Comment le peuple de l'URSS se moquait de ses leaders

Boris Klepinitser/TASS
Cent ans après la Révolution d'Octobre de 1917, Russia Beyond commémore les meilleures et les plus courageuses plaisanteries racontées par les Russes au sujet de leurs (habituellement) sacrosaints dirigeants.

Les années qui ont suivi la Révolution d'Octobre de 1917 ne se prêtaient pas vraiment aux plaisanteries - cependant, cela n'a pas empêché les Russes d'en dire. En dépit de la répression liée à la guerre civile et d'une atmosphère paranoïaque qui pouvait avoir des conséquences fatales pour quiconque racontait une mauvaise blague, la satire politique russe a persévéré. 

Lénine l'inébranlable

En tant qu'intellectuel communiste passionné, le grand héros de la révolution, Vladimir Lénine, était généralement représenté dans les plaisanteries comme profondément sérieux et borné dans sa ferveur idéologique. Pour capturer cela, de nombreuses blagues de la révolution mettaient en scène des conversations fictives entre Lénine et le leader fanatique de la Tchéka (police secrète) Felix « de fer » Dzerjinski. Le fait que Dzerjinski, le « révolutionnaire professionnel », soit toujours du mauvais côté du zèle idéologique de Lénine tournait en dérision l'approche inflexible de Lénine du communisme et son incapacité à être satisfait :

Lénine approche de Dzerjinski et dit : « Felix, par amour de la révolution, tu sauterais par la fenêtre ? ». « Bien sûr », répond Dzerjinski, et il saute par la fenêtre. Lénine descend les escaliers, sort dans la rue, et regarde Dzerjinski allongé sur le sol, indifférent. « Felix de fer c'est ça ? Pathétique ! »

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En tant que principale figure de proue de la révolution, Lénine était également critiqué pour toutes les faiblesses idéologiques du communisme soviétique. Par exemple :

« Vladimir Ilitch, qu'est-ce qu'une économie socialiste ? » « Eh bien, Felix Edmoundovich, dites-moi s'il vous plaît, avez-vous les jambes poilues ? » « Oui, elles sont poilues ». « Très poilues ? » « Très poilues ». « Bon. Eh bien, alors vous n'aurez pas besoin de manteau d'hiver ».

Filant le thème des déficits en tout genre, il était également été populaire à l'époque soviétique de montrer sous un angle satirique la liste toujours croissante des mantras idéologiques qui souvent envahissaient la conversation régulière. Cette plaisanterie, par exemple, suggère que les slogans révolutionnaires sont arrivés aussi loin que les communautés Tchouktches dans l'extrême nord-est de la Sibérie, qui continuaient à souffrir dans des conditions très dures après la révolution, tout comme auparavant :

Un représentant des Tchouktches se tient devant le Congrès. « Camarades! Avant la grande révolution socialiste d'Octobre, nous, les Tchouktches, avions deux sentiments : la faim et le froid. Maintenant, nous ressentons trois sentiments : la faim, le froid et une satisfaction profonde ! »

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Lénine l'immortel

Bien que la création du « culte de la personnalité » soit généralement attribuée à Staline, le symbolisme révolutionnaire est toujours resté un élément clé dans l'esthétique soviétique, le culte de Lénine étant perpétué en proportion égale. Même si les citoyens soviétiques pouvaient avoir des ennuis en racontant des plaisanteries, beaucoup ont été assez courageux pour se moquer du chef suprême lui-même et de son omniprésence dans la société soviétique, même longtemps après sa mort. Cette plaisanterie, par exemple, donne un double sens à la pièce de Tolstoï Le cadavre vivant :

« Aujourd'hui, nous allons au théâtre pour voir +Le cadavre vivant+ ! » « J'en ai marre, tout est toujours à propos de Lénine ! »

Cette plaisanterie faisait également allusion aux conséquences graves du simple fait de se moquer de Lénine, en dépit du fait qu'il soit mort longtemps...

Lors du concours pour la meilleure plaisanterie politique en l'honneur de l'anniversaire de Lénine : « 3ème prix — 3 ans dans un camp de travail en l'honneur de Lénine. 2ème prix - 7 ans de travail forcé en l'honneur de Lénine. 1er prix — une rencontre avec Lénine en personne ».

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...Alors que d'autres blagues étaient promptes à souligner comment Staline s'est inspiré de la férocité de Lénine :

Un Lénine mourant appelle Staline. « Je suis très inquiet, dit-il, Est-ce que les gens vous te suivre ? » « Bien sûr, répond Staline, Sans aucun doute ». « Je l'espère, dit Lénine. Et s'ils ne te suivent pas ? » « Eh bien, répond Staline, Ils te suivront ».

Cependant, alors que la censure soviétique est devenue moins stricte vers la fin de l'existence du pays, et que les formes de dissidence mineures telles que les plaisanteries sur Brejnev sont devenues banales, la perspective du culte révolutionnaire est devenue moins menaçante aux yeux du Russe moyen. À leur tour, les plaisanteries sur les dirigeants de la révolution se sont multipliées.

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Par exemple, celle-ci tournait en dérision la popularité croissante de la musique occidentale transmise sous le manteau, osant suggérer qu'elle était même devenue plus populaire que la révolution elle-même :

Dzerjinski monte dans une voiture blindée et crie : « La révolution a été accomplie ! Voici maintenant le camarade Lénine ! » Foule (en extase) : « Lennon ! Lennon ! Lennon ! » Lénine : « Non, je ne suis pas Lennon, je suis Lénine ! » Foule : « Lennon ! Lennon ! Lennon ! » Lénine : « Eh bien, au diable. Je vais vous interpréter Yesterday ! »

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