amérique en particulier. Dans le contexte actuel, il est quand même préférable de ne pas sombrer dans un état d’hystérie informationnelle et dans la propagande la plus grossière.
Nous en constatons le résultat. Car c’est dans la situation d’hystérie autour d’Alep que le meurtre de l’ambassadeur russe a été commis. Ce qui revêt une importance de principe, indépendamment des versions concrètes sur l’assassinat.
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