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L'Iran ne comptait pas participer à la Première Guerre mondiale. Affaibli par des conflits politiques internes, des problèmes économiques, des révoltes et des troubles constants, le pays voulait rester à l'écart du conflit entre l'Entente et les puissances centrales.
Cependant, la position stratégique de l'Iran était trop importante pour que sa volonté de neutralité soit prise en compte par les belligérants. La forte influence que la Russie et la Grande-Bretagne possédaient dans ce pays ne convenait pas du tout aux Empires ottoman et allemand, qui comptaient bien évincer leurs rivaux de la région.
Les troupes britanniques à Hamadan, l'une des principales villes d'Iran
Domaine publicIstanbul était particulièrement préoccupé par les troupes russes stationnées dans la partie nord-ouest de l'Iran (le soi-disant Azerbaïdjan iranien). Elles avaient été introduites par le tsar pour protéger les sujets russes pendant la guerre civile dans ce pays en 1909 et, malgré les appels répétés du gouvernement iranien, elles s’y trouvaient toujours au début de la guerre mondiale. En octobre 1914, les Turcs ont donc fait savoir aux Iraniens que dans ces circonstances, ils ne pourraient pas respecter leur neutralité.
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Entré dans la guerre mondiale le 2 novembre de la même année, l'Empire ottoman a ouvert les hostilités contre les Russes non seulement dans le Caucase, mais aussi en Perse. Début de 1915, les Turcs réussirent à s'emparer de la majeure partie de la province ainsi que son centre, Tabriz. L'ennemi a ainsi obtenu un accès direct aux champs pétrolifères de l'Azerbaïdjan russe.
Conscients du danger, les Russes ont presque immédiatement lancé une contre-offensive, forçant les troupes de l'Empire ottoman à se retirer. Une guerre de positions a commencé. L’Iran a été contraint d’adopter une attitude attentiste, s’efforçant de ne pas s’impliquer en faveur de l’un ou l’autre des belligérants.
N'ayant pas réussi à obtenir de succès militaire, les Turcs (et avec eux les Allemands) ont recouru à la propagande et à l'espionnage. Ils ont commencé à susciter des sentiments antirusses et antibritanniques au sein de la population locale, appelant à une « guerre sainte » contre les deux empires opprimant l'Iran et à exhortant à lutter pour la libération de leur « tutelle ». Des officiers du renseignement turc et allemand, ainsi que des caravanes avec des armes et des munitions ont commencé à s'infiltrer secrètement dans le pays, et des contacts ont commencé à s'établir avec le clergé chiite et les chefs des tribus locales.
Le principal levier d'influence des Allemands en Iran était les unités de la gendarmerie locale, créées par le Shah sur le modèle européen avec l'aide de la Suède. Fait non négligeable, les officiers suédois qui les commandaient avaient été recrutés par l'Allemagne avant la guerre. Il est intéressant de noter que des détachements de cosaques persans, établis à travers la Russie et subordonnés à des officiers russes au service du Shah, servaient de contrepoids aux gendarmes.
La brigade cosaque persane
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Le renseignement des puissances centrales était également actif dans le sud de l'Iran, où les troupes de Sa Majesté ont débarqué en octobre 1914. Les Britanniques ont justifié cette violation de la neutralité de l’Iran par la volonté de sécuriser les champs pétrolifères exploités par l'Anglo-Persian Oil Company, dont la majorité des actions appartenait au gouvernement britannique.
En raison des activités des agents allemands et turcs, l'influence des puissances centrales en Iran s'est considérablement accrue. Des détachements de guérilla et de sabotage ont été créés sous la direction de leurs instructeurs. La gendarmerie s’est ouvertement rangée du côté des opposants à l'Entente et s’est lancée dans des affrontements avec les cosaques de Perse. L'Empire ottoman, ayant déjà violé la neutralité iranienne, n'a cependant pas osé y déployer des troupes à grande échelle. Istanbul et Berlin ont essayé de persuader le Shah d’épouser leur cause par la pression diplomatique et grâce à leurs agents au sein du gouvernement du pays.
La rapide montée en puissance des sentiments antibritanniques et antirusses indiquait que cet espoir pourrait bientôt se réaliser. Comme l'un des officiers russes déployés en Perse, Alexeï Emeianov, l'a rappelé, dans les sermons des imams locaux, on entendait souvent les mots suivants : « Les sunnites turcs ont déjà levé leur épée contre la croix... Chiites, c'est à vous ! Les peuples asservis ont un ami - le peuple allemand… L'Islam a un défenseur devant Allah - le prophète, et sur les terres mécréantes – l’empereur allemand ».
Attirer l'Iran à leurs côtés n'était qu’un début pour Berlin et Istanbul. Envoyant leurs agents et détachements militaires en Afghanistan et dans le nord-ouest de l'Inde, ils se sont également efforcés d'y allumer la flamme de la guerre de libération nationale, en poussant les musulmans locaux à combattre les « infidèles ».
Nikolaï Baratov
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Réalisant qu'à la suite des activités des Turcs et des Allemands, une immense région était sur le point de s’embraser, les Alliés de l'Entente sont passés à l’action. En octobre 1915, le corps expéditionnaire russe du général Nikolaï Baratov a débarqué dans le port iranien d'Anzali, sur la Caspienne - environ 8000 hommes avec 20 canons.
Le corps expéditionnaire avançait rapidement vers le sud du pays, vainquant les gendarmes perses, ainsi que les forces pro-allemandes et pro-turques. Inférieur en nombre à l'ennemi (rien que les gendarmes étaient plus de 7000), il parvient à vaincre en prenant l’ennemi de vitesse et grâce à l’effet de surprise. Le Shah est resté neutre, mais s'il avait décidé (ou avait été forcé) de déclarer la guerre à l'Entente, Baratov aurait reçu l'ordre « d'occuper Téhéran afin de consolider les positions politiques de la Russie en Perse ».
Les troupes russes à Ispahan
Domaine publicEn décembre 1915, un détachement du Khorasan d'un millier d’hommes est entré en Iran depuis les possessions de la Russie en Asie centrale. Rejoignant les troupes britanniques, il a rattrapé et éliminé les groupes germano-turcs qui tentaient de percer en Afghanistan.
Au printemps 1916, le gros des forces pro-allemandes et pro-turques en Iran avaient été soit détruites, soit forcées de passer en territoire ottoman. Le corps de Baratov est entré en Mésopotamie (Irak), qui appartenait à l'Empire ottoman, pour rejoindre les forces britanniques. À la demande des alliés, qui subissaient une forte pression des troupes turques près de Bagdad, Baratov a envoyé une unité dirigée par Vassili Gamali pour mener un raid sur l'arrière de l’ennemi. Après avoir parcouru plus de mille kilomètres dans une chaleur insupportable, elle a distrait l'attention de l’adversaire, ce qui a permis aux Britanniques de gagner du temps et de faire arriver des renforts.
Officiers britanniques et russes en Mésopotamie, 1916
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En novembre de la même année, les troupes russes ont secouru le régime du dirigeant iranien, Ahmad Shah Qajar, lorsqu'un soulèvement contre son régime a commencé à Téhéran. Le souverain a alors trouvé refuge dans l'ambassade de Russie.
En 1917, le corps expéditionnaire était censé participer à une campagne conjointe avec les Britanniques contre Mossoul, mais la révolution de Février qui avait éclaté en Russie a annulé ces plans.
La soi-disant « démocratisation de l'armée » (abolition du commandement unipersonnel) lancée par le nouveau gouvernement a conduit à son effondrement rapide, ce qui ne pouvait qu'affecter les soldats de Baratov en Perse. Après la révolution d'Octobre et le retrait du pays de la guerre, il n'y avait plus de troupes russes dans la région.
La Russie ayant perdu toute influence en Iran, la Grande-Bretagne est devenue la seule puissance étrangère significative sur place. Bientôt, ses garnisons sont apparues dans la partie nord du pays, qui appartenait autrefois à la sphère d’influence de la Russie.
En 1920, la Russie (désormais soviétique) est revenue en Iran. Après avoir débarqué au port d'Anzali et vaincu les troupes britanniques qui y étaient stationnées, les bolcheviks ont soutenu l'un des soulèvements qui avaient éclaté contre le régime du Shah, espérant ainsi soviétiser le pays. Cette aventure s'est toutefois soldée par un échec.
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Un peu plus de 20 ans plus tard, les Russes et les Britanniques agiraient à nouveau en tant qu'alliés en Iran. Pendant la Seconde Guerre mondiale, en août-septembre 1941, les deux États ont mené conjointement l'opération Consentement, à l’issue de laquelle ils ont temporairement occupé une partie du pays et renversé le Shah pro-allemand Reza Pahlavi.
La Russie et l’Iran sont-ils des alliés ? Trouvez la réponse dans cette publication.
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