Cinq bonnes raisons de regarder la nouvelle adaptation cinématographique du Maître et Marguerite

Mikhaïl Lokсhine, 2023/AMEDIA
Une semaine après sa sortie en salles, le film adapté de l’œuvre légendaire de Mikhaïl Boulgakov est déjà en tête du box-office russe.

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Il fallut bien du temps pour que le roman qui narre les aventures du Diable dans la Moscou des années 1930 soit achevé, publié puis porté à l’écran. Nombreux furent ceux qui tentèrent d’adapter ce livre « maudit » au cinéma et à la télévision. Parmi eux, Elem Klimov, le réalisateur du chef-d’œuvre Requiem pour un Massacre, et, plus récemment, Baz Luhrmann. Beaucoup de projets ne virent jamais le jour et ceux qui purent être menés à bien ne connurent pas le succès escompté. Contrairement au film, incontestablement réussi, sorti fin janvier sur les écrans russes. Voici pourquoi cette sixième adaptation à l’écran du Maître et Marguerite vaut la peine d’être regardée.

On dit souvent que le roman de Mikhaïl Boulgakov porte malheur. De fait, cette nouvelle adaptation à l’écran fut une entreprise de longue haleine.

La presse russe cède régulièrement au poncif de la malédiction qui entoure le roman Le Maître et Marguerite. Elle se fait souvent l’écho des mésaventures qui se produisent sur les tournages de ses adaptations cinématographiques et télévisées. Ainsi, sur le plateau, Oleg Bassilachvili, qui interprète Voland dans la série réalisée en 2005 par Vladimir Bortko, se retrouva – peu de temps, heureusement – aphone. Des journalistes ont fait le constat que dix-huit des acteurs de cette même série étaient morts dans les années qui avaient suivi sa première diffusion. Tout cela n’est bien sûr que pure superstition. Mais force est de constater que porter le roman de Mikhaïl Boulgakov à l’écran fut toujours une épreuve. L’équipe du film sorti en Russie il y a quelques jours en est désormais elle aussi convaincue.

Ce film devait à l’origine être réalisé par Nikolaï Lebedev (Le Légendaire N°17) qui en était également le scénariste. Les héritiers de Mikhaïl Boulgakov ayant vendu les droits d’exploitation du Maître et Marguerite à plusieurs sociétés, Nikolaï Lebedev fut contraint de suspendre un temps la réalisation de son projet. Par ailleurs, à la même époque, à Hollywood, Baz Luhrmann (Gatsby le Magnifique) travaillait lui aussi à l’adaptation du roman. 

A peine les questions d’ordre juridique résolues commença la pandémie de la Covid-19. Les tournages furent interrompus et Nikolaï Lebedev se consacra alors à la préparation du film de guerre Nuremberg. Son projet du Maître et Marguerite fut repris par une autre équipe qui n’en conserva pas l’esprit.

Le film a été réalisé par Mikhaïl Lokchine, l’un des metteurs en scène les plus plus prometteurs de sa génération. Son premier film Les Patins d’Argent a été un franc succès sur Netflix.

Mikhaïl Lockchine se fit connaître comme réalisateur de publicités et de clips. En 2014, il confia le rôle principal d’un spot publicitaire pour la bière «Sibirskaya Korona» à la star de X-Files, David Duchovny. L’acteur américain s’y demandait ce qu’il serait devenu s’il avait grandi en Russie. Cette publicité devint rapidement virale dans le cyberespace russe.

Mikhaïl Lokchine débuta au cinéma en 2020 avec Les Patins d’Argent. Ce conte de Noël retrace l’histoire d’une bande de petits voleurs en patins à glace dans la Saint-Pétersbourg de la toute fin du XIXème siècle. Ce premier long-métrage de Mikhaïl Lokchine fut le premier film russe que Netflix choisit de proposer dans sa sélection Originals. Seules deux séries russes avaient avant lui été retenues par la plate-forme de streaming américaine : Better than us et To the Lake. Peu de temps après sa mise en ligne, Les Patins d’Argent se classaient dans le top-5 des contenus les plus regardés dans le monde par les abonnés de Netflix.

Le Maître et Marguerite est le second long-métrage de Mikhaïl Lokchine. L’auteur de l’adaptation est Roman Kantor, à qui l’on doit déjà le scénario des Patins d’Argent. Il avait également collaboré à la série de Pavel Kostomarov To the Lake.

La trame narrative de l’œuvre originelle est déconstruite, comme aime à le faire Christopher Nolan.

Si Nikolaï Lebedev voulait rester fidèle à la structure narrative imaginée par Mikhaïl Boulgakov et mettre en exergue le sujet de «l’écrivain et de son lectorat», Mikhaïl Lokchine et Roman Kantor firent le choix de développer la ligne post-moderne présente dans le roman. C’est pourquoi leur scénario s’inscrit dans la même veine que ceux d’Inception et du Prestige de Christopher Nolan. 

Les grandes lignes de l’histoire imaginée par Mikhaïl Boulgakov sont conservées dans le film : l’histoire d’amour du Maître et de Marguerite, les diableries de Voland et de ses acolytes, «l’évangile du Maître», cet apocryphe sur le Christ et Ponce Pilate, le procurateur responsable de la crucifixion du prophète. Mais le schéma narratif est plus compliqué que dans le livre. Les différentes histoires s’emboîtent les unes dans les autres comme des poupées russes sans que l’on perde pourtant de vue qu’elles se déroulent de manière parallèle.

Il ne s’agit pas là d’appliquer un procédé pour le simple plaisir de l’appliquer. Les deux scénaristes ont cherché à mettre en évidence comment Mikhaïl Boulgakov avait travaillé à son roman. Ils lui ont par ailleurs rendu hommage en s’autorisant une liberté par rapport au texte : ils ont accentué la ressemblance entre le Maître et son créateur. Evgueni Tsyganov, l’acteur qui joue le rôle du Maître, interprète en réalité celui de Mikhaïl Boulgakov. Les auteurs du scénario ont donné une dimension fantasmagorique aux tribulations par lesquelles l’écrivain est passé durant sa vie : lutte contre la censure, répression, trahison de ses amis.

Le rôle de Voland a été confié à August Diehl, déjà vu dans Inglorious Basterds ; celui de Ponce Pilate, à Claes Bang, le Dracula de la série de la BBC.

Le casting du Maître et Marguerite est à n’en pas douter un atout du film. Si, dans les adaptations précédentes, Voland était un vieillard docte et sinistre, A. Diehl est un Diable rieur à l’humour potache. Il s’amuse réellement à tenir les Moscovites en son pouvoir. Les interprètes russes sont tout aussi excellents. On citera en premier lieu E. Tsyganov dans le rôle du Maître et Yuliya Snigir dans celui de son amante Marguerite (les deux acteurs sont aussi en couple à la ville). Y. Snigir est connue pour ses rôles dans le film Die Hard : une Belle Journée pour Mourir (2013) et la série The New Pope (2020) créée par Paolo Sorrentino.

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Les décors sont un mélange d’Art Déco dans l’esprit de Gatsby le Magnifique de Baz Luhrmann et de steampunk stalinien.

Le film donne à voir ce qu’il se passe dans l’imagination des personnages. C’est pourquoi les décorateurs n’ont pas cherché à reproduire fidèlement la Moscou des années 1930. Le style Empire Stalinien pompier est caricaturé jusqu’au grotesque : les gratte-ciel évoquent des ziggourates. Les effets spéciaux ont permis d’ériger des bâtiments restés à l’état de plan, comme le célèbre Palais des Soviets surmonté d’une statue de Lénine d’une hauteur de 100 mètres. Des dirigeables futuristes volent dans le ciel de la capitale soviétique.

Le film montre des Moscovites qui savent se reposer comme il se doit. Les concerts de jazz donnés dans le club privé des écrivains rappellent les parties de Gatsby le Magnifique. Voland exerce sa magie noire au cours d’un défilé de haute-couture parisienne. Sur le podium, ses sbires y jouent magistralement une pièce de commedia dell’arte. On appréciera également le grand bal chez Satan. Les décors et les costumes sont d’inspiration antique et font inévitablement penser à l’Egypte ancienne et à Babylone. 

Dans cette autre publication, découvrez trois raisons de lire les œuvres de Mikhaïl Boulgakov.

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