Le nouveau premier ministre français sous l’œil des experts russes

La stratégie gouvernementale d’Emmanuel Macron vue de Russie.

La stratégie gouvernementale d’Emmanuel Macron vue de Russie.

AP
Le président français Emmanuel Macron a nommé mardi son premier ministre, Édouard Philippe. Les experts russes ont fait part à RBTH de leur opinion au sujet du nouveau chef de gouvernement.

Un premier ministre temporaire ?

Les experts russes sont unanimes à estimer que le choix du nouveau premier ministre français vise à faire ressortir le leadership du président nouvellement élu. Selon Iouri Roubinski, directeur du Centre des études françaises à l’Institut de l’Europe de l’Académie russe des sciences, EmmanuelMacron doit « se faire remarquer, doit se forger une image de personnage central de la politique française », ce qui serait entravé par la nomination au poste de premier ministre d’un politique plus important qu’Édouard Philippe.

« Le président aurait pu arrêter son choix sur un homme politique expérimenté et connu, comme le centriste François Bayrou qui a proposé une alliance à Emmanuel Macron lors de la présidentielle. Mais François Bayrou, plus âgé que le nouveau président, est un vétéran de la bataille politique que les Français connaissent bien, ce qui n’arrangerait pas EmmanuelMacron », a-t-il expliqué.

Evguenia Obitchkina, spécialiste de l’histoire et de la politique étrangère de la France à l’Institut des relations internationales de Moscou, évoque elle aussi la façon dont le  nouveau premier ministre soutiendra la politique du président : « Édouard Philippe est un homme qui suit le chemin tracé par Emmanuel Macron. Un chemin qui doit mener à l’union des différentes forces politiques de France sous des drapeaux progressistes. De ce point de vue-là, le personnage d’Édouard Philippe est parlant, il est en quelque sorte la doublure d’Emmanuel Macron ».

« Il est issu du même milieu que le président, celui de gens qui s’entraident parce qu’ils constituent un groupe soudé d’anciens élèves de l’établissement assurant la formation des hauts fonctionnaires », a fait remarquer Evguenia Obitchkina en parlant de l’École nationale d'administration (ENA), Emmanuel Macron et Édouard Philippe étant issus de la même promotion.

Elle estime qu’Édouard Philippe n’occupera ce fauteuil que provisoirement : « C’est un premier ministre provisoire, de travail, jusqu’aux législatives dont les résultats permettront de former, sur la base de la nouvelle majorité parlementaire, un nouveau gouvernement ».

Une main tendue aux Républicains

Emmanuel Macron et Anne Hidalgo à l'hôtel de ville de Paris. Crédit : ReutersEmmanuel Macron et Anne Hidalgo à l'hôtel de ville de Paris. Crédit : Reuters

D’après Iouri Roubinski, la campagne des élections législatives sera menée par Édouard Philippe et non Emmanuel Macron. « Une tâche difficile attend le nouveau premier ministre : il devra s’imposer comme le leader de la majorité », a-t-il noté.

Selon lui, la nomination d’Édouard Philippe au poste de premier ministre donne au président la possibilité d’engager le dialogue avec Les Républicains, parti d’où est issu le premier ministre, à la veille des législatives. Dans ce contexte, Iouri Roubinski rappelle qu’Édouard Philippe est un proche d’Alain Juppé, ce qui signifie qu’il représente Les Républicains de tendance centriste, européiste, libérale : « C’est l’aile des Républicains qui peut coopérer avec le président sans chercher à lui imposer son programme ».

Evguenia Obitchkina, qui est du même avis, ajoute que cette nomination est surtout liée aux prochaines élections législatives où le premier ministre se verra confier un rôle clé. « La formation du gouvernement autour d’un membre des Républicains, certes en vue mais pas de premier plan, reflète peut-être l’aspiration à former une large majorité parlementaire au sein de la future Assemblée nationale où une partie des Républicains, voire l’ensemble du parti, ne serait pas en opposition à Emmanuel Macron, et adhèrerait potentiellement à la coalition au pouvoir », a-t-elle expliqué.

Quid des relations franco-russes

Les experts soulignent que les résultats de la présidentielle et la nomination du premier ministre n’augurent aucun progrès dans les relations franco-russes. Les hommes politiques français accorderont la priorité au développement des rapports avec l’Allemagne.

« Il est notoire que le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron est un ancien ambassadeur à Berlin. D’ailleurs, le nouveau président a effectué sa première visite en Allemagne. Je crois que les priorités du nouveau leader politique français et de ses partisans sont exprimées assez clairement et qu’elles visent le renforcement du tandem franco-allemand. Ce ne sera pas une mince affaire, mais le souhait des deux pays de donner une impulsion à cette union dans le cadre de l’UE pour surmonter la crise est évidente », fait observer Iouri Roubinski.

« Alain Juppé, dont Édouard Philippe est un fervent partisan, préconise le rétablissement du rôle international de la France par le biais d’une politique économique active. Il prône le redressement de l’économie française, ce qui aidera Paris à être sur un pied d’égalité avec l’Allemagne dans le chœur européen, car la force motrice du gouvernement européen dès la mise en place de la communauté européenne était le tandem franco-allemand. Or, sous François Hollande l’équilibre des forces dans ce couple a basculé du côté de l’Allemagne », a expliqué Evguenia Obitchkina.

Elle a rappelé que les relations avec la Russie n’avaient jamais figuré au premier plan pour les hommes politiques français, qui se concentrent traditionnellement en priorité sur le développement des relations avec les pays membres de l’UE, les États-Unis et les anciennes colonies. « Les relations avec la Russie arrivent pour la France en quatrième position et ce, dans le cadre de l’édification de la sécurité continentale européenne », a-t-elle constaté. Les rapports bilatéraux se sont dégradés à cause du conflit ukrainien et « ne se redresseront probablement pas sous Emmanuel Macron et Édouard Philippe ».

Néanmoins, « si la France se pose pour objectif d’améliorer ses relations avec la Russie, cela s’inscrira dans la tendance générale lancée par les États-Unis. Si Washington estime possible une amélioration des rapports, la France suivra, car c’est conforme à ses intérêts ».

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