Comment réagissent les Russes face à un étranger parlant couramment leur langue?

Getty Images, Russia Beyond
La réaction peut être imprévisible, mais le plus souvent seules deux options sont possibles.

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Imaginez que vous venez d'un petit État insulaire perdu dans l’océan, et que votre langue n’est parlée que par quelques milliers de personnes dans le monde. Vous allez en vacances, par exemple, à Rome. Vous entrez dans un magasin et un inconnu entame une conversation avec vous. Dans votre langue. Vous ne manquerez pas d’être surpris.

C’est un peu de cette façon que dans la plupart des cas les Russes réagissent face à un étranger qui parle couramment la langue de Pouchkine. Et ce malgré le fait qu’il y a 120 millions de russophones rien que sur le continent - c’est la langue la plus populaire en Europe (en passant, nous avons expliqué comment une telle situation est devenue possible).

Bien sûr, tout dépend d'où vous venez. Si êtes originaire du Kazakhstan ou de tout autre ancien pays membre de l'ex-URSS/bloc socialiste, la réaction contraire est à prévoir. Tout le monde s’attend à ce que vous parliez le russe. Dans les autres cas, c’est la surprise. Et cela peut mener à des situations extraordinaires.

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Ils ne peuvent pas croire que vous l'ayez appris

« Une écrasante majorité de Russes n’a jamais rencontré de personnes qui ne parlent pas leur langue. Ils vivent dans un pays immense où tout le monde parle couramment le russe, écrit Alexeï Terechtchenko, un Russe de Lettonie, sur Quora. Théoriquement, bien sûr, tout le monde comprend qu’il existe de nombreuses langues dans le monde, mais en pratique, il est difficile pour de telles personnes d’imaginer qu’il existe quelque part des personnes qui ne comprennent pas le russe », a-t-il déclaré.

« Je me souviens de ce que j’ai ressenti quand j’étais un garçon de 12 ans. J'étais assis dans la véranda de notre maison de campagne avec un voyageur suisse et je lui ai demandé quelque chose en russe. Il ne m'a pas compris - c'était tellement bizarre. Comment cet homme peut-il ne pas comprendre le russe ? Pendant plusieurs secondes, j'étais sûr qu'il faisait semblant de ne pas comprendre, parce qu'il était méchant et voulait me contrarier », se souvient Terechtchenko.

Mais tout change radicalement lorsque les Russes commencent à parcourir le monde et à apprendre au moins une langue étrangère. Dans ce cas, ils tombent dans un autre extrême : ils comprennent que le russe est extrêmement complexe et croient que personne ne peut l'apprendre. « Quand je suis arrivé à Paris et que j'ai découvert que certains Français apprenaient le russe, je ne pouvais pas y croire », poursuit Terechtchenko.

Josephine Stefani, de Hong Kong, est du même avis : « Lorsque mes amis russes, ukrainiens et kazakhs ont découvert d'où je venais, leur réaction était presque invariablement la stupéfaction. Heureusement, ils ne s'attardent pas trop là-dessus, et après une brève explication, ils acquiescent et/ou haussent les épaules et nous passons à autre chose ».

Mais ça peut être pire.

« Ce conn*rd essaie de nous impressionner, n'est-ce pas ? »

Certains Russes réagissent de manière spécifique en fonction de leur domaine d’activité (et, pour être honnête, de leur caractère). Ganesh Mahadevan, un ancien officier de marine, a travaillé avec des Russes pendant de nombreuses années et raconte à quoi s'attendre :

« Concernant les fonctionnaires politiques et officiels de haut rang, leurs réactions sont de trois types : 1) Ce connard essaie de nous impressionner, n’est-ce pas ? Pourrait-il servir d’idiot utile ? 2) Il travaille probablement dans le renseignement. Mieux vaut l’ignorer/le l’écarter/l'éviter. 3) C’est peut-être un interprète. Nous n'utilisons que les nôtres ».

Selon ses observations, les dirigeants essayaient souvent de « tester » sa connaissance de la langue russe, en citant un morceau de poésie russe particulièrement difficile, et les traducteurs étaient divisés en groupes : « Les interprètes de haut niveau vous acceptent de manière professionnelle et amicale. Les types ordinaires ne se sentent vraiment pas à l’aise et affichent une attitude signifiant "c’est qui ce looser". Il y a aussi le type jeune, moderne : celui-ci tient à vous utiliser pour des exercices d'anglais et ne répond donc qu'en anglais, avec un léger air de mépris ».

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Vous obtenez l’avantage

En général, il peut sembler que parler en russe augure souvent de difficultés inutiles, même si en réalité cela contribue à briser la glace. D'une manière particulière.

« Un jour, je me suis fait passer pour un citoyen russe avec ma famille à Saint-Pétersbourg pour obtenir des billets moins chers dans les sites touristiques (en Russie, il existe des tarifs différents selon que vous êtes russe ou touriste, ndlr). Au début, quand ma famille affirmait que j'étais russe, la caissière ne les a pas crus parce que j’avais un air étranger, mais quand j’ai ai parlé en russe, elle a été surprise et était au moins à moitié convaincue - elle nous a finalement laissé acheter des billets au même prix que les habitants », a déclaré Alexandra Martirossian, une Américaine d’origine arménienne.

« Un incident s'est produit lorsque j’ai emmené mon colocataire américain non russophone acheter un téléphone portable. Dans le premier magasin que nous avons essayé, ils m'ont dit qu'ils ne pourraient pas le lui vendre car il n'avait pas de passeport russe. J’ai exprimé ma surprise et mon indignation (dans mon russe avec un fort accent non autochtone), et ils m'ont répondu que ce n’était pas un problème, car ils pouvaient simplement utiliser mon passeport pour les documents », raconte Gareth Roberts, originaire du Pays de Galles.

Il est vrai que la connaissance du russe ouvre des portes, y compris vers le monde subtil des relations informelles, dans lequel chaque Russe se sent comme un poisson dans l’eau, ce qui parfois va un peu trop loin. « Le premier cas a eu lieu quand quelqu'un est venu chez nous pour réparer notre connexion téléphonique. Vraiment un type gentil, nous avons bavardé un peu. Il a dit qu’il pensait que je venais des pays baltes. Quand je lui ai dit d'où je venais, il a été vraiment surpris et (pensant probablement que j'étais sans papiers, et que je ne voudrais pas attirer l’attention des autorités) m'a assuré qu'il ne mettrait mon nom sur aucun formulaire », se rappelle Gareth Roberts.

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