Russia Beyond désormais sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr
Environ un million de femmes soviétiques ont participé à la Seconde Guerre mondiale. Elles travaillaient dur à l'arrière, évacuaient les blessés du champ de bataille, étaient tireurs d'élite, pilotes des bombardiers et combattaient même dans des équipages de chars. Mais seule une femme dans toute l'Union soviétique a réussi à devenir commandant d'un peloton de fusiliers marins. Voici son histoire.
« Je voulais montrer aux hommes que je pouvais combattre aussi bien, voire mieux qu'eux », a raconté Evdokia Zavaliy de nombreuses années après la guerre. Cependant, le chemin de la jeune Ukrainienne n'a pas commencé parmi les fusiliers marins, loin de là.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté en Union soviétique, Evdokia, surnommée Doussia, n'avait que quinze ans. Plusieurs fois, elle s'est rendue au bureau d’enrôlement militaire pour être envoyée au front, mais à chaque fois elle a essuyé un refus. Ce n'est que lorsque l'ennemi s'est approché de son village natal, Novy Boug (Ukraine), qu’une unité de l'Armée rouge battant en retraite l'a emmenée avec elle.
Pendant que Zavaliy servait comme infirmière, elle a réussi à recevoir l'Ordre de l'Étoile rouge pour avoir sauvé le commandant blessé sur le champ de bataille, ainsi que pour sa première blessure grave reçue lors de la traversée du Dniepr. Bientôt, son destin allait basculer.
>>> Un regard féminin sur la IIe Guerre mondiale: dix photos prises par des femmes soviétiques au front
Des représentants des fusiliers marins se sont rendus dans son unité pour reconstituer leurs troupes. Zavaliy a attiré leur attention. Cheveux courts, parée d'une tenue standard, Doussia ne différait en rien de ses confrères masculins. Après avoir lu dans ses documents : « Sergent principal Zavaliy Evdok. » (son prénom avait été abrégé à l'hôpital), un fusilier a pensé qu’elle s’appelait Evdokim, la version masculine de son prénom. La jeune fille n’a pas cherché à le convaincre du contraire et une demi-heure plus tard, elle partait pour le Caucase du Nord afin de combattre au sein des fusiliers marins.
« J'ai réussi à tenir pendant environ un an. Personne n'a deviné quoi que ce soit, s’est souvenue Evdokia. J'ai immédiatement été reconnue comme le "camarade Evdokim". Après avoir capturé un officier allemand près de Mozdok, j'ai été envoyée dans une unité de renseignement, et je suis rapidement devenue commandant ».
Au cours des combats près de la gare de Krymskaïa, dans le Kouban (sud de la Russie), la vérité sur le « camarade Evdokim » a néanmoins éclaté. Lorsque le commandant de l'unité a été tué et que les soldats étaient quelque peu désemparés, Zavaliy a pris la situation en main. Se soulevant de toute sa taille, elle a crié : « Compagnie ! Écoutez-moi ! Suivez-moi! », avant de poursuivre l’assaut. Une grave blessure reçue au cours de cette bataille a mis fin à son secret.
À la surprise de Doussia, aucune mesure disciplinaire n'a été adoptée à son encontre : « Personne n’a pipé mot ». Comme « Evdokim » avait déjà acquis une grande autorité parmi les soldats, Evdokia n’a pas été renvoyée à son poste d'infirmière. Bien au contraire : après le traitement, elle a suivi une formation de six mois destinée aux sous-lieutenants. À son retour, elle a été nommée commandant de peloton d'une compagnie de mitrailleurs au sein de la 83ème brigade de fusiliers marins.
La petite femme fragile avait sous ses ordres cinquante hommes puissants qui lui obéissaient au doigt et à l’œil. Les combattants des autres unités affichaient au départ une attitude ironique envers ce peloton dirigé par une femme, mais, voyant à quel point elle était courageuse dans la bataille et avec quelle efficacité elle commandait ses hommes, ils ont commencé à appeler respectueusement son peloton la « Garde Douskinienne » (en allusion à son surnom, ndlr).
>>> Pourquoi des «bataillons de la mort» féminins virent le jour pendant la Première Guerre mondiale
Au cours de la grande opération de Kerch-Eltingen en Crimée à l'automne 1943, les combattants de son peloton ont pu prendre pied sur une tête de pont malgré l’ouragan du feu ennemi et assurer le débarquement du gros des forces. Vinrent ensuite des combats très durs mais héroïques pour Sébastopol, Balaklava et Kertch.
« Le peloton commandé par le lieutenant Evdokia Zavaliy était constamment à la pointe des opérations de la brigade, et se trouvait en première ligne lorsque les fusiliers marins ont attaqué, se souvient Alexandre Kouzmitchev, commandant des mitrailleurs de la 83ème brigade de fusiliers marins : Ils ont été envoyés dans les zones les plus difficiles ».
Tourmentés par les assauts incessants du peloton d'Evdokia, les Allemands l’ont surnommée « Frau Mort noire » et ses combattants « commissaires noirs ». « Les vestons noirs créaient toujours chez eux une terreur mortelle. Rapidité, insolence et intrépidité : mes gars étaient des têtes brûlées. Mais quand les Fritz ont appris que parmi eux il y avait une femme, au début ils ne pouvaient pas y croire, puis ils ont cherché à avoir ma peau », a expliqué Zavaliy.
Lors de la traversée de l'estuaire du Dniestr près d'Odessa en août 1944, elle s'est détachée de ses combattants et, refoulée par une onde de choc, a perdu connaissance. Au réveil, elle a vu les Allemands marcher dans le champ et achever les soldats soviétiques blessés. « J'ai senti qu'ils s'approchaient de moi, j'ai retenu mon souffle et soudain, une vive douleur a retenti dans ma jambe. Un nazi m'avait transpercée avec une baïonnette, pour vérifier si la "russische frau" était bien morte. Miraculeusement, je ne me suis pas trahie, mais à l'aube, lorsque nos bataillons ont nettoyé la rive ouest de l'estuaire du Dniestr des nazis, les habitants m'ont trouvée baignant dans mon sang », se souvient Zavaliy. La brigade la considérait déjà comme morte.
En février 1945, lors des combats pour Budapest, le peloton d'Evdokia, passant par un égout rempli d'eaux usées, s'empare du bunker d’un commandement allemand, prenant l'ennemi par surprise. Au début, le général allemand ne pouvait pas croire qu'une femme commandait les fusiliers, et se sentit offensé. Mais voyant Evdokia, surpris, il lui tendit son Walther.
Durant ces mêmes combats pour la capitale hongroise, l'un de ses combattants, Vania Possevny, qui, alors qu'il venait d’intégrer le peloton, avait dit avec mépris : « Pas envie d’obéir à une gonzesse ! », lui a néanmoins sauvé la vie en la protégeant avec son corps d'un tir de sniper.
>>> Ces femmes soviétiques qui ont grandement contribué à vaincre le nazisme
Evdokia Zavaliy rejetait avec indignation toute possibilité d'une vie sentimentale pendant la guerre : « Si la moindre réflexion avait surgi à ce sujet, tout était fini - il n'y aurait plus eu ni peloton, ni commandant. J'étais un homme pour eux, et nous n'avions pas le temps, nous, les fusiliers, de conter fleurette ».
Néanmoins, elle est toujours restée une femme, malgré des conditions si difficiles et sa responsabilité pour des dizaines de vies. « Au front, je cachais mes larmes sous une tente-manteau pour que, Dieu ne plaise, personne ne me voie et ne me soupçonne de faiblesse, se souvient Evdokia. Je n'avais tout simplement pas le droit d'être faible, d'avoir peur. Mais j’avais tout de même peur... des rats. C’était plus fort que moi, les rats étaient pires pour moi que les Allemands - ils étaient affamés, ils se jetaient sur votre visage la nuit, mâchaient vos talons ».
Ayant reçu quatre ordres militaires et des dizaines de médailles, Evdokia est devenue citoyenne d'honneur de huit villes européennes. En raison de ses nombreuses blessures, elle renoncé à poursuivre sa carrière militaire et a été démobilisée en 1947.
« Après la guerre, j'ai encore attaqué pendant longtemps dans mes rêves. Je criais tellement fort que mes voisins avaient une peur bleue », se souvient-elle. Evdokia Zavaliy est décédée le 5 mai 2010 à l'âge de 85 ans, soit quelques jours seulement avant la célébration du 65e anniversaire de la Victoire. Elle était la dernière survivante de son peloton de mitrailleurs de la 83ème brigade de fusiliers.
Dans cette autre publication découvrez les portraits d'impératrices russes.
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.