L’ombre de Pierre le Grand sur Derbent

Musée dédié à Pierre le Grand

Musée dédié à Pierre le Grand

Vladimir Vyatkine/RIA Novosti
L’empereur russe conquiert Derbent, dans le Caucase, le 23 août 1722. Il s’installe dans une petite chaumière, à une centaine de mètres de la mer Caspienne. La holding Summa group, du milliardaire daghestanais Ziyavudin Magomedov, a financé des fouilles et l’ouverture à cet endroit d’un mémorial, un cadeau à la ville pour ses 2000 ans.

Des blocs de pierres ocre se dévoilent sous une chaleur écrasante, non loin du rivage. Sur le fronton de l’ensemble composé de 24 colonnes figure cette inscription : « Lieu de repos de l’empereur Pierre le Grand ».

Lieu de repos de l'empereur Pierre le Grand. Crédit : Vladimir Viatkine/RIA NovostiLieu de repos de l'empereur Pierre le Grand. Crédit : Vladimir Viatkine/RIA Novosti

A l’intérieur, protégées par un sarcophage de verre, des fondations en pierre du XVIIIe siècle marquent l’emplacement d’une cahute. C’est dans ces deux modestes pièces que Pierre Iera séjourné en 1722. La baie de porte se situait à un mètre du sol, il fallait quasiment ramper pour entrer. Or le tsar mesurait plus de 2 mètres. « Pierre le Grand souffrait d’agoraphobie, il avait peur des espaces ouverts et des hauts plafonds, révèle la guide, Mira. Les palais, c’était nécessaire pour son statut, mais ilse sentait plus à l’aise dans des endroits petits et clos ».

Pierre le Grand débarque à Derbent avec une flotte de plus de 270 navires, le 23 août 1722. Occupé vingt-et-un ans durant par la grande guerre du Nord contre l’Empire suédois, il peut enfin réaliser ses plans au sud du pays, contre les Turcs et les Perses. L’objectif : restaurer la route commerciale de l’Asie centrale et l’Inde vers l’Europe, au bénéfice des marchands russes et surtout des caisses de l’Etat.

Etroite langue de terre coincée entre les montagnes caucasiennes et la mer Caspienne, la ville et sa forteresse occupent une position stratégique. Impressionnés par l’armée mobilisée, les gouverneurs iraniens s’enfuient. Le leader spirituel, Imam Qouli Bek, en coordination avec d’autres représentants, remet à Pierre Ier les deux clés en argent des portes de la cité, implorant sa clémence. La mer, elle, n’épargne pas l’empereur russe. Plusieurs bateaux transportant les provisions coulent lors d’une tempête. Pierre le Grand décide donc de laisser seulement une garnison sur place, avant son retour triomphal à Moscou.

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Mus&eacute;e d&eacute;di&eacute; &agrave; Pierre le Grand.nVladimir Vyatkin/RIA Novosti<p>Mus&eacute;e d&eacute;di&eacute; &agrave; Pierre le Grand.</p>n
Citadelle de Derbent.nVladimir Viatkine/RIA Novosti<p>Citadelle de Derbent.</p>n
 
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« Nous ne savons pas combien de temps exactement Pierre le Grand est resté à Derbent, jusqu’à deux semaines selon les sources, souligne Mira. Mais il a signé beaucoup d’oukazes lors de son séjour ».

L’orientaliste Dimitrie Cantemir, qui l’accompagne, est chargé par exemple d’étudier la forteresse, ses murs, sa structure. L’empereur ordonne aussi de développer l’industrie vinicole ou encore de créer un jardin impérial. Non loin du Verger de Pierre, sur le versant oriental du mont Djalgan, se trouve d’ailleurs une grotte de stalactites avec une « source russe » (Ourous-Boulakh, ou Rousskiy Klioutch), qui tire son nom de cette époque. Le tsar a bu de son eau aux vertus médicinales. La mode impose une chevelure tombant sur les épaules, mais la chaleur est telle qu’il se tond à ras. Il expédie ses cheveux à la capitale. Ceux-ci seront utilisés sur la statue de cire façonnée par Rastrelli à sa mort, en 1725.

D’illustres visiteurs sont passés par Derbent à sa suite, des tsars mais aussi des écrivains. Une légende locale rapporte que Pierre le Grand, hébergé dans la citadelle au début de son séjour, aurait creusé dans sa chambre une fenêtre avec vue sur la mer à la force de son poing… Alexandre Pouchkine s’en serait inspiré pour sa célèbre métaphore sur l’œuvre de l’empereur à Saint-Pétersbourg : « La nature a voulu qu’ici nous percions une fenêtre sur l’Europe ».

Derbent serait en quelque sorte son alter ego sur l’Orient. Dans son récit Voyage au Caucase, Alexandre Dumas évoque quant à lui la modeste demeure du tsar : « une petite baraque en terre », « défendue par deux canons ». Fabriqués par l’empereur à Voronej, ceux-ci ont été transférés à Makhatchkala, capitale du Daghestan, après la Révolution de 1917.

La chaumière aura survécu près de 200 ans, témoin de la rétrocession de la ville à la Perse puis de sa reconquête, avant d’être détruite pendant la guerre civile. Les fouilles ont permis de retrouver ses fondations et les colonnes érigées en 1862 pour la protéger. Aujourd’hui, le musée abrite également des expositions et organise des événements. Sous le regard sévère d’un Pierre le Grand de bronze, les visiteurs peuvent assister à des séances de cinéma en plein air durant l’été.

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