Pourquoi les troupes britanniques ont-elles attaqué la Russie en 1918?

Le général britannique Frederick Poole, commandant les troupes alliées à Arkhangelsk jusqu'en octobre 1918, avec des cosaques. Plus tard, il a été stationné avec l'Armée blanche dans le sud de la Russie.

Le général britannique Frederick Poole, commandant les troupes alliées à Arkhangelsk jusqu'en octobre 1918, avec des cosaques. Plus tard, il a été stationné avec l'Armée blanche dans le sud de la Russie.

Domaine public
Les soldats de Sa Majesté ont combattu l'Armée rouge dans le nord et le sud de la Russie, en Asie centrale, dans le Caucase et en Extrême-Orient. Des batailles ont également eu lieu à Tsaritsyne, qui, quelques décennies plus tard, sera connue du monde entier sous le nom de Stalingrad.

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L'intervention des puissances de l'Entente en Russie au stade final de la Première Guerre mondiale n'a pas été causée par une haine du communisme (bien que celle-ci ait également été présente). La principale raison en est la politique des bolcheviks qui avaient pris le pouvoir et entrepris de sortir le pays de la guerre contre les Empires centraux.

Londres et Paris étaient horrifiés par la perspective d'un armistice entre la Russie soviétique et l'Allemagne, qui aurait entraîné le transfert immédiat de centaines de milliers de soldats de l'armée du Kaiser sur le front occidental. Ils pensaient donc pouvoir l'empêcher en soutenant les forces dites blanches qui s'opposaient au pouvoir des bolcheviks dans la guerre civile naissante. La plupart des dirigeants du mouvement blanc exprimaient quant à eux leur volonté de mener la guerre contre les Allemands jusqu'au bout, ce qui convenait aux Britanniques et aux Français.

Officiers polonais, britanniques et français inspectant un détachement de troupes polonaises du bataillon dit de Mourmansk avant leur départ pour le front. Arkhangelsk, 1919

Le 23 décembre 1917, la Grande-Bretagne et la France ont par conséquent conclu un accord pour intervenir conjointement en Russie et se répartir les sphères d'influence. Les premiers soldats britanniques ont débarqué dans ses ports du nord au printemps 1918, immédiatement après le traité de paix du 3 mars entre les Allemands et les bolcheviks à Brest-Litovsk. En outre, les troupes de Sa Majesté George V sont apparues dans le sud, en Transcaucasie, en Asie centrale et en Extrême-Orient. « J’imaginais la entrée brillante dans la capitale russe où les grandes-duchesses seraient sauvées de la révolution », écrira plus tard un major britannique.

Anton Denikine, commandant en chef des Forces Armées du Sud de la Russie, et le major général britannique Frederick Poole

Les dirigeants britanniques ne prévoyaient toutefois pas une participation à grande échelle de leurs troupes à la guerre civile. Ils devaient soutenir leurs alliés blancs, mais essayer de le faire avec peu d'effusion de sang. L'ambiguïté de la tâche a engendré la confusion parmi les troupes. Bob Vincent, du Royal Yorkshire Regiment, qui a servi un an dans le sud, a témoigné : « je n’ai jamais vraiment rencontré de Russes, et je n'avais aucune idée de la raison pour laquelle j'étais là ».

Arrivée des troupes britanniques à Arkhangelsk

Les interventionnistes étaient principalement engagés dans l'organisation et la formation de groupes antibolchéviques. Ainsi, avec leur aide, dans le nord du pays, les légions carélienne et slavo-britannique ont été établies, ainsi que la légion de Mourmansk, composée de soldats de l'Armée rouge faits prisonniers. Dans le sud de la Russie, des officiers britanniques donnaient des cours d'artillerie et de conduite de chars. Les Britanniques étaient également stationnés au quartier général du « gouverneur suprême de la Russie », l'amiral Koltchak, en Sibérie.

Britanniques arrivés à bord du croiseur HMS Ajax dans le port d'Odessa pour l'évacuation de la ville

Lire aussi : L’amiral Koltchak, véritable patriote ou agent britannique?

L'approvisionnement par Londres en armes et en munitions a été d'une grande aide pour les armées blanches. Les Forces Armées du Sud de la Russie du général Anton Denikine ont reçu à elles seules des équipements pour près d'un demi-million d'hommes (bien que ses troupes n'aient pas dépassé 300 000 membres), 1 200 pièces d'artillerie, 6 100 mitrailleuses, 200 000 fusils, 74 chars, etc.

Membres de la légion slavo-britannique

Des affrontements entre les Britanniques et l'Armée rouge se sont néanmoins produits de temps à autre. Le 9 octobre 1918, les premiers ont capturé la station de Douchak, dans l'actuel Turkménistan, et ont chassé les troupes bolchéviques. Pendant quatre jours, en novembre de la même année, les Britanniques, les Canadiens et les Américains se sont en outre défendus avec succès contre les forces rouges près du village de Toulgas, dans le nord de la Russie, perdant au passage plus de trente hommes. Des pilotes britanniques de chars et d’avions ont aussi participé à la prise de Tsaritsyne (la future Stalingrad et actuelle Volgograd) au cours de l'été 1919.

Intervention dans le nord de la Russie. Restes d'un train blindé à Mourmansk en septembre 1919

À la fin de l'année 1918, les objectifs initiaux de l'intervention ont cependant perdu leur pertinence. Les craintes de Londres concernant la paix germano-soviétique et le déplacement des troupes du Kaiser vers l'ouest ne s’étaient pas concrétisées – les Allemands se sont enlisés dans les fragments de l'ancien Empire russe et n’ont pas été en mesure de saisir l'opportunité qui s’était présentée. La conclusion de l'armistice de Compiègne le 11 novembre 1918, qui signifiait la quasi-défaite de l'Allemagne, a alors soulevé la question de l'intérêt de la présence de soldats britanniques dans ce pays lointain et froid. « Il est tout simplement scandaleux de se battre maintenant dans de telles conditions alors que la paix règne sur les autres fronts », écrivit un ingénieur militaire britannique.

Char britannique Mark V

En fait, l'intervention s'est poursuivie dans le seul but de combattre le bolchévisme, ce qui a entraîné un mécontentement croissant dans la société britannique. En janvier 1919, une campagne massive « Bas les pattes de la Russie » a d’ailleurs été lancée par les socialistes, tandis que le Daily Express a sorti un numéro avec le slogan « Les plaines gelées de l'Europe de l'Est ne valent pas les os d'un seul grenadier ».

Britanniques devant le consulat lors de l'intervention militaire en Russie

Le principal défenseur du maintien de l'intervention à la tête de la Grande-Bretagne restait le ministre de la Guerre Winston Churchill, farouchement anticommuniste, qui déclarait que le bolchévisme n'est « pas une pensée politique mais une maladie ». La presse qualifiait ouvertement l'implication britannique dans les affaires russes de « guerre privée de M. Churchill », mais même lui s’est révélé impuissant lorsque, à l'automne 1919, les Forces Armées du Sud de la Russie ont été défaites près de Moscou et que les espoirs de victoire du Mouvement blanc dans la guerre civile ont commencé à s'évanouir comme de la fumée.

Winston Churchill

Les forces britanniques, comme celles des autres puissances de l'Entente, ont finalement progressivement été retirées de Russie. Londres n’a reconnu officiellement l'URSS qu'en 1924, mais dès novembre 1920, David Lloyd George a entamé des négociations secrètes avec le gouvernement bolchévique sur la possibilité de reprendre les relations commerciales, comprenant qui étaient désormais les véritables dirigeants de facto du pays.

Dans cet autre article, nous vous relations comment les États-Unis se sont ingérés dans la guerre civile russe.

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