«Je m’appelle Sacha, je n’ai pas de gros intestin, ce qui fait de moi la cible des haters»

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EKATERINA SINELCHTCHIKOVA
Sacha Koudelina, 24 ans, n’a pas de gros intestin, si bien qu’elle vit avec une stomie (poche extérieure reliée à son système digestif pour accueillir les selles et urines). Cela n’empêche pas pour autant la jeune femme de publier des photos d’elle en maillot de bain, ce qui a déjà fait d’elle la cible d’une avalanche de critiques.

L’été 2015 était inhabituellement chaud pour Saint-Pétersbourg. En prévision des examens à la fac, Sacha, qui venait de souffler ses 20 ans, a trouvé un petit boulot dans un hôtel et y est devenue administratrice de nuit. Son avenir, semblait-il, devait suivre la même course que celui de tant de ses semblables : obtention d’un diplôme, soirées, jeunes hommes et mûrissement progressif. Mais quelque chose d’imprévisible l’attendait.

« Je ne comprenais pas ce que c’était. J’ai commencé à avoir des douleurs atroces en bas du ventre et au niveau des lombaires. Lorsque ça commençait, je devais courir aux toilettes et cela m’arrivait 20 fois par jour. Il y avait toujours du sang dans les selles », se souvient-elle.

Rectocolite hémorragique - tel a été le diagnostic. Au bout de quatre ans de traitement, années les plus dures de sa vie, lui a finalement été enlevé le gros intestin. La colectomie est la mesure la plus extrême, à laquelle les médecins ne recourent que lorsque le traitement n’a pas d’effet. Après l’intervention chirurgicale, la jeune femme a lancé son blog « Sasha_govorit » (Sacha parle), où elle raconte sa vie avant l’opération et après. Dans le descriptif de son blog, elle indique que le diagnostic n’est pas une sentence et publie ses photos montrant sa stomie tout en souriant.

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Son histoire ayant attiré l’attention des journalistes, plusieurs médias ont parlé d’elle, et malgré son attitude positive, une avalanche de critiques négatives s’est abattue sur la jeune femme. « Sur mon compte Instagram je ne vois pas de commentaires négatifs, mais sur les sites d’informations il y a beaucoup d’avis négatifs à mon sujet. Les gens écrivent : "Pourquoi dois-je voir ça", "pourquoi faire peur aux enfants". Le commentaire le plus fréquent dit que si je me trouvais à côté de gens, je les mettrais mal à l’aise ».

« Je me suis assise par terre et ai commencé à hurler »

« D’après ce que je me souviens, je ne réalisais pas ce qui se passait avec moi. Je comprenais que c’était une maladie désagréable. Je vais essayer maintenant de me rappeler ce que je ressentais lorsqu’on m’a annoncé le diagnostic... Je pense que c’était : "D’accord, pas de souci. Je vivrai donc ainsi". Je ne savais alors pas qu’on m’enlèverait le gros intestin et que moi, jeune femme, j’aurai à vivre avec une stomie », avoue Sacha à Russia Beyond.

La rectocolite hémorragique est une maladie auto-immune dont souffrent moins de 0,1% personne sur 100 000. En général, sa cause est une prédisposition génétique ou bien un facteur environnemental : si chez certains ce sont les antibiotiques qui peuvent servir de déclencheur de cette maladie,  chez d’autres, c’est l’amour pour une nourriture grasse qui peut en être la cause. Dans le cas de Sacha, c’était le stress : un conflit au travail et la fatigue causée par son emploi de nuit. La plupart des patients passent par des périodes de rémission, mais parfois elle ne perdure pas et tout recommence.

« Je m’en souviens comme si c’était hier : le 9 juillet, lundi. Je sors de l’hôpital, tout va bien et bien que qu’il y ait encore du sang, il y en a beaucoup moins. Le 15, je devais voir des amis pour regarder la finale de la Coupe du monde. C’était une journée ensoleillée et je portais une robe légère et des sandales », raconte-elle.

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« J’étais dans le métro avec un ami lorsque j’ai senti que je commençais à avoir mal au ventre. En remontant l’escalator, j’avais déjà les yeux sortant de leur orbite et étais dans un état de semi-inconscience. Je suis sortie du métro en plein centre-ville et j’ai vu KFC. Je montais les marches lorsque j’ai réalisé que c’est trop tard. Sur mes jambes coulait le sang, je pleurais ne pouvant rien faire avec. Dans les toilettes, il n’y avait que deux cabines et une foule immense devant. J’ai devancé tout le monde, y suis entrée sans attendre mon tour. Je me suis assise par terre et ai commencé à hurler, ne sachant pas quoi faire. La femme de ménage étant témoin de la scène, elle m’a apporté des serviettes. J’ai enlevé la robe et ai commencé à la laver », se souvient Sacha.

Et ce cas n’était pas isolé, il y en avait beaucoup. Donc lorsque l’opération s’est imposée, elle n’a pas hésité. « Ça m’était déjà égal, ce n’était pas la décision la plus complexe ».

Ce n’est pas si effrayant

Sacha a accepté la stomie tout de suite, ses parents et amis poches aussi. Mais cela posait un problème à tous les autres. Les appels de la part de proches lointains et de connaissances ont débuté : « On me demandait de penser à ma vie sans un organe. Il y avait des allusions au fait que personne n’aurait besoin de moi comme ça et à comment j’accoucherais après une telle opération ». 

En Russie, explique-t-elle, l’attitude à l’égard des gens avec une stomie est complexe, car on n’a pas l’habitude de la voir. « Ici, on continue de considérer que la montrer est quelque chose d’inconvenant. Pour le moment je ne suis pas prête moralement à faire apparition en maillot ouvert sur une plage en Russie. Tout simplement, les gens ne comprennent pas ce que c’est et comment ça marche. Ils ont l’impression qu’ils verront quelque chose sortir de moi ou bien que j’émets une odeur. Mais les malvoyants n’ont pas honte de porter des lunettes. Pourquoi dois-je avoir honte de porter un maillot de bain deux pièces ? », s’interroge la jeune femme.

Au cours des quatre années ayant suivi le début de la maladie, Sacha a effectué plusieurs voyages à l’étranger, ce qui n’est pas évident compte tenu du diagnostic. Or, en Russie, plusieurs médecins ont un avis univoque à cet égard.

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« Lorsque j’ai reçu l’attestation de handicap et que les médecins ont appris que je venais d’effectuer un voyage, on m’a dit qu’avec un tel diagnostic il est effrayant d’aller même à la datcha et que je devais dorénavant réfléchir. Malheureusement, comme [en dépit de la maladie, ndlr] je peux toujours voyager, sourire et rester une jeune femme attrayante, certains s’enflamment », constate Sacha.

Elle n’aime pas se poser la question qu’un certain nombre de personnes souffrant de maladies graves se posent régulièrement, « Pourquoi moi ? », la jugeant comme étant destructive. Réalisant que beaucoup de gens ayant le même diagnostic éprouvent des problèmes avec l’acceptation de leur nouvelle vie, elle a lancé son blog : « Je l’ai créé pour aider ceux qui se préparent à vivre ou vivent déjà comme moi. En aucun cas je ne fais de la pub pour la stomie. Je veux juste dire que je vis dans la joie et que cela ne fait pas peur ».

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