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Après la capitulation de l’Allemagne nazie, les États vainqueurs se sont partagé le pays vaincu en zones d’occupation : trois d’entre elles se sont vu être contrôlées par des pays du bloc occidental, formant ainsi la RFA, l’autre, la future RDA, est passée sous le contrôle de l’Union soviétique.
Faisant partie de deux blocs politiques différents, ces territoires renforçaient les liens avec les États qui étaient dans leur camp. Cependant, coopérer avec les pays de l’autre côté de la frontière idéologique pouvait apporter un avantage mutuel et assurer un potentiel d’apaisement dans le monde. Malgré les obstacles politiques, c’est l’économie qui s’est chargée de renforcer ce genre de liens. Le business ouest-allemand a joué un grand rôle dans la restauration des relations entre Moscou et Bonn.
Les tentatives d’établir des relations commerciales ont commencé dès les années 1940. Pourtant, le climat international n’y était pas favorable : les relations entre l’Union soviétique et les puissances capitalistes étaient tendues. Malgré cela, un commerce de biens et de services entre les différentes zones d’occupation existait sur le territoire allemand. Ce sont ces contacts qui auraient pu faire passer les entreprises d’Allemagne de l’Ouest sur le marché de l’Est, ce qui ne s’est pourtant pas produit en raison du blocus de Berlin Ouest entamé par l’URSS le 24 juin 1948. Moscou n’était pas satisfaite de la réforme monétaire que les autres puissances avaient conduite sur le territoire de la Trizone, et a donc bloqué l’accès à cette enclave au monde extérieur.
L’attitude envers le commerce avec les pays socialistes était double en Allemagne de l’Ouest. D’un côté, comme le remarque dans son article Le rapprochement par le commerce – les entreprises allemandes en Russie des années 1950 aux années 1990 Heinrich Vogel, ancien directeur de l’Institut fédéral des études orientales et internationales à Cologne, « La communauté politique de la RFA et des gouvernements alliés était très suspicieuse vis-à-vis d’accords au-delà des frontières de leurs blocs, même de simples négociations ».
Konrad Adenauer
Getty ImagesBeaucoup de dirigeants de l’Allemagne de l’Ouest étaient antipathiques à l’égard de Moscou : le premier chancelier fédéral de la RFA, Konrad Adenauer (1949-1963), selon le témoignage du germaniste russe Nikolaï Pavlov était un « anticommuniste convaincu » et un partisan de méthodes dures face à l’URSS, qui invoquait des valeurs très contradictoires aux siennes.
De plus, la position des États-Unis a joué un rôle dans l’histoire. En 1951, ils ont adopté la loi de Battle (Battle-Act), qui introduisait un embargo sur les livraisons de produits « stratégiques » dans les pays du bloc socialiste et demandait de suivre les mêmes restrictions aux autres pays, qui voudraient recevoir de l’aide économique, financière et militaire de la part de Washington.
D’un autre côté, les autorités de l’Allemagne de l’Ouest comprenaient la nécessité de collaborer économiquement avec les Soviétiques. En mai 1952, le Bundestag s’est exprimé sur l’augmentation de commerce légal entre l’Est et l’Ouest (West-Osthandels), qui pouvait conduire à une chute de tension entre les deux blocs. Le commerce non officiel avec l’Europe de l’Est existait déjà et s’appuyait surtout sur les produits de consommation de masse, qui devraient autrement être importés depuis les pays de l’Ouest en dollars, qui manquaient assez. L’été de la même année, une délégation d’entrepreneurs de la RFA, dirigée par le président de l’association de sidérurgie de Düsseldorf Walzstahl, Gerhard Bruns, est arrivée à Copenhague pour une réunion secrète avec le ministre adjoint du Commerce extérieur de l’URSS, Sergueï Borissov. Ils se sont accordés sur la rédaction d’un traité qui développera le commerce à double-sens.
Konrad Adenauer à Moscou, 1955
APSeulement six mois plus tard, à l’initiative du ministre de l’Économie de la RFA, Ludwig Erhard, a été établi le Comité oriental de l’économie allemande (Ost-Ausschuss der Deutschen Wirtschaft), qui a uni les représentants des entreprises locales afin d’assister les relations commerciales avec l’URSS et les pays du Conseil d'assistance économique mutuelle (CAEM). Le commerce a décollé : si en 1951 les échanges commerciaux entre les pays étaient de zéro, en 1954, selon les statistiques soviétiques, ce chiffre a quasiment atteint 20 millions de roubles. Une série de négociations a ensuivi pour décider sur quel type de marchandises se concentrer, un traité commercial était envisagé entre l’URSS et la RFA. Cependant, en 1954, ce processus a été suspendu par l’implication d’Adenauer et du secrétaire d’état du Ministère des affaires étrangères de la RFA, Walter Hallstein, et peut-être même de représentants américains.
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En 1955, l’URSS s’est résolue à un pas politique significatif : par le biais de l’ambassade de la RFA à Paris a été remise à Adenauer une invitation à Moscou. Le but des négociations était la normalisation des relations entre les deux pays : Nikita Khrouchtchev avait initié le dégel, le gouvernement soviétique sentait une certaine stabilité dans ses relations internationales. Du côté du président américain Dwight Eisenhower, des encouragements à la communication ont été prononcés, donc, avec l’accord des alliés, le chancelier a accepté l’invitation.
Nikolaï Boulganine, Konrad Adenauer et Nikita Khrouchtchev à Moscou
Getty ImagesNéanmoins, Adenauer pensait qu’une collaboration économique avec l’URSS ne traduisait pas les intérêts de l’Occident, car cela impliquait de rendre plus fort l’adversaire. « En ce qui concerne les questions économiques et culturelles soulevées par les Russes, j’ai décidé de faire preuve de sang-froid. Il n’était pas question de mettre la question économique au premier plan pour Moscou. Pour les futures négociations avec Moscou, c’était une mesure purement politique, et de toute manière, toutes négociations économiques avec la Russie devraient être d’abord envisagées depuis nos positions politiques », ainsi a décrit le chancelier ses pensées à propos de sa visite dans ses mémoires.
Délégation allemande au Théâtre Bolchoï de Moscou
Getty ImagesLe thème de l’économie a, en effet, été écarté de la table à Moscou, alors les pays se sont contentés d’un communiqué, en s’accordant de se rencontrer prochainement pour discuter les relations commerciales et la possibilité de les ancrer avec un traité. Les relations diplomatiques avec l’URSS étaient établies. Cependant, peu de temps plus tard, les autorités ouest-allemandes ont signé la « doctrine Hallstein ». Ainsi, Bonn revendiquait la représentation unique des Allemands à l’arène internationale, et l’échange d’ambassadeurs entre l’Allemagne de l’Est et l’URSS renforçait automatiquement le statut de la RDA. C’est pourquoi la RFA a accepté cette doctrine, proposée par le représentant du Ministère des Affaires étrangères, Walter Hallstein. Selon ce principe, la RFA coupait les contacts diplomatiques avec les pays, entretenant des liens diplomatiques avec la RDA.
Walter Hallstein (1901-1982) quittant le ministère des Affaires étrangères à Londres, 1953
Ron Burton/Keystone/Hulton Archive/Getty ImagesLes industriels de la RFA étaient mécontents du lent déroulement des négociations. Les inquiétudes grimpaient davantage, car les autres pays occidentaux entretenaient activement des relations avec l’Est. Néanmoins, les échanges commerciaux entre l’URSS et l’Allemagne de l’Ouest augmentaient petit à petit – en 1956, ils s’élevaient déjà à plus de 512 millions de marks allemands. Cependant, les importations en RFA dépassaient les exportations – donc d’un point de vue financier, les échanges n’étaient pas rentables. Seulement quelques fois pendant les années 1950-1960 Bonn a réussi à rentabiliser ses échanges avec les Soviétiques. Durant cette période, déjà en 1957 la RFA était le pays occidental qui exportait le plus en URSS. L’Union soviétique approvisionnait la RFA en équipement, pétrole et autres produits pétroliers, matériaux de construction, blé, fourrures – en petites quantités, tabac, caviar et conserves de crabes. L’Allemagne de l’Ouest – en voitures, équipement, laminage de matériaux de fer, tuyaux, cuivre, plastique et médicaments.
Otto Wolf Von Amerongen
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La partie soviétique continuait à chercher des occasions pour renforcer ces relations, et en 1957, le diplomate Andreï Smirnov a transmis une lettre du chef du gouvernement de Khrouchtchev – Nikolaï Boulganine, qui soulignait ces mêmes intentions de Moscou. Otto Wolff von Amerongen, l’un des participants les plus actifs du dialogue économique entre les deux puissances, qui occupait le poste de président du Comité oriental de l’économie allemande de la RFA dans les années 1952-2000 et qui était considéré comme « un ministre secret du Commerce oriental », a porté beaucoup d’attention à cette lettre. En 1958, les deux parties ont conclu un Traité sur le chiffre d'affaires des paiements et des marchandises, qui évoquait un objectif ambitieux : accroître les échanges jusqu’à 1,2 milliard de marks allemands. Finalement, l’objectif a été surpassé, et le traité est devenu une base pour une collaboration économique de ces États, y compris pendant les crises diplomatiques.
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