L’histoire de l’usine textile de Pavloski Possad

Crédit photo : Kirill Lagoutko

Crédit photo : Kirill Lagoutko

 Le touriste qui se promène sur l’Arbat, l’artère la plus touristique de Moscou, ou le long de chemins touristiques d’autres villes russes, est fasciné par l’univers bariolé des étals et des magasins remplis de souvenirs. Les matriochkas, les coffrets peints soigneusement à la main et les « châles russes » – comme on les appelle dans le jargon –, tout semble avoir été créé spécialement pour chacun par les mains habiles des artistes locaux.

Le touriste s’arrête admirer les châles, il fait glisser entre ses doigts les douces franges de laine ou de soie, apprécie la bonne qualité de la laine, serrée mais légère, typique de la laine mérinos. Puis, au moment de choisir, il se perd dans la multitude des couleurs classiques, rouge, vert, bleu ou noir, ou des tons pastel plus modernes, en passant par les dizaines de motifs fleuris tous différents, sans savoir de combien d’années d’histoire – environ 200 – chaque pétale et chaque fleur témoignent.

L’histoire commença en 1795 avec la petite usine de soie du paysan Ivan Labsine, une parmi les 70 environ plus petites entreprises textiles qui existaient alors dans le territoire du gouvernement de Moscou, où naquit cet habitant de Pavlovski Possad.

Toutefois, c’est seulement vers 1850 que l’usine acquit ses caractéristiques actuelles, quand le descendant de Labsine, avec son associé Vassili Griaznov, commença à produire des châles avec des motifs imprimés.

Depuis, les châles en laine et les foulards en soie de Pavlovski Possad ont toujours fait partie intégrante du patrimoine culturel russe et l’usine a survécu, contrairement à tant d’autres, à la Révolution, aux Guerres mondiales et à la Perestroïka. Chaque période historique se lit dans son architecture : les bâtiments d’origine en briques rouges en partie restés intacts, un grand portrait de Lénine datant de l’époque soviétique, les horloges murales désormais arrêtées, les grilles tournantes que chaque ouvrier devait et doit encore aujourd’hui passer pour entrer et sortir, une partie du matériel.

De l’époque actuelle témoignent certains bureaux déjà rénovés selon le standard habituellement appelé « euroremont », ou « rénovation à l’européenne », et les nouvelles lignes de production. Vyatcheslav Dolgov, le vice directeur générale, explique : « Notre cycle de production est complet, à l’exception de l’élevage des moutons. A l’époque soviétique, la concurrence n’existait pas. Mais aujourd’hui, avec l’économie de marché et la concurrence de l’est qui propose la même offre à un moindre coût, nous avons du réajuster et moderniser progressivement la production, grâce à un programme d’aides et de facilités fiscales que l’Etat réserve à certaines entreprises de production artisanale. Aujourd’hui nous avons des imprimeurs italiens. »

« Nous vendons également sur notre site Internet : plus de 200 000 personnes y ont acheté un châle au moins une fois. Le site propose aussi un forum qui a créé une communauté virtuelle de « shalemanki, fanatiques des châles ». Ce sont des femmes de tous les âges qui se tiennent informées de toutes nos nouveautés, achètent régulièrement et nous font part de leurs conseils. »

« On est content quand on voit que les jeunes aussi portent nos châles : cela signifie que nous avons réussi à casser le vieux préjugé comme quoi les châles sont seulement bons pour les grands-mères. » Il ajoute une précision historique : « Vassili Griaznov, en plus d’être un industriel visionnaire, était aussi un homme extrêmement bon qui se préoccupait sans cesse des pauvres. Sa canonisation avait été décidée bien avant la révolution russe, mais a eu lieu seulement en 1999, 130 ans après sa mort. Quand son corps a été exhumé, ses os ne s’étaient pas décomposés. »

« Même si nous sommes une entreprise laïque, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous sentir protégés par ce grand homme. Et c’est peut être grâce à lui que notre production se vend si bien dans le monde orthodoxe. Les femmes orthodoxes perçoivent à travers nos châles l’aura mystique liée à notre usine. »

L’usine à châles de Pavlovski Possad est une véritable exception en Russie : c’est une des rares industries de tout le territoire à connaître une longévité de plus de 200 ans. L’année 1975 est considérée comme l’année officielle de sa création. C’est à ce moment-là qu’Ivan Labsine, un paysan du village de Pavlovo, mit en place une petite production de châles en soie qui, dans les décennies suivantes, enrichit sa famille. C’est seulement en 1860 que l’usine acquit ses caractéristiques de production actuelles, quand Yakov Labsine, un descendant d’Ivan, accompagné de son associé Vassili Gryaznov, entama la production de châles en laine avec des motifs imprimés. Vassili Griaznov mourut en 1869, mais les descendants de Labsine et Griaznov dirigèrent l’usine jusqu’à la révolution d’Octobre et l’amenèrent à devenir au début des années 900 la plus grande industrie de châles en laine et en soie de toute la Russie. Après la Révolution, l’usine a été nationalisée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la production a subi un fort ralentissement, la production de tissus pour les uniformes de l’Armée rouge remplaçant en grande partie à celle des châles. C’est dans les années 1950-1960 que l’usine reprit la production originelle de châles à motifs imprimés. Actuellement, l’usine de châles de Pavlovski Possad est la seule industrie textile de Russie à avoir un cycle de production complet : de la production du tissu à celle du produit fini.

L’usine de châles de Pavlovski Possad en chiffres - 90 km entre Pavlosvki Possad et Moscou - 60 000 habitants à Pavlosvki Possad - 10 hectares de terrain appartenant à l’usine - 100 % de capitaux privés - 600 ouvriers (4 500 avant la Révolution, 2 500 pendant la période soviétique) - 15 000 à 25 000 roubles (375 à 625 euros) : le salaire de base des ouvriers - 1 000 000 : le nombre total de châles et foulards produits par an (20 000 000 pendant la période soviétique) - 600 typologies de châles, foulards et écharpes produits (hommes et femmes) - 72 x 72 cm : le plus petit châle en laine - 52 x 52 cm : le plus petit foulard en soie - 148 x148 cm : le plus grand châle en laine - 130 x 130 cm : le plus grand foulard en soie - Plus de 200 dessins archivés - 9 artistes-dessinateurs employés - tous les 2 mois, des nouveaux dessins sont demandés aux stylistes - 90 points de vente ouverts par l’usine dans toute la Russie (dont 11 à Moscou) - 80 % de la production est vendue en Russie, 10 % au Turkménistan, le reste dans d’autres pays dont l’Europe.

 

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