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Le lieutenant-général des troupes du génie Dmitri Karbychev était l’un des membres les plus précieux de l’Armée rouge. Au moment de l’invasion de l’URSS par les troupes allemandes, le commandant de soixante ans avait déjà participé à quatre guerres, et reçu de nombreuses récompenses tsaristes, puis soviétiques.
Karbychev a à plusieurs reprises fait preuve de courage sur le champ de bataille pendant la guerre russo-japonaise de 1904-1905, mais est devenu plus tard célèbre en tant que spécialiste hors pair en fortifications. Pendant la guerre civile, Dmitri Karbychev a dirigé avec succès la construction de sept zones fortifiées dans la région de la Volga et en Sibérie, et a également réalisé une préparation de génie pour l’assaut des positions défensives ennemies dans la péninsule de Crimée.
Dmitri Karbychev en 1914
Domaine publicPendant la guerre d’hiver contre la Finlande (1939-1940), il a personnellement effectué une reconnaissance de la ligne Mannerheim sur l’isthme de Carélie, et ses suggestions et recommandations ont été très utiles pour préparer sa percée.
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Docteur en sciences militaires, Karbychev était l’auteur de plus d’une centaine de publications scientifiques sur les fortifications et l’histoire militaire. Il fut un pionnier dans les questions d’utilisation des « défenses accessoires » (l’ensemble des obstacles dressés au-devant des tranchées pour se protéger des attaques ennemies). Ses travaux ont été activement utilisés dans les établissements d’enseignement militaire pour former l’état-major de l’Armée rouge.
Des soldats soviétiques près d'une casemate finlandaise détruite
Domaine publicÀ l’été 1941, le général inspectait la construction de fortifications dans la région de Grodno, dans l’ouest de la Biélorussie, quand il a été surpris par le début de l’invasion. Lorsqu’en août, tentant d’échapper à l’encerclement, Dmitri Karbychev a été capturé, les Allemands ont très vite réalisé qu’une personne exceptionnellement importante était tombée entre leurs mains….
Karbychev s’est vu offrir des conditions de coopération littéralement royales : libération du camp de prisonniers de guerre, déménagement dans un appartement pour lui seul, soutien matériel complet, accès à toutes les bibliothèques et archives, assistants personnels, possibilité de rédiger des articles scientifiques, de mener des recherches et de travailler sur tous les projets… Il a même été autorisé à aller sur le front et à vérifier ses calculs sur le terrain. Cependant, le front n’était pas censé être celui de l’Est.
Des prisonniers de guerre soviétiques
À Berlin, tout le monde était convaincu que le recrutement du général soviétique ne poserait aucun problème : ce noble, ancien officier tsariste, parlait un allemand excellent (sa première femme était allemande). Il semblait qu’il passerait facilement du côté du Troisième Reich.
Mais les choses se sont passées autrement. Le commandant a catégoriquement refusé de coopérer et aucune promesse ne le fit vaciller. Les Allemands se sont tournés vers l’intimidation, les menaces et la torture, aggravant constamment ses conditions de détention, mais cela n’a pas aidé non plus.
Prisonniers au camp de concentration de Mauthausen
Archives fédérales d'AllemagneAprès deux ans de tentatives infructueuses, les nazis ont abandonné. « Ce grand fortificateur soviétique, officier régulier de l’ancienne armée russe, homme de plus de soixante ans, s’est avéré fanatiquement dévoué à l’idée de fidélité au devoir militaire et au patriotisme..., lit-on dans des rapports allemands de 1943. Karbychev peut être considéré comme sans espoir pour ce qui est de l’utiliser en tant que spécialiste du génie militaire ».
Le sort du général était scellé : il a été envoyé au camp de concentration de Flossenburg pour y être soumis aux travaux forcés. Dans le même temps, les autorités allemandes ont souligné qu’il ne convenait de lui faire aucune faveur en raison de son rang ou de son âge.
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Le courageux commandant a été transféré d’un camp à l’autre. Il a survécu à Auschwitz et à Sachsenhausen, mais Mauthausen, où Karbychev est arrivé en février 1945, fut la dernière étape de son macabre périple.
Dmitri Karbychev
SputnikLe major de l’armée canadienne Seddon de St. Clair, qui avait été capturé, a été témoin de la mort du général : « Dès que nous sommes entrés sur le territoire du camp de concentration de Mauthausen, les Allemands nous ont conduits dans la salle de douche, nous ont ordonné de nous déshabiller et des jets d’eau glacée se sont abattus sur nous d’en haut. Cela a duré longtemps. Tout le monde est devenu bleu. Beaucoup sont tombés par terre et sont morts aussitôt : le cœur n’avait pas tenu ».
Dmitri Karbychev, qui avait dans les 70 ans, a miraculeusement survécu. Lui et les autres ont reçu l’ordre de mettre des sous-vêtements et des blocs de bois sur leurs pieds. Accoutrés de la sorte, ils ont été emmenés dans la cour par un froid glacial. « Le général Karbychev se tenait dans un groupe de camarades russes non loin de moi, se souvient St. Clair. Nous avons compris que nous vivions nos dernières heures. Quelques minutes plus tard, les hommes de la Gestapo, qui se tenaient derrière nous avec des lances à incendie à la main, ont commencé à nous asperger avec de l’eau glaciale. Ceux qui tentaient d’échapper au jet recevaient des coups de matraque sur la tête. Des centaines de personnes sont tombées gelées ou avec le crâne fracassé. J’ai vu comment le général Karbychev s’est effondré également ».
En Union soviétique, on ne savait rien du sort de Dmitri Karbychev et on le considérait comme disparu. Ce n’est qu’après la fin de la guerre que, petit à petit, les dernières années de sa vie ont été reconstituées.
Mémorial au général Karbychev à Mauthausen
Lev Ivanov/SputnikLe 16 août 1946, le lieutenant-général des troupes du génie de l’Armée rouge Dmitri Karbychev a reçu le titre de héros de l’Union soviétique « pour l’endurance et le courage exceptionnels dont il a fait preuve dans la lutte contre les envahisseurs allemands pendant la Grande Guerre patriotique ».
Deux ans plus tard, un monument a été érigé au commandant à Mauthausen avec l’inscription suivante : « À Dmitri Karbychev. Scientifique. Soldat. Communiste. Sa vie et sa mort ont été un exploit au nom de la vie ».
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