Qui dit Iouri Grigorovitch dit Bolchoï

Iouri Grigorovitch.

Iouri Grigorovitch.

Alexey Koudenko / RIA Novosti
Dans la seconde moitié du XXe siècle, le Bolchoï et Grigorovitch étaient des notions indissociables. Ils le sont aujourd’hui encore.

De Leningrad à Moscou

Iouri Grigorovitch vient s’installer à Moscou en 1964. Neveu de Georges Rosay, le grand danseur du théâtre Mariinski et des Saisons russes de Serge de Diaghilev, il obtient un diplôme de l’École chorégraphique de Leningrad et exécute des danses en solo au théâtre Kirov.

En 1957, il devient une célébrité du jour au lendemain en mettant en scène le ballet La Fleur de pierre d’après des contes populaires de l’Oural. Le spectacle est très novateur pour l’époque, car il renonce aux lois périmées du chorédrame, qui tentait de transformer le ballet en danse chorégraphique contant un drame, et se concentre sur la chorégraphie classique des pointes qu’il considérait comme le principal moyen d’expression.

Iouri Grigorovitch ne se limite pas à conter des histoires. Il est de la génération qui analyse la place de l’art dans la vie. Dans La Fleur de pierre, son sculpteur de pierre Danila voulant faire revivre la beauté d’une fleur dans la pierre, plonge dans un monde de rêves qui s’ouvrent à lui dans le palais de la reine de la Montagne de Cuivre, gardienne de toutes les pierres précieuses. Dans la scène suivante, il revient dans le quotidien de son village qui vit au rythme d’une foire avec danses populaires, tziganes et ours dressé. Ayant découvert le monde du grand art, Danila revient chez les hommes pour leur apporter tout ce qu’il y a de beau.

Le ballet est réalisé par Iouri Grigorovitch pendant ses heures de loisir et propulse sur le devant de la scène toute une génération de danseurs devenus de vraies stars. Deux ans plus tard, le ballet est donné au Bolchoï où il devient l’une des premières œuvres des danseurs légendaires Ekaterina Maximova et Vladimir Vassiliev.

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Deux ans après, Iouri Grigorovitch présente son ballet Légende d’amour basé sur un recueil de poèmes persan relatant l’amour de Farhad et Shirin. En commun avec le décorateur Simon Virsaladze, Iouri Grigorovitch lance une nouvelle forme, le spectacle-parabole où les monologues des personnages alternent avec des ensembles grandioses.

À la tête de toute une génération

Ces spectacles le rendent célèbre et il prend la tête du ballet du Bolchoï en 1964. Sa première œuvre à ce poste est une nouvelle version d’un classique, Casse-Noisette, qui transforme le spectacle, considéré jusqu’ici alors comme un conte pour enfants, en récit philosophique. La première est dansée par Ekaterina Maximova et Vladimir Vassiliev, leurs doublures étant Natalia Bessmertnova et Mikhaïl Lavrovski.

Tous ces danseurs, qui représentent « la génération Grigorovitch », ont porté le ballet classique à un nouveau sommet de virtuosité, tandis que le chorégraphe lui a trouvé une forme idéale où les prouesses techniques se font révélations artistiques.

L’apogée de cette coopération est Spartacus. Au grand dam du compositeur, Iouri Grigorovitch a entièrement révisé et écourté la partition en écrivant un nouveau livret. Il a mis en scène un ballet opposant deux adversaires placés sur un pied d’égalité : un esclave révolté et un chef militaire aristocrate. Les sauts acrobatiques et les portés vertigineux ont permis à Spartacus de rivaliser avec les exploits des sportifs, tandis que la scène de la mort de Spartacus et le requiem renvoient aux fresques de Michel-Ange au Vatican et aux messes de Bach.

Un symbole dépassé

Cet art, à la fois compliqué et accessible, est devenu avec le temps l’un des principaux symboles de la création soviétique. Spartacus a été suivi de l’épopée Ivan le Terrible puis de L’Âge d’or chantant les premières années de l’Union soviétique.

Cependant, s’étant manifesté comme un infatigable novateur dans ses premières mises en scène, le chorégraphe avait perdu le goût de l’expérimentation avec l’âge. Ses spectacles se transformaient en formules, encore monumentales, mais inanimées.

Le Bolchoï continuait pourtant de « produire » ses ballets sans laisser de place à d’éventuelles alternatives. Peu à peu, le chorégraphe a lui-même a préféré se concentrer sur la transformation des classiques de Marius Petipa. Trente ans après son intronisation au Bolchoï, en 1995, Iouri Grigorovitch a dû quitter le théâtre dont il était devenu le symbole.

Le temps passait et un jour, le Bolchoï et le maître, qui avaient vécu séparément, ont ressenti un besoin instant de se réunir. Car indépendamment de ce que produit la troupe du Bolchoï, son énergie et sa virtuosité, elle les tient de Iouri Grigorovitch.

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