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Viktor Kortchnoï a préparé sa fuite pendant plusieurs années et a abandonné sa famille
Fuite : juillet 1976, pendant un tournoi à Amsterdam
Le grand maître des échecs Viktor Kortchnoï ne s’est jamais considéré comme un dissident ou comme étant en lutte contre le système et pensait que sa fuite était uniquement un moyen de « sauver sa carrière ». Quadruple champion de l’URSS, il ne cessait de dire dans ses interviews accordées à la presse occidentale que les chances sont inégales dans son propre pays et que c’est contraire au principe d’équité.
Il pensait que le pouvoir soviétique choisissait ses favoris et ne soutenait qu’eux. « Les autorités ont choisi Karpov, parce qu’il rentrait parfaitement dans le moule du champion soviétique : il est russe, vient d’un coin perdu, est jeune et est très fidèle au régime. Pendant le match, Karpov a reçu un soutien sans précédent, il était entouré de grands maîtres et toute la presse faisait son éloge », se souvenait Kortchnoï à propos d’Anatoli Karpov, l’un de ses rivaux les plus importants.
À la suite de cette critique, Kortchnoï a reçu un soutien financier plus faible et l’interdiction de quitter le pays. L’interdiction a été levée un an plus tard, grâce à Karpov qui s’est porté garant. En 1974, il a pris la décision d’émigrer, mais n’en a parlé à personne, pas même à sa femme et à son fils. À chaque fois qu’il se rendait en Europe de l’Ouest pour un tournoi, il emmenait des documents importants, des photographies et des livres. En 1976, pendant un tournoi à Amsterdam, il a de nouveau critiqué le régime lors d’une interview, et a réalisé que, cette fois-ci, ça ne passerait pas. Le lendemain matin, il s’est rendu au commissariat de police le plus proche et a demandé l’asile politique.
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Il n’a pas pu obtenir l’asile, mais on lui a remis un titre de séjour. Il a réussi à se rendre en Suisse et y a obtenu le statut de réfugié. Après cela, ses proches restés en URSS ont vécu de nombreuses privations et difficultés, ce que Kortchnoï avait réalisé déjà avant sa fuite : « Je pouvais facilement deviner que tout deviendrait beaucoup plus difficile pour mon fils. Mais des gens qui ont déjà vécu ça m’ont dit qu’il ne faut pas impliquer sa conscience quand on prend de telles décisions », expliquait le joueur d’échecs.
Son fils, Igor, a été expulsé de son école et appelé à l’armée, pour qu’il ne puisse jamais sortir du pays sous prétexte d’avoir eu accès à des « secrets militaires ». Igor l’a compris et n’a pas obéi. Il a donc été emprisonné et a passé deux ans dans un camp dans l’Oural. La femme de Viktor, Bella, a eu beaucoup de mal à vendre sa voiture : elle était enregistrée au nom de son époux et les documents ont été « perdus » lors de leur envoi depuis la Suisse. Kortchnoï a personnellement demandé à Leonid Brejnev de laisser partir sa famille, et s’est également adressé au président américain Jimmy Carter ainsi qu’au Pape. La situation ne s’est assouplie qu’en 1982 et les autorités leur ont enfin délivré une autorisation de sortie.
Lioudmila Belooussova et Oleg Protopopov se sont cachés dans les hôtels suisses
Fuite : septembre 1979, pendant une tournée en Suisse
En 1964 à Innsbruck, en Autriche le couple a offert à l’URSS sa toute première médaille d’or olympique pour le patinage artistique. La seconde récompense prestigieuse ne tardera pas et sera raflée quatre ans plus tard, aux Jeux olympiques de Grenoble*. Entre ces deux olympiades, ils ont remporté tous les titres possibles aux championnats d’Europe et du monde. La nouvelle de leur évasion a choqué tout le monde, même en Occident, car ils étaient membres du Parti, étaient considérés comme un modèle de patriotisme et étaient entourés d’attention et de l’amour du peuple. Ils possédaient de plus des biens comme un appartement trois pièces.
Pendant une tournée, le couple s’est rendu à la police de Zoug, en Suisse, non loin de Zurich. Selon eux, on leur a pris leur passeport soviétique à ce moment-là, puis on les a baladés d’un hôtel à l’autre. Avant de recevoir l’asile, personne, même les deux fugitifs, ne savait où ils se trouvaient exactement.
Ils ont pris leur décision dans les années 1970 après que le ministère du Sport soviétique se soit concentré sur les jeunes sportifs et que les légendes du patinage artistique soient entrées dans la catégorie de sportifs « âgés », ce qui signifiait moins d’opportunités pour eux. Les patineurs se plaignaient du fait qu’on voulait les mettre à la retraite ou qu’ils deviennent entraîneurs alors qu’ils étaient encore en forme et qu’ils voulaient continuer à patiner. Oleg Protopopov voyait une autre raison pour laquelle le pouvoir en place souhaitait mettre fin aussi grossièrement à leur carrière : « Ils avaient peur que, si on participe à d’autres Jeux olympiques, on reste à l’étranger. C’est un sacré coup bas ». Le couple n’était en outre pas satisfait de sa situation financière : en tournée, presque tous les revenus allaient à l’organisateur, la société soviétique Goskontsert. Ainsi, pour les 10 000 dollars gagnés au spectacle de New York, les patineurs n’en ont reçu que 53.
Ils ont attendu 16 ans avant de recevoir leur passeport suisse. Ils l’ont obtenu en 1995, après la chute de l’URSS. Ils ont plus tard voulu représenter la Suisse aux Jeux olympiques de 1998 de Nagano, au Japon. Âgés de plus de 60 ans, ils n’ont pas passé les qualifications.
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Aleksandr Moguilny a fui parce qu’il était pauvre
Fuite : mai 1989, pendant les championnats du monde en Suède
Le champion olympique et champion du monde de hockey sur glace n’avait que 20 ans quand il a appelé l’agent du club new-yorkais des Sabres de Buffalo pour lui demander de le faire sortir de Suède, où l’équipe de hockey sur glace soviétique venait de gagner les championnats du monde. Ce dernier a pris le premier vol pour la Suède et, le lendemain, a ramené le « meilleur joueur âgé de 20 ans au monde » aux États-Unis.
Moguilny a ensuite expliqué qu’il avait fait cela à cause des décisions politiques prises dans le sport : « J’ai vu comment ils traitent les sportifs plus âgés et ce qui m’attendait une fois que j’atteindrai cet âge. Une fois leur carrière terminée, il ne leur reste plus rien. Ça ne me convenait pas ». Il a ensuite expliqué que, chez lui, il était pauvre. « Je n’avais pas un sou. J’étais champion olympique, champion du monde et triple champion de l’URSS, mais je n’avais même pas un logement. Qui veut d’une telle vie ? ».
Les autorités soviétiques, de leur côté, ont mis ça sur le compte de la cupidité de Moguilny. Une fois aux États-Unis, il a signé un contrat de 630 000 dollars, s’est acheté une maison, une Rolls-Royce, et a mené une vie digne des plus grandes célébrités. Au sein de la ligue nationale de hockey, il a reçu le surnom d’Alexandre le Grand, est devenu le meilleur attaquant de la saison 1992-1993 ainsi que le premier joueur russe à devenir capitaine d’un club de la ligue.
Sergueï Nemtsanov a tenté de fuir par amour
Fuite : juillet 1976, pendant les Jeux olympiques de Montréal
Tous les réfugiés qui fuyaient l’URSS n’avaient pas une raison très claire. En 1976, Sergueï Nemtsanov, plongeur de 17 ans et champion de l’URSS, s’est retrouvé à l’origine d’un véritable scandale : alors qu’il se trouvait aux Jeux olympiques de Montréal, il s’est rendu au bureau d’immigration canadien qui se trouvait dans le village olympique pour demander l’asile politique.
Selon l’Union soviétique, Nemtsanov n’a pas été très bon aux Jeux et n’a pas été sélectionné en équipe nationale pour la compétition suivante, aux États-Unis. Bouleversé, il aurait succombé à la propagande occidentale et aurait accepté leur offre d’y rester. L’URSS a accusé le Canada et les États-Unis d’avoir enlevé Nemtsanov et de lui avoir « lavé le cerveau ». Les Soviétiques ont ensuite rencontré Nemtsanov sous la surveillance d’avocats canadiens et affirmé qu’il était pâle, avait le regard vitreux et ne cessait de répéter « J’ai choisi la liberté », comme un robot. Pendant ces mêmes jeux, quatre athlètes roumains ont également fui, mais tous les yeux étaient rivés sur cet « Apollon russe aux cheveux d’or ».
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Selon la presse occidentale, la vérité est tout autre : Nemtsanov serait tombé amoureux de Carol Lindner, plongeuse de l’équipe américaine, et aurait donc décidé de s’enfuir.
Le problème était qu’il n’était pas encore majeur et qu’il ne pouvait donc pas prétendre au statut de réfugié politique. Comprenant qu’ils avaient encore un peu de temps devant eux, les Soviétiques ont donc lancé une campagne pour l’inciter à revenir, nommée « Sergueï, reviens à la maison ! ». L’un des moyens de persuasion utilisés était un message audio de sa grand-mère, le suppliant de revenir et de ne pas la laisser seule. Cela a fonctionné et Sergueï a décidé de revenir. Les Canadiens l’ont accepté, à une condition : qu’il n’y ait pas de représailles.
Les Soviétiques ont honoré cette dernière, mais la carrière de Nemtsanov s’est terminée à ce moment-là. Il n’a plus été autorisé à quitter le pays et ses compatriotes ont commencé à le considérer comme un traître.
Dans cet autre article, nous nous intéressions au cas de ce footballeur de la Russie tsariste devenu un ennemi du Parti communiste.