Le dernier jour de Staline: trois théories à rebours de l’histoire officielle

Histoire
ALEXEÏ TIMOFEÏTCHEV

1. Attaque liée à une crise de colère

Il n'est pas surprenant que peu de gens croient dans la version officielle de la mort de Staline survenue le 5 mars 1953. En fait, la théorie selon laquelle sa mort était liée à autre chose qu'une attaque causée par une maladie grave provient du Kremlin lui-même.

L'historien Guennady Kostyrtchenko affirme que Nikita Khrouchtchev a confié à un journaliste français en 1956 que Staline était mort après une « démarche résolue » d’un groupe de hauts fonctionnaires soviétiques qui s’étaient révoltés et avaient même menacé le dirigeant soviétique.

Les camarades de Staline étaient mécontents des plans d'expulsion des Juifs soviétiques en Sibérie, a déclaré Khrouchtchev. Cela s'est produit à l'époque du soi-disant « complot de blouses blanches » dont les victimes étaient principalement des Juifs.

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Khrouchtchev n'était pas le seul à émettre de telles hypothèses. Comme le souligne Kostyrtchenko, elles ont été reprises par l'écrivain soviétique Ilia Ehrenbourg dans une conversation avec Jean-Paul Sartre, philosophe français. Le compte-rendu d’Ehrenbourg comprend des détails hauts en couleurs, et prétend qu’après avoir rencontré une opposition rigide à son plan, Staline menaçait ouvertement ses subalternes.

Ces derniers n'étaient cependant pas intimidés et, au contraire, menaçaient d'appeler l'armée au Kremlin si Staline ne révoquait pas sa décision d'exiler les Juifs. Pour souligner leur détermination, un des conspirateurs, de confession juive, aurait déchiré sa carte de membre du parti et l'aurait jetée au visage du leader soviétique. Incapable de supporter une telle humiliation, Staline aurait eu un accident vasculaire cérébral et est mort.

On pourrait dire qu'il y a autant de vérité historique dans cette histoire que dans la Mort de Staline de Iannucci. Les historiens conviennent qu'il n'y a aucune preuve de plans visant à exiler les Juifs dans les archives personnelles de Staline ou du parti. En outre, on ignore si Khrouchtchev a mentionné cette histoire à nouveau. Il n'y a pas de référence aux plans de déportation dans ses mémoires qui ont été publiés à l'Ouest dans les années 1970. L'histoire pourrait être un effort visant à embellir l'image du successeur de Staline.

2. L’homme à la hache

D'autres prétendent que le rôle de Nikita Khrouchtchev n'était pas limité à celui d'un fonctionnaire rebelle, mais plutôt qu'il était l'architecte principal du meurtre de Staline. Un jour, Khrouchtchev a fait des déclarations publiques qui pourraient être considérées comme une indication que la mort du dirigeant soviétique était un meurtre prémédité.

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Lors d'un événement public en juillet 1964, en accueillant une délégation venue de Hongrie, Khrouchtchev a soudainement commencé à parler de Staline et a dit : « Il y a eu beaucoup de dictateurs brutaux dans l'histoire humaine, mais tous sont morts par la hache, tout comme ils ont également gagné le pouvoir par la hache ». Dans la transcription du discours publié plus tard dans les journaux soviétiques, ces mots ont été omis.

Certains, comme l'historien Alexandre N. Douguine, croient que la personne à la hache était Khrouchtchev lui-même. Il fait valoir que peu de temps avant sa mort, Staline avait l'intention de congédier le ministre de la Sécurité d'État, Semion Ignatiev, et son patron, Khrouchtchev. Mais ce dernier décida d'agir en premier et mena une conspiration contre Staline. Non seulement les conspirateurs auraient assassiné Staline, mais ils auraient aussi tué Lavrenti Beria, le puissant chef de la police secrète soviétique.

3. Empoisonné par Beria

Lavrenti Beria est un autre prétendant populaire au rôle d’assassin de Staline. En tant que deuxième homme le plus puissant du pays, il est plausible que Beria ait eu peur d'une purge potentielle dont il aurait pu être l'une des principales cibles. Ainsi, il aurait frappé en premier.

Selon le livre de l'historien Nikolaï Dobrioukha, Comment Staline a été tué, Beria a empoisonné Staline. Pour cela, il aurait utilisé des poisons rares à partir soit d'un serpent, soit d’une araignée. Pour étayer l'affirmation selon laquelle le chef de la sécurité était derrière la mort de Staline, Dobrioukha cite les paroles du ministre des Affaires étrangères de longue date de Staline, Molotov, qui a rappelé plus tard qu'après la mort de Staline, Beria avait fait remarquer que c’était lui « qui vous a tous sauvés de Staline ».

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La mort de Staline ne cessera probablement pas d'être un sujet de spéculation, mais une chose est certaine - après avoir reçu des informations sur l’AVC de Staline, les fonctionnaires ne se sont pas empressés d'appeler les médecins. Un autre détail étrange est qu'il a été officiellement annoncé Staline avait eu une attaque au Kremlin, alors qu'en fait, les faits ont eu lieu à sa maison de campagne. En outre, de nombreuses zones d’ombres planent sur les rapports médicaux concernant sa mort. Ainsi, le mystère demeure...