Les quatre grandes questions philosophiques qui obsèdent le peuple russe

Vasily Perov, 1872
Les Russes, avec leur penchant pour l'autoréflexion et leur quête de sens, étaient voués à dévoiler des vérités philosophiques grandioses. Mais fut-ce effectivement le cas? Regardez ce qui en est sorti.

1. «Nous n'appartenons ni à l'Ouest ni à l'Est : nous sommes un peuple exceptionnel»

Cette conclusion est venue d'un ami proche d'Alexandre Pouchkine et membre conseil d'administration des maçons de Russie - Piotr Tchaadaïev. Certes, pour ces mots, il fut immédiatement déclaré fou sur ordre personnel de Nicolas Ier. Chaque jour, un médecin se rendait chez le philosophe pour l’examiner. Tchaadaïev a passé une année en résidence surveillée et, après la levée de la surveillance, il lui était toujours interdit d'écrire quoi que ce soit.

Mais l'idée de l'exclusivité russe était lancée. Tchaadaïev lui-même l'a tirée d’un contexte négatif : il a beaucoup critiqué la Russie et estimait que le pays n'existait que pour « donner au monde une leçon importante ». Mais très vite, des philosophes et des idéologues ont considéré l’exceptionnalisme russe comme une grande mission. La Russie a sa propre voie, c'est un type de civilisation spécial, croyaient-ils.

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Quoi qu’il en soit, l’idée de la voie russe, apparue en 1836, a fait son chemin pendant des siècles. Même maintenant, elle reste extrêmement populaire.

2. «Soyez bons et ne résistez pas au mal par la violence»

Léon Tolstoï, l'un des écrivains les plus célèbres de la planète, a excellé en matière de philosophie. Il était, comme on le dirait maintenant, pacifiste : il croyait que seul l'amour sauverait le monde et que le mal ne serait jamais vaincu par le mal. Et s'il n’avait pas pris ces sermons sur l'amour universel dans un sens un peu trop littéral, personne n'y aurait prêté attention.

Cependant, les choses sont allées trop loin. Tolstoï a commencé à nier le concept d'État, considérant que tout pouvoir était diabolique. Il était contre la violence, et proposait un moyen non-violent d'abolir l'État – il appelait tout le monde à refuser de s'acquitter de ses obligations citoyennes et étatiques. Il n’acceptait pas non plus le christianisme sous la forme dans laquelle l'Église russe le professait. Il a créé sa « vraie religion » et a distribué des brochures contenant sa description. Pour cela, il a été excommunié.

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Ses croyances avaient de nombreux admirateurs parmi les masses. Certains refusaient le service militaire et détruisaient des armes. Certains ont commencé à vivre dans des communautés agricoles. Mais presque tous les adeptes ont finalement été confrontés à un même problème - de sévères répressions.

3. «Il y a deux questions éternelles en Russie: "À qui la faute?" et "Que faire?"»

Certaines conclusions des philosophes russes n'ont abouti qu'à la formulation de nouvelles questions plus fondamentales. Comme, par exemple : « À qui la faute ? » et « Que faire ? ». Le philosophe Alexander Herzen a pris la première pour titre d’un de ses ouvrages ; le philosophe Nikolaï Tchernychevski - la seconde.

Dans le même temps, Tchernychevski a essayé de donner une réponse, mais il n'est resté célèbre pour toujours que comme l'auteur de la question, et Herzen n'a même pas essayé d'y répondre. Paradoxalement, cela suffisait à décrire l'essence de la mentalité russe : les Russes accordent toujours plus d'importance à la recherche de réponses aux principales questions « éternelles ». Même s’il ne peut tout simplement pas y avoir de bonne réponse.

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Par exemple, Vladimir Lénine est allé sur les traces de Tchernychevski. Il aimait son roman et donna sa réponse : il faut faire une révolution. Cependant, au fil du temps, il s'est avéré que la révolution ne convenait pas non plus.

4. «L'homme n'a pas besoin de bonheur, mais de souffrance»

Fiodor Dostoïevski n'a évité aucune souffrance. Il souffrit d'épilepsie, de pauvreté, de solitude, a été condamné à mort mais s’en est sorti avec des travaux forcés. Ironiquement, c'est lui qui est devenu le principal promoteur de la souffrance en tant que moyen de salut de l'âme.

Dostoïevski ne croyait pas à la révolution. Il estimait que le mal était enraciné non dans le système étatique, mais dans la nature humaine. « L'homme est un mystère. Il doit être résolu », a-t-il estimé. Mais il finit par conclure que l'homme n’était pas un être prudent qui devrait raisonnablement rechercher le bonheur, mais un être irrationnel avec un besoin inné de souffrance. Parce que c'est ainsi que la conscience apparaît, que les gens se tournent vers Dieu et sont purifiés, croyait-il. Comme le disait Raskolnikov dans Crime et Châtiment : « Il me semble que les personnes vraiment formidables doivent ressentir une grande tristesse dans le monde ».

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