Efficace et cruel: comment est né Smerch, le contre-espionnage militaire de Staline

Wikipedia
Il y a 75 ans, Joseph Staline créait un nouveau service spécial qui s'est avéré extrêmement efficace pour tromper les agents allemands, mais reste tristement célèbre pour le meurtre d'innocents. Voici l'histoire de Smerch.

Le 19 décembre 1954, un officier de 46 ans accusé de trahison a été exécuté à Leningrad, après des mois de torture par le KGB. Comme le rappelait le bourreau, quelques secondes avant de rendre son dernier souffle, l'officier cria: « Je rapporterai tout au Politburo! (le plus haut organe du Parti communiste, de facto - le gouvernement) Tout! ».

Mais il n'en eut pas l'occasion. Viktor Abakoumov, qui fut à la tête de Smerch, l'organisation de contre-espionnage la plus efficace de la période de guerre entre 1943 et 1946, fut jugé et exécuté pour un crime qu'il n'avait pas commis et oublié comme beaucoup d'autres figures autrefois puissantes. 

Viktor Abakoumov

Mais il y eut des moments où lui et Smerch jouèrent un rôle déterminant dans la vie et la mort de millions de personnes.

Lire aussi : Orchestre rouge : un réseau d’informateurs soviétiques dans l’Allemagne nazie

Mission cruciale, nom fantaisiste

Smerch est né en avril 1943 après que Staline eut décidé qu'il était vital d'avoir une faction de contre-espionnage militaire pour l'armée, différente des organes de sécurité de l'État. Comme Valéry Khristoforov, un expert de l'Institut russe d'histoire au sein de l'Académie russe des sciences, l'a déclaré à l'agence RIA Novosti dans une interview : « La démarche visait à améliorer la circulation de l'information. Abakoumov transmettait les documents les plus importants directement à Staline ».

À l'époque, les efforts de contre-espionnage étaient cruciaux pour assurer l'avancée de l'Armée rouge vers l'ouest. « L'armée devait libérer les territoires [occupés] où les Allemands laissaient leurs agents. De plus, ils devaient s'occuper des Allemands capturés, savoir qui parmi les Soviétiques avait été capturé et pourquoi, s'il y avait des traîtres... », a déclaré l'historien Alexander Zdanovitch à la chaîne de télévision Zvezda.

Staline en personne aurait donné le nom de la nouvelle organisation. Smerch signifie SMERt CHpionam (littéralement - Mort aux espions). La première option était SMERNECH - SMERt NEmetskim CHpionam (Mort aux espions allemands) - mais le leader soviétique a décidé qu'il était important de souligner que la nouvelle structure éliminerait tous les espions.

Nettoyer les rangs... brutalement

Abakoumov, qui servait fidèlement et impitoyablement Staline, agissait avec efficacité. Selon les informations officielles, pendant la guerre, le Smerch a neutralisé plus de 30 000 agents d'Hitler et plus de 3 500 saboteurs. Le maréchal allemand Wilhelm Keitel a déclaré lors du procès de Nuremberg que « les services secrets allemands n'avaient pas réussi à mener les opérations militaires pendant toute la guerre ». Smerch avait déployé d'intenses d'efforts dans ce sens.

Dans le même temps, une partie de la société russe reproche à Smerch d'avoir massacré des innocents. En 2013, le politicien libéral Leonid Gozman a comparé Smerch aux SS d'Hitler : « Cette organisation n'était pas moins meurtrière... Je ne sais pas combien de personnes ils ont abattu, combien ils en ont mis dans les camps », a-t-il dit. Cette déclaration a suscité de virulents débats dans la société.

En effet, beaucoup de personnes arrêtées par Smerch n'avaient rien à voir avec l'espionnage, les c'étaient simplement des déserteurs, des hommes qui se blessaient volontairement par peur d'aller au front ou des éléments « politiquement peu fiables ». C'est ainsi qu'Alexandre Soljenitsyne, futur écrivain et dissident célèbre, a été envoyé au goulag en 1945 - Smerch avait lu les lettres dans lesquelles il critiquait Staline.

Trois espions soviétiques fictifs basés sur des héros bien réels

Controverse

Même selon les statistiques du Smerch, le nombre de personnes arrêtées (594 000) a sérieusement dépassé le nombre d'agents allemands. Comme l'a rappelé le colonel Alexander Lebedintsev, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale, dans un entretien avec le quotidien russe AiF, « de nombreux officiers du Smerch n'ont pas attrapé un seul espion pendant la guerre. Malheureusement, ils se sont concentrés sur beaucoup d'autres, surtout ceux qui se tiraient eux-mêmes dessus pour ne pas aller au front ».

D'un autre côté: « Statistiquement, le Smerch a perdu autant d'officiers que l'Armée rouge », a déclaré Valéry Khristoforov. Quatre officiers du Smerch sont devenus des héros de l'Union soviétique - à titre posthume.

Missions spéciales

En plus d'emprisonner les espions et les déserteurs, le Smerch n'épargna aucun effort pour tromper les Allemands. « [En 1943] Staline a insisté sur le renforcement des opérations de désinformation, a déclaré Zdanovitch. Smerch a mené 183 opérations de ce type pendant la guerre ». Certaines étaient à haut risque, comme celle consistant à envoyer l'agent soviétique Alexandre Kozlov derrière les lignes allemandes. L'agent est entré dans l'école d'espionnage, désinformant les Allemands sur beaucoup de sujets importants.

Lorsque l'Armée rouge entra à Berlin en mai 1945, Smerch s'efforça de capturer Adolf Hitler. Ils ont échoué - le nazi n°1 s'est suicidé - mais le travail de Smerch a aidé à démystifier d'autres rumeurs concernant le fait qu'il aurait survécu (ce sont eux qui ont retrouvé des fragments de ses os).

Fin sans gloire

Après la fin de la guerre, Smerch a été dissous - sa mission était accomplie. Abakoumov est monté en grade, devenant ministre de la Sécurité d'état en 1946, mais pas pour longtemps. Vaincu dans la lutte au sein des élites du parti, il fut arrêté en 1951 sur ordre de Staline et exécuté trois ans plus tard par ses successeurs. Il n'a jamais reconnu sa culpabilité même sous la torture mais, comme cela arrivait souvent dans ce genre de cas, cela n'a servi à rien. Le patron de Smerch a disparu, tout comme l'ensemble de l'organisation.

Prenez en outre connaissance des quatre opérations les plus impressionnantes du maître-espion de Staline.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies