Des dizaines d’objets et de peintures bizarres, presque toutes de taille humaine ou plus grande. Leur point commun ? Poutine est partout. Poutine en armure de chevalier médiéval chevauchant un ours en sculpture, Poutine super-héros, Poutine embrassé par sa grand-mère en peinture… On trouve même un buste de Poutine en grès et une bande dessinée représentant Poutine sur une immense toile.
C'était en décembre 2017. Une exposition consacrée au président russe, pas la première, a ouvert ses portes à Moscou. Elle s'appelait SUPERPUTIN. Il y a plusieurs années, quelque chose de similaire avait déjà été exposé à Moscou et à Londres. On pouvait voir Poutine était sous les traits de Bouddha, de Jeanne d'Arc, de Che Guevara, de Sherlock Holmes et de bien d'autres (il est plus facile de dire sous quelle forme il n’était pas représenté).
Cela peut ressembler à une commande politique ou à une campagne électorale déguisée (bien que les organisateurs insistent sur le fait qu’ils traitaient uniquement le président de manière « positive »), l’exposition SUPERPUTIN ayant été inaugurée peu de temps avant les élections. Mais pour le Russe de la rue, cela n’aurait pas provoqué le moindre rejet jusqu’à une date récente : selon les études de popularité publiées par des instituts de sondage publics et indépendants, Poutine est très apprécié en Russie. Sa cote est restée inébranlablement élevée pendant de nombreuses années. Et ce n’est qu’en avril 2018 qu’elle a commencé à s’éroder.
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« Il y a Poutine - il y a la Russie ; pas de Poutine - pas de Russie » : cette phrase est rapidement devenue un aphorisme.
Son auteur était le chef adjoint de l'administration du Kremlin, Viatcheslav Volodine (aujourd'hui président de la chambre basse du Parlement), mais l'image « Poutine est une personnification vivante du pays » s'est avérée très populaire, et pas uniquement auprès de son entourage. À en juger par les sondages, le Russe moyen est du même avis. Pour lui, Poutine est le « garant de la stabilité », un homme qui a relevé le « grand pays » des décombres de l'État soviétique.
« Nous devons apprécier ce qu'il [Poutine] a fait si nous le comparons à l’époque de Eltsine. Depuis la fosse post-perestroïka, on ne saute pas immédiatement dans l’espace. Peu de temps s’est écoulé. Néanmoins, chez mes amis et moi, le réfrigérateur est plein, nous allons dans des stations balnéaires, beaucoup ont changé d'appartement, ils ont de nouvelles voitures, tout ce dont on n'avait jamais rêvé avant l'ère Poutine », a déclaré le guide touristique Iouri Bakhaïev sur la plate-forme en ligne The Question. « Il est nécessaire de se préparer, car Poutine n'est pas éternel. Le prochain président sera probablement un "tolérant", et les années 90 reviendront ou pire », renchérit Alexander Rybakov, 57 ans, le mot « tolérant » ayant dans sa bouche une connotation négative et faisant référence au politiquement correct en vogue en Occident.
« Les gens se souviennent des moments où ils ne pouvaient pas se nourrir eux et leur famille », a déclaré à plusieurs reprises Gleb Pavlovski, consultant politique et l'un des « architectes » de l'image médiatique de Poutine, soulignant que la popularité de Poutine reposait principalement sur les souvenirs des années 90, quand, pendant des mois, on ne recevait ni salaire ni retraite. « Mais maintenant, les choses ont changé et c’est perçu comme un énorme succès. Ce n'est pas pris pour acquis ».
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« Moujik » : actuellement, les Russes désignent par ce mot les durs au caractère viril (ceux qui ouvrent silencieusement une bière avec leur orbite puis se promènent par -40°C). Un vrai homme est le plus beau compliment pour un membre du sexe fort, et c'est ainsi qu’est décrit en premier lieu Poutine.
« Courage », « résolution », « force », « confiance en soi », « audace » - sont autant d’épithètes laudatifs que le Russe moyen accole à son président.
Après l’intégration de la Crimée à la Russie, la cote de Poutine n’est pas tombée sous la barre des 80% pendant longtemps. Elle a atteint le sommet historique de 90% en 2015, lorsque l'armée russe s'est rendue en Syrie pour combattre les terroristes.
Selon les sociologues, ces deux événements ont fait de Poutine un véritable « moujik » dans l'opinion. « Après avoir pris la Crimée, nous avons défié la communauté internationale et agi à rebours de l’opinion occidentale, explique Alexeï Levinson, responsable du département de recherche socioculturelle du Centre Levada. Les gens ont le sentiment que le pays est opposé au monde entier. C’est précisément ce qui aux yeux de la majorité fait de la Russie une grande puissance [est-ce vraiment le cas ? Nous en avons parlé ici], et de Poutine un dirigeant fort qui n’a pas peur ».
Est-ce qu’un homme de la trempe de Poutine peut commettre des erreurs ? Probablement. Mais les Russes (en moyenne) n'y croient pas. Au fil des années passées au pouvoir, la cote du président a rarement souffert des crises politiques internes. La grogne se canalise traditionnellement contre le cabinet des ministres accusé de ne « pas remplir les instructions » du président.
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Le principal « péché » de Poutine, selon les mêmes sondages, est qu'il « ne sait pas comment les gens ordinaires vivent ». On sait que Poutine ne surfe pas sur Internet (il n'a même pas de téléphone portable). Il reçoit tous les jours les informations nécessaires dans un dossier préparé par ses secrétaires. « Donc, si Poutine ne sait pas quelque chose, c'est qu'on ne le lui a pas dit », stipule un avis commun.
La cote de confiance envers Poutine a chuté seulement cinq fois, la cinquième chute ayant été la plus prononcée. Cela est dû, selon la plupart des experts, au fait que Poutine a officiellement soutenu un dossier trop sensible pour la population - la réforme des retraites. Mais la chute semble temporaire. « Il a déjà eu des histoires de ce genre dont il s'est bien remis », a déclaré Mikhaïl Vinogradov, analyste politique et président de la fondation Politique de Saint-Pétersbourg, sur les ondes de la radio de Echo de Moscou.
En mars 2019, selon l’institut de sondages VTsIOM, 32,7% des Russes seulement avaient confiance en Poutine. Selon l’institut indépendant Levada, le leur taux est supérieur : 64%. Cependant, la cote n’a en réalité chuté qu’à son niveau habituel, indique à Russia Beyond Alexeï Levinson. Elle était à ce niveau avant les événements de Crimée ou la guerre de cinq jours en Géorgie.
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« C’est le niveau stable auquel la cote de Poutine évoluait auparavant depuis de nombreuses années : les deux tiers des Russes estiment qu’il est nécessaire de soutenir le président en tant que symbole de l’unité du pays. Peut-être y a-t-il des raisons qui l'auraient jadis fait chuter au-dessous de ce niveau, mais nous n'avons pas vu cela depuis une vingtaine d'années. Les gens ont besoin d'un point d’appui incarné par Poutine », estime le sociologue.
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