Comment les Soviétiques trouvaient-ils du travail?

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ANNA POPOVA
La plupart des travailleurs soviétiques gardaient le même travail toute leur vie. Comment le décrochaient-ils?

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Affectation 

Les jeunes diplômés, qu’ils aient étudié dans un établissement d’enseignement technique, dans un institut ou à l’université , n’avaient aucune difficulté à trouver un travail. En fonction des demandes compilées par les ministères ou les entreprises elles-mêmes, des commissions spéciales au sein des établissements où ils faisaient leurs études  les affectaient à des postes précis. Ces commissions statuaient quelques semaines avant les examens de fin d’études.

Ce système fut mis en place en 1933. Un arrêté du Conseil des ministres de l’URSS interdisait d’affecter les jeunes diplômés à des emplois pour lesquels ils n’avaient pas été formés. Ne pas se présenter à son poste ou trouver un emploi soi-même étaient des infractions à la loi. Toujours en application de cet arrêté, les jeunes diplômés devaient travailler cinq ans là où ils avaient été affectés. Ceux qui avaient suivi un enseignement technique ne pouvaient passer leurs examens d’entrée dans les instituts avant d’avoir travaillé trois ans. Dans les années 1960, la période de travail obligatoire de cinq ans fut réduite à trois.

Dans sa nouvelle  Les Collègues (1960), Vassili Aksionov décrivait ainsi l’affectation de jeunes médecins  : « C’est un jour dont on se souvient toute sa vie. C’est un jour où beaucoup sèchent les cours, ne les suivent pas jusqu’à la fin, prennent de la valériane en gouttes, rient nerveusement, pleurent... Le premier jour, on affecte plusieurs dizaines d’étudiants et leurs supporters sont des centaines : parents, femmes, fiancées, amis ou tout simplement étudiants des premières années curieux ».

Les jeunes diplômés n’étaient pas toujours affectés dans les villes où ils avaient fait leurs études. Ils pouvaient être envoyés dans d’autres régions du pays. Leurs employeurs avaient l’obligation de leur fournir un logement. Le transport et le déménagement des jeunes étaient pris en charge. Ils touchaient une allocation. Ceux qui étaient assignés dans le Grand Nord ou, par exemple, dans la région de Khabarovsk, avaient droit à des indemnités journalières.

L’ingénieur en génie civil Veniamine Droujkov se souvenait comment il était parti pour la ville de son affectation : « J’ai pris un vol pour une vie dont je ne savais rien, dans la ville d’Ijevsk qui était inconnue du jeune diplômé que j’étais, appelé à devenir ingénieur en génie civil et industriel. Dans ma valise, les effets de première nécessité pour commencer ma vie d’adulte ; en poche, les papiers de mon affectation et l’argent de mon allocation ; sur le revers de ma veste, le petit losange de diplômé d’un établissement supérieur d’enseignement technique ».

Tous n’étaient pas ravis de changer de vie. Ainsi, en 1959, à Léningrad, 130 diplômés sur un peu plus de 7 000 refusèrent leur affectation. Ce qui ne les dispensait pas de se présenter dans les entreprises où ils avaient été affectés. Longtemps, ne pas accepter la décision de la commission d’affectation ou refuser de se présenter sur son lieu de travail étaient des infractions pénales. Au début des années 1960, les jeunes gens ne recevaient leurs diplômes en mains propres qu’après avoir travaillé plusieurs années au poste auquel ils avaient été affectés.

L’un des héros de la nouvelle de Vassili Aksionov se lamente : « Edka et moi avons décidé d’être voisins. Moi, à Oïmiakon et lui, à Orokoutan. Il m’a promis de me régaler de brochettes de viande d’ours. Je pense revenir de là-bas avec une valise pleine de cahiers noircis de vers. Et voilà : pour ma thèse, on m’affecte en thérapie ; j’écris des vers et je mange de la viande d’ours ! ... L’homme propose et la commission dispose ».

Après avoir terminé leurs études, tous les étudiants n’étaient pas envoyés à l’autre bout de l’Union soviétique. Par exemple, les femmes avec un enfant en bas âge étaient affectées là où habitaient leur mari ou leurs parents. Les étudiants mariés qui obtenaient leurs diplômes la même année étaient affectés dans la même ville, voire le même quartier. Ces passe-droits étaient largement utilisés par les étudiants pour ne pas avoir à déménager, ce qui révoltait les fonctionnaires. « Elle serait prête à épouser le monument à Pierre [le Grand – ndrl] pour éviter d’être affectée ailleurs qu’ici », s’indignait un certain Kissiliov, secrétaire d’un comité de quartier du komsomol de Leningrad.

Embauche de diplômés présélectionnés

Le lieu d’affectation n’était pas une surprise pour tous. Les étudiants qui avaient donné pleine satisfaction pendant leur stage étaient préselectionnés par les entreprises qui voulaient les garder. Ceux qui avaient été envoyés faire des études par une entreprise ou une région y étaient affectés après leurs études.

Travail à l’usine

Les Soviétiques qui exerçaient une profession manuelle n’avaient qu’à se présenter à l’agence de l’emploi, téléphoner aux ressources humaines de l’entreprise où ils voulaient travailler ou répondre aux annonces publiées dans la presse. Elles étaient ainsi rédigées : « L’usine Soukhoumpribor recherche d’urgence des manœuvres, des manutentionnaires, des ouvriers ajusteurs, des ouvriers tourneurs, un ingénieur de fabrication ». Ou « Imprimerie recherche un typographe et un imprimeur ».

Toute une carrière au même endroit

Il était fréquent que le premier lieu de travail reste le seul et l’unique de toute une vie de travail. Les changements d’employeurs n’étaient pas bien vus, tout comme la paresse. Tout travailleur soviétique devait être utile. Ceux qui passaient d’une entreprise à une autre ou qui ne faisaient pas grand chose étaient stigmatisés.

Dans cette autre publication, découvrez à quoi ressemblait la vie quotidienne en URSS.

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