Comment les Tatars de Crimée ont-ils retrouvé leur terre natale après l’exil?

Anna Dovgal
Durant leur exil d’un demi-siècle, le rythme de vie des Tatars de Crimée a subi de profonds changements. Leur niveau d’éducation a augmenté, mais leur culture et leur langue natales ont décliné. Si leur déportation a officiellement été condamnée par le gouvernement soviétique en 1989, par la Russie en 2014 et l’Ukraine en 2015, ce peuple reste à jamais marqué par cette terrible tragédie.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, Sébastopol était l’une des cités les mieux fortifiées au monde. Entre 1941 et 1944, la péninsule de Crimée a cependant été le théâtre d’affrontements parmi les plus acharnés du front de l’Est, son occupation par l’Allemagne n’ayant pris fin que le 12 mai 1944. C’est alors que la déportation des Tatars de Crimée a débuté.

Elle a été entreprise sur ordre de Joseph Staline, qui prétendait que ce peuple avait collaboré avec les nazis durant l’occupation de leurs terres entre 1942 et 1943. L’entièreté de la population des Tatars de Crimée, qui était alors d’environ 230 000 individus, a par conséquent été évacuée par la force vers l’Asie centrale. Les estimations concernant le nombre de morts dans ce cadre s’élèvent jusqu’à 100 000 personnes.

De nombreuses familles ont commencé à retourner sur leurs terres natales dans les années 80, les réformes de la perestroïka ayant pris racines. Le nombre de Tatars de Crimée sur la péninsule n’était cependant plus qu’une fraction de ce qu’elle avait été, et ne représentait alors plus que 13% de la population totale de la région. La déportation est ainsi largement reconnue comme un exemple de nettoyage ethnique et les activistes tatars ont demandé à ce qu’elle soit classée comme acte de génocide.

Des centaines de villages tatars ont par conséquent disparu des cartes de Crimée, et ceux qui sont restés ont reçu de nouveaux noms.

Le village de Cheikh-Assan (aujourd’hui Voznikovo) est l’un des nombreux points de peuplement tatars en Crimée orientale. Il abrite aujourd’hui plusieurs familles d’origines russes, gagaouzes et tatares.

Avec huit membres, la famille Kalendarov est la plus nombreuse de la bourgade. À sa tête se trouve Semia. Elle a été exilée en Ouzbékistan le 18 mai 1944.

Semia avait 21 ans lorsqu’elle a été déportée avec son frère et ses cinq sœurs. Sa mère est morte durant le trajet et, à ce moment-là, son père combattait sur le front. Il n’a pu retrouver ses enfants que 10 ans plus tard.

Semia a travaillé durement dans une mine. Elle et son mari tatar ont eu trois enfants, tous nés en exil en Ouzbékistan.

Elle a ensuite pris sa retraite en 1971 et a alors obtenu une voiture, un tapis et 120 roubles, une somme considérable à l’époque.

En 1988, Semia et sa famille ont fait leur retour en Crimée. Leur ancienne demeure au village avait disparu, alors ils en ont acheté une autre.

Autrefois, le village était bien approvisionné en eau et les jardins étaient verts et abondaient en arbres fruitiers, en pastèques, pommes de terre et tomates. En 2016, néanmoins, lorsque ces témoignages ont été recueillis, les habitants devaient acheter de l’eau pour l’ensemble de leurs besoins. Les potagers ont par conséquent été abandonnés, tandis que les vergers se sont depuis longtemps asséchés.

Dans cet autre article, nous vous présentons les traditions culturelles de ce peuple victime des répressions.

Les droits sur cette publication sont la stricte propriété du journal Rossiyskaya Gazeta

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies