Ioulia Samoïlova, qui depuis son enfance ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant, a été sélectionnée pour représenter la Russie à l’Eurovision 2017 à l’issue d’un concours de la Première chaîne de la télévision russe. C'est cette chaîne qui retransmet l’émission en Russie et qui organise le voyage de la délégation russe à Kiev.
Le même jour, l’Ukraine a qualifié ce choix de provocation. Les médias ukrainiens ont rappelé que la chanteuse s’était rendue en 2015 en Crimée. Kiev ne reconnaît pas les résultats du référendum de mars 2014 – 90% de la population de la presqu’île ont alors voté en faveur du rattachement à la Russie – et affirme que visiter la Crimée sans passer par les gardes-frontières et les douaniers ukrainiens revient à violer la législation ukrainienne.
Probablement à la lumière de cette idée, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Pavel Klimkine, a déclaré que « la loi était la même pour tous » et a ajouté que « la Russie se livrait à des provocations répétées » depuis plusieurs années. La porte-parole du Service ukrainien de sécurité, Elena Guitlianskaïa, a indiqué pour sa part que son département « étudierait le problème et prendrait une décision pondérée » sur l’autorisation ou l’interdiction d’entrée dans le pays pour la chanteuse.
Dans le même temps, Anton Guerachtchenko, député au parlement ukrainien et conseiller du ministère de l’Intérieur, est allé plus loin en écrivant sur sa page Facebook qu’interdire l’entrée du pays à Ioulia Samoïlova ne serait pas la bonne solution. « La machine propagandiste russe va en profiter… Et affirmer que cette jeune femme à capacités réduites, cette chanteuse, est empêchée d’entrer en Ukraine pour représenter dignement la Russie au concours européen de la chanson ». Il propose d’autoriser la chanteuse à entrer dans le pays avant de l’arrêter et de la juger « pour violation de la frontière ».
Le Kremlin a réagi en répondant aux hommes politiques ukrainiens. Le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, a souligné que les visites en Crimée n’avaient rien de provocateur en soi. « Je n’irais pas jusqu’à employer des mots tels que provocation », a-t-il fait remarquer, en ajoutant que la question n’était pas « du ressort du Kremlin » et que ce n’était pas le Kremlin qui « sélectionnait les candidats à l’Eurovision ».
RBTH a demandé au service de presse de la délégation russe à l’Eurovision 2017 ce que Moscou comptait faire dans le cas où Ioulia Samoloïva serait interdite d'entrée. La question est restée sans réponse « en raison d’un emploi du temps chargé du chef de la délégation ». Silence également du côté du service de presse de la Première chaîne de télévision ukrainienne, dont le représentant vient de prendre la direction de l’organisation du concours.
Ioulia Samoïlova a indiqué pour sa part qu’elle ne pensait pas aux problèmes liés à l'entrée dans le pays voisin. « Je ne sais pas. Je n’y pense pas. Ma mission est de bien chanter ma chanson, de m’y préparer. J’ai encore un tas de répétitions. Je garde une humeur positive et je pense que tout ira bien », a-t-elle dit.
Mikhaïl Pogrebinski, directeur du Centre d’études politiques et des conflits de Kiev, a noté dans une interview à RBTH que les autorités officielles de Kiev ne devraient pas empêcher l’entrée de Ioulia Samoïlova en Ukraine pour éviter « de se retrouver sous le feu des critiques de la part de la société européenne, très tolérante ».
Et si elle vient à Kiev, elle ne s’exposera à aucun risque, a-t-il affirmé. Toutefois, il se peut qu’elle manque de confort psychologique, car « nous avons un grand nombre d’activistes qui n'hésiteront pas à écorner les valeurs d’une société tolérante », a-t-il ajouté.
Andreï Zoudine, membre du conseil d’experts de l’Institut des études sociales, économiques et politiques de Russie, estime que Ioulia Samoïlova pourrait être interdite d'entrée en Ukraine. Mais même si la chanteuse n’avait jamais visité la Crimée, il n’y aurait aucune raison de s’attendre à une attitude normale envers elle en Ukraine, « bien que ce soit un concours de la chanson et bien qu’elle soit une jeune femme handicapée ». D’après lui, « les autorités ukrainiennes ont depuis longtemps édifié leur système officiel de relations avec la Russie, un système extrêmement hostile ».
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