Les événements tragiques ayant entrainé la disparition, par le feu, de la flèche ainsi que du toit de la cathédrale Notre-Dame de Paris, symbole de Paris, n’ont pas laissé indifférents les citoyens du monde entier. La Russie, elle aussi, n’a ainsi pas tardé à proposer son aide. Dans son message adressé à Emmanuel Macron, Vladimir Poutine a non seulement exprimé sa compassion, mais a également offert l’assistance « des meilleurs spécialistes russes, dotés d’une riche expérience de restauration de monuments du patrimoine culturel mondial, y compris d’œuvres de l’architecture médiévale ». Russia Beyond s’est entretenu avec ces personnes, qui ont plus d’une fois sauvé des flammes et du temps des trésors architecturaux non seulement russes, mais également étrangers, afin de connaître leur avis sur la proposition du président.
Baptisés par le feu
Les restaurateurs russes comptent parmi les plus talentueux du monde, insistent les spécialistes, ce qui signifie que les Français peuvent effectivement s’appuyer sur cette aide qualifiée. « Derrière les restaurateurs russes il y a l’école soviétique, explique à cet égard Dmitri Antonov, directeur de l’Institut d’État de recherche scientifique de restauration. Vous devez bien comprendre d’où elle tire ses origines : de la restauration des objets du patrimoine culturel détruits durant la Seconde Guerre mondiale. L’expérience n’est pas que considérable, mais aussi diverse : le territoire du pays est immense, et s’y trouve un nombre important de monuments, tant ayant été victimes d’incendies que ravagés par le temps, nous venons à bout de n’importe quelle situation ».
Aujourd’hui, les collègues d’Antonov œuvrent à la restauration du tombeau de Déméter, en Crimée, un site funéraire antique en extrêmement mauvais état. Aussi, l’Institut est célèbre pour le chantier de restauration de l’église de la Nativité à Ferapontovo (Nord du pays), inscrite à l’UNESCO, qui a duré pas moins de 30 ans. Pour ce travail sans précédent, l’équipe de l’établissement a reçu une renommée internationale et est à présent missionnée aux Pays-Bas, en Estonie, en Lettonie, en Ouzbékistan et dans bien d’autres contrées.
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Les dires d’Antonov quant au fait qu’il ne s’agirait pas du premier chantier des restaurateurs russes suite à un incendie sont par ailleurs confirmés par une autre spécialiste du pays, Olga Temerina, directrice générale adjointe du Centre de restauration Grabaria, ce même centre qui a été en charge de la restauration des célèbres Collections nationales de Dresde, puis du Musée de Grozny, ayant durement souffert durant les guerres de Tchétchénie. « Le travail avec les œuvres ayant été touchées par un incendie est spécifique, il ne correspond pas aux canons classiques de restauration, c’est-à-dire qu’il ne se déroule pas de manière aussi lisse, ni en suivant le même schéma, qui serait utilisé pour un objet ayant simplement souffert du temps, explique-t-elle. Nos spécialistes ont eu à beaucoup travailler précisément avec des situations aussi extrêmes ». Il convient de préciser que le Centre Grabaria a lui-même traversé une tragédie similaire : en 2010 s’y est déclaré un incendie, dont les traces ont cependant d’ores et déjà disparu.
À chaque incendie son histoire
Une cathédrale, ce n’est pas seulement de l’architecture, ce sont des peintures qui s’y trouvaient, des objets d’art appliqué, des meubles, des vitrages, tant de choses bien connues de l’école russe de restauration. Les spécialistes avouent toutefois ne posséder aucun secret, leur principale arme dans la lutte pour la restauration du patrimoine étant cette fameuse expérience colossale, accumulée par le pays au gré de son histoire mouvementée. « Nous n’avons pas de techniques spéciales, mais nous détenons une certaine expérience, qui a été emmagasinée avec les innombrables objets ayant subi un incendie. Il n’y a pas d’émulsion magique, que l’on pourrait appliquer et qui restaurerait tout. Chaque monument est une approche individuelle, à chaque incendie son histoire », souligne Temerina.
Une expertise française indubitable
Si les experts russes se montrent confiants en leurs forces, ils sont également persuadés du professionnalisme de leurs homologues français. « Les Français ont une énorme expérience, un magnifique centre de restauration, qui sert les musées français régionaux. Au sein des musées, par exemple au Louvre, il y a des ateliers de restauration, et ils sont pourvus d’équipement de classe élevée. Il n’y a pas non plus de problème avec le financement ou avec le niveau et la qualité des spécialistes », assure Olga Temerina.
« Ils mènent régulièrement des conférences, auxquelles nous participons, et nous voyons que leurs connaissances et leur expérience ne cèdent en rien aux nôtres. Mais si une aide physique est nécessaire, autrement dit des mains supplémentaires, ils peuvent toujours s’adresser à nous, dans un malheur d’une telle ampleur nationale et mondiale, nous serons ravis d’aider », poursuit-elle.
Antonov rejoint cet avis et affirme être lui aussi prêt à apporter toute aide nécessaire. « Je considère que les Français peuvent s’en sortir tout seuls, ils sont correctement entrainés, ils ont une grande expérience, dit-il. Mais nous délivrerons toute aide, si elle est nécessaire. La conservation du patrimoine culturel est un thème commun à l’humanité entière, pour nous aussi c’est douloureux. Mais pour l’instant nous attendons que les Français en viennent à la compréhension de comment ils souhaitent voir Notre-Dame après la restauration, mais cela peut prendre de un an à trois, et cela peut aller de l’allure de la cathédrale avant l’incendie à une apparence plus antérieure. S’ouvrent de nombreuses possibilités, mais le principal, la première étape actuellement, est la préservation de ce qui a survécu à l’incendie ».
Dans cet autre article, nous avons rassemblé les réactions de personnalités et simples citoyens russes suite à cette tragédie.