Cinq faits sur Serge de Radonège, le plus célèbre saint russe

Histoire
ALEXANDRA GOUZEVA
Les Russes pensent que leur pays doit son existence à ce moine, qui a vécu au XIVe siècle. C’est grâce à lui que les terres russes se sont unies et relevées après la terrible invasion tataro-mongole.

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Son vrai prénom n’est pas Serge, et il n’est pas de Radonège

Le futur saint Serge de Radonège est né près de Rostov-le-Grande, à 150 km de Radonège. La date de naissance exacte de Serge est inconnue, la date désormais admise étant 1314. Aujourd’hui, Rostov est une petite ville provinciale de la région de Iaroslavl, mais au début du XIVe siècle, c’était une principauté prospère et l’un des centres culturels de la Russie médiévale. C’est très probablement là que Serge a eu la possibilité d’apprendre le grec.

Cependant, Rostov a été attaquée à plusieurs reprises par les Tataro-Mongols, et était par la suite ruinée. Ayant tout perdu, le père de Serge décide de partir avec sa famille pour Radonège, plus proche de Moscou, une ville plus sûre dont l’influence politique augmentait. Serge avait environ 12 ans.

Dans sa première biographie, LVie du vénérable Serge de Radonège écrite par Épiphane le Sage (début du XVe siècle), des miracles et des prophéties que Serge a réalisés de son vivant ont été décrits. Cependant, toutes les vies des saints étaient rédigées selon un canon strict, de sorte que des descriptions de miracles identiques ou similaires peuvent également être trouvées dans la vie d’autres saints.

Le lien entre le célèbre tableau de Mikhaïl Nesterov Vision de la jeunesse de Bartholomée (1890) et Serge de Radonège n’est pas évident. En réalité, Bartholomée (Varfalomeï) est son vrai prénom. Et il est devenu « Serge » après avoir été tonsuré moine.

À l’âge de sept ans, il a rencontré des problèmes dans ses études, et n’a pas obtenu de diplôme. Selon la légende, Bartholomée rencontra un vieil homme, à qui il se plaignit de son malheur. Ce dernier pria avec ferveur pour le garçon et lui donna un morceau de sainte prosphore (pains utilisés pour la Communion eucharistique dans l’Église orthodoxe, ndlr), après quoi Bartholomée apprit facilement à lire et à écrire. Il s’est immédiatement intéressé aux Saintes Écritures et, comme le mentionne le récit de sa vie, il a accompli des exploits spirituels à l’adolescence : il priait avec ferveur durant la nuit et observait volontairement le jeûne le plus strict.

Soit dit en passant, c’est la raison pour laquelle saint Serge est désormais considéré comme le patron de tous les étudiants et étudiantes... et de tous ceux qui rencontrent des problèmes dans leurs études. C’est lui qu’ils prient à l’église, aussi bien avant la rentrée scolaire qu’à la veille d’examens importants.

Il a fondé le principal monastère russe

L’un des principaux exploits « matériels » de Serge, qui a survécu jusqu’à ce jour, a été la fondation du monastère de la Trinité, désormais connu sous le nom de laure de la Trinité-Saint-Serge. Le jeune Serge a choisi la voie de l’ermitage qui, semble-t-il, n’était accessible qu’aux moines endurcis par la vie et de longues années de prière.

Avec son frère, il s’est installé dans une forêt dense, et y a construit une petite cellule et une chapelle en l’honneur de la Sainte Trinité. (Plus tard, c’est pour la laure que le célèbre auteur d’icônes Andreï Roublev peindra sa Trinité et formulera dans un langage artistique le postulat le plus important de l’orthodoxie sur la Trinité divine. Lire la suite ici). LIEN LIEN LIEN

Son frère ne supportant pas la sévérité de l’ascétisme et de la vie « dans le désert » (en ermitage, ndlr), il quitta bientôt Serge. Mais peu à peu, d’autres moines commencèrent à s’installer autour de lui. 1342 est considérée comme la date de fondation du plus grand monastère russe actuel.

Il a créé un monachisme d’un genre nouveau

Serge n’a pas seulement fondé un monastère : il a créé un nouveau type de communauté monastique. Il était interdit aux moines de quitter le monastère pour quémander de la nourriture auprès des laïcs (auparavant, de nombreux moines devenaient mendiants et vivaient dans le monde). Lorsque les provisions étaient terminées, les frères et Serge priaient avec ferveur pour le « pain quotidien » ; à chaque fois, quelque chose se produisait et sauvait les moines de la famine. « Par une solitude prolongée, remplie de travail et de privations, au milieu d’une forêt dense, il s’est préparé à être le chef des autres habitants de l’ermitage », a écrit l’historien Vassili Klioutchevski.

Serge prenait sous son aile les moines qui affluaient dans son monastère, leur enseignait les bonnes mœurs, et les supervisait attentivement pour qu’ils prient avec ferveur et ne succombent pas aux tentations de la vie mondaine. Tous avaient une routine quotidienne très stricte ; tout le monde, Serge compris, travaillait dur - ils construisaient des églises, préparaient la nourriture, coupaient du bois et cousaient des vêtements, vivant en autonomie complète.

Dans le même temps, Serge a formé une véritable fraternité, qui montrait aux laïcs un exemple de communauté chrétienne. Les moines avaient une vie très dure et restaient parfois assis sans pain pendant des jours, mais ils étaient amicaux les uns envers les autres et, surtout, envers tous ceux qui leur rendaient visite.

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En raison de son ascèse monastique, Serge est vénéré à partir du XVe siècle en Russie sous son image de « vénérable » - un moine qui, par la prière, le jeûne et le œuvres, s’est efforcé de vivre à l’image de Jésus-Christ. Aujourd’hui, saint Serge est également vénéré par les vieux-croyants et les catholiques.

Il a formé la mentalité spirituelle russe

Après l’invasion tatare-mongole du XIIIe siècle, des villes russes entières ont été pillées, incendiées et détruites. La Russie ancienne était ruinée, reléguée des années en arrière en termes de développement et pétrifiée dans la terreur. Les mères effrayaient les enfants dès le berceau avec le personnage du « méchant Tatar » ; les étrangers poursuivaient leurs raids, et les princes russes leur versaient le tribut.

De nombreux monastères et temples ont été détruits, l’Église a cessé d’être un guide moral important et les moines se sont rapprochés des grandes villes et des résidences des métropolites.

Plusieurs générations de Russes ont grandi sans même oser imaginer que les Tatars-Mongols pourraient être vaincus sur le champ de bataille. Ils associaient l’ennemi à une force obscure et mystique qui ne peut être vaincue. Ils étaient mentalement brisés et déprimés. Tout cela risquait de constituer la fin de l’histoire russe.

Pour se libérer du joug tatar-mongol, les Russes ont d’abord dû surmonter leur peur et croire en leur propre force, estime Klioutchevski. Et Serge a joué un rôle clé dans le renforcement moral et spirituel du peuple russe.

Comme toujours, Serge a commencé par lui-même. L’histoire de sa vie raconte comment des démons l’ont approché et l’ont terrorisé alors qu’il vivait seul dans une petite hutte au milieu de la forêt. Mais à chaque fois, Serge surmontait la peur par la prière, de sorte qu’à la fin, il a obtenu le « pouvoir sur les démons », et ne les craignait plus. Ayant entendu parler d’un moine entouré de miracles qui avait vaincu les mauvais esprits, les moines, mais aussi les gens ordinaires ont commencé à affluer vers le monastère ; ils recevaient une consolation et les encouragements de Serge, diffusant ensuite la bonne parole. Klioutchevski pense que cela a marqué le début du renouveau moral et politique du peuple russe.

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Il a unifié la Russie

Peu à peu, la principauté de Moscou est devenue un « îlot » de sécurité, où affluaient princes, boyards éminents et responsables ecclésiastiques. Moscou est devenue la capitale tacite de la terre russe et son centre spirituel. C’est ici qu’a grandi un prince qui a osé repousser l’ennemi jadis jugé invincible. Il s’agissait de Dmitri Donskoï (par la suite également canonisé).

On sait que le prince se rendait au monastère pour obtenir le soutien de Serge. Ce dernier a approuvé son intention de rassembler les forces de toutes les principautés russes et de livrer bataille aux Tataro-Mongols. Avant une terrible bataille sur le champ de Koulikovo, il a béni Dmitri et lui a envoyé deux de ses moines guerriers, Peresvet et Osliabia.

« Va trouver les mécréants avec audace, sans hésitation, et tu gagneras », a dit le moine au prince.

L’académicien Dmitri Likhatchev estimait que c’est en misant sur le soutien de l’Église que Dmitri Donskoï a triomphé dans la confrontation entre les terres russes. « Moscou n’était pas plus forte économiquement que Tver ou Novgorod, mais elle s’est avérée spirituellement plus forte », a estimé Likhatchev.

La victoire de l’armée russe lors de la bataille de Koulikovo a marqué le début de la libération de la domination étrangère, et de l’unification des terres russes sous la direction de Moscou.

Le célèbre théologien Pavel Florenski a qualifié Serge de Radonège d’« ange gardien » et de « sauveur spirituel » de la Russie.

« En sa personne, le peuple russe a pris conscience de lui-même, de sa place culturelle et historique, de sa mission culturelle ; et alors seulement, ayant pris conscience de lui-même, il a reçu le droit historique à l’indépendance », écrit Florenski.

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