Réputé «ami de Poutine», le futur chef de la diplomatie américaine suscite des espoirs à Moscou. Sur la photo : Rex Tillerson et Vladimir Poutine.
Alexeï Druzhinine / RIA NovostiDonald Trump a choisi son secrétaire d’État : il s’agit de Rex Tillerson, PDG d’ExxonMobil âgé de 64 ans. « J’ai choisi l’un des meilleurs dirigeants au monde, Rex Tillerson, écrit Donald Trump sur son compte Twitter, ajoutant que Tillerson était le meilleur en raison de sa « vaste expérience de travail efficace avec tout type de gouvernements étrangers ».
I have chosen one of the truly great business leaders of the world, Rex Tillerson, Chairman and CEO of ExxonMobil, to be Secretary of State.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 13 décembre 2016
Le patron du grand groupe pétrolier a ses entrées dans de nombreux cercles influents dans les pays étrangers. Il a, notamment, longtemps travaillé en Russie et est connu pour sa position ouvertement hostile à l’égard des sanctions contre la Russie. La presse occidentale le présente comme un « ami de Poutine », familier de nombreux responsables politiques et entrepreneurs en Russie.
Tillerson a reçu des mains du président russe l’ordre de l’Amitié russe [pour l’établissement des liens entre les pays] et sa collaboration avec Rosneft est si étroite qu’ExxonMobil envisageait d’investir dans des gisements russes. En 2011, le groupe a signé un accord de production pétrolière conjointe dans l’Arctique et en Sibérie avec Rosneft, mais celui-ci a été mis en sommeil à cause des sanctions.
On ne peut, cependant, parler de réelle proximité entre Poutine et Tillerson, a récemment déclaré la conseillère de Donald Trump Kellyanne Conway. « Ce n’est pas comme s’il séchait des verres de vodka avec Poutine dans des bars du coin », a-t-elle dit.Néanmoins, en Russie, le nouveau membre clé de l’équipe Trump est considéré comme quelqu’un de capable d’introduire des ajustements sérieux dans les relations bilatérales avec Moscou. Le « pragmatisme » est sans doute la principale qualité de Tillerson qu’on remémore ici suite à sa nomination.
« Nous pensons que ce pragmatisme offrira une bonne base pour la construction de relations mutuellement bénéfiques, tant en matière de coopération russo-américaine que concernant le règlement des problèmes internationaux », indique Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, à propos de Tillerson, ajoutant par ailleurs que le président Trump était également caractérisé par son pragmatisme.
Le Kremlin, pour sa part, souligne à juste titre que les affaires sont une chose, mais que la diplomatie en est une autre. « Certaines sympathies passent, évidemment, au second plan [lorsqu’on est Secrétaire d’État], la seule chose qui reste est la volonté de montrer une attitude constructive et la capacité d’agir avec professionnalisme », déclare le secrétaire de presse du président Poutine Dmitri Peskov.
Car aussi attractif soient-ils pour le Kremlin, les propos virulents de Tillerson sur les sanctions antirusses sont perçus par Moscou à la lumière de ses intérêts entrepreneuriaux : « Sa compagnie est l’une des rares entreprises américaines à avoir réellement souffert des sanctions contre la Russie – elle a subi des pertes ou des manques à gagner », souligne Iouri Rogoulev, directeur du Fonds des études américaines Franklin Roosevelt à l’Université d’État de Moscou et directeur du laboratoire d’histoire moderne et contemporaine des pays d’Europe et d’Amérique, dans un entretien avec RBTH.
Néanmoins, Moscou place de grands espoirs dans l’homme d’affaires américain. Tillerson est un diplomate corporatif qui possède une immense expérience des affaires internationales et une solide réputation. En outre, il « n’aurait sans doute pas gardé sa place dans l’une des plus grandes compagnies mondiales s’il n’était pas compétent », décrypte le doyen de la faculté d’économie mondiale et de politique internationale de l’École des hautes études en sciences économiques Sergueï Karaganov.
Au minimum, la Russie saura à qui elle a affaire, estime le professeur : « En matière de politique extérieure et de sécurité, Tillerson, comme tous les autres responsables nommés par Trump, sont des gens compétents contrairement aux précédents et ne sont pas aussi engagés idéologiquement que ces derniers ».
« Nous voyons que Trump poursuit sa politique visant à assainir les marécages de la politique américaine et a nommé une personne éloignée du pouvoir », indique Rogoulev. Cela ne plaît évidemment pas à tout le monde : dans l’état actuel, l’un des membres clés de l’équipe de Trump affichera un flagrant conflit d’intérêt, et les sénateurs ne manqueront pas de le souligner. La politique d’allègement des sanctions ou leur annulation pourrait donner un coup de pouce considérable à la cote en bourse d’ExxonMobil.
Cependant, comme les républicains disposent de 52 voix au Sénat contre 48 pour les démocrates, la nomination de Tillerson sera sans doute approuvée, d’autant qu’il a déjà entamé son départ du groupe et que la question des sanctions ne figurera sans doute pas en tête de son programme d’amélioration des relations.
« Outre les relations russo-américaine, il devra gérer des tas de problèmes et questions et je ne pense pas qu’il le fera de manière précipitée et unilatérale, sans consulter l’Europe. Mais la politique américaine sera plus mesurée avec lui, on peut compter là-dessus », estime Rogoulev.
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