Leonid Gaïdaï: un réalisateur, qui a fait rire l’URSS tout entière

Culture
ALEXANDRA GOUZEVA
Comment se fait-il qu’une seule personne a réalisé tant de comédies cultes, que la moitié du pays connait par cœur?

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« Les gens ont une vie difficile. Qu’ils rient », disait Leonid Gaïdaï. Ses comédies – Medor, le chien qui rapporte bien, Les Fabricants de gnôle, Opération Y et autres aventures de Chourik, La Prisonnière du Caucase, Le Bras de diamant, Ivan Vassilievitch change de profession, Les douze chaises, C’est impossible – ont été leaders des entrées en salle soviétiques, réunissant des millions de spectateurs. Plusieurs citations tirées de ces œuvres sont devenues cultes, même les bandes-sons se sont répandues parmi les spectateurs. Les films de Gaïdaï ont été et restent populaires en-dehors de l’URSS et la Russie – le monde entier riait et rie encore en les regardant. Alors, quel est le secret ?

Charlie Chaplin, la guerre, le cinéma

Leonid Gaïdaï est né en 1923 en Extrême-Orient russe, dans la famille d’un déporté – son père construisait le chemin de fer de l’Amour. Plus tard, la famille a déménagé à Irkoutsk. L’intérêt pour la comédie a suivi le futur réalisateur depuis son enfance.

Son idole était Charlie Chaplin – Gaïdaï sortait au cinéma local pour voir tous ses films (et parfois se cachait même entre les rangs lors des pauses pour les revoir). Plus tard, dans ses propres films, l’on remarquera l’influence de Chaplin – par exemple, dans l’une de ses premières œuvres – la série de nouvelles Le chef des Peaux-rouges, adaptée du récit du même nom de O. Henry. Il y a très peu de texte, comme dans un film muet, et tout l’effet comique se repose sur des situations et bruitages amusants. 

Tout jeune, à peine sorti de l’école, Gaïdaï s’est porté volontaire pour aller au front. Il n’a pas été pris tout de suite, mais en automne 1941, il a finalement été recruté. Il a fait partie du renseignement et s’est même démarqué sur le champ de bataille, en lançant des grenades au point de tir allemand. En 1943, il a été grièvement blessé au pied à cause d’une mine et, après un long traitement, n’était plus apte à combattre. Le jeune homme est donc retourné à Irkoutsk et, après avoir fini une école de théâtre, est parti à la conquête de Moscou, où il a intégré la faculté de réalisation de l’Institut national de cinématographie (VGuIK). Il a ensuite été très rapidement pris au studio Mosfilm. 

La vocation de faire rire

Gaïdaï voulait travailler dans un seul registre – la comédie. Seulement une fois, au début de sa carrière, à l’initiative de l’un des directeurs de Mosfilm, Ivan Pyriev, il a réalisé un film sérieux sur la révolution – Trois fois ressuscité. Cependant, l’œuvre a été très critiquée, et a failli lui coûter sa carrière.

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Le premier grand succès de Gaïdaï a été son court-métrage Medor, le chien qui rapporte bien (1961). Il a même été nominé au festival de Cannes. C’est ici qu’est apparu pour la première fois le trio de brigands Trouss (Froussard), Balbess (Nigaud) et Byvaly (Expert) interprété par les acteurs Gueorgui Vitsine, Iouri Nikouline et Evgueni Morgounov et qui ont été adorés par les spectateurs et qui réapparaîtront encore dans les prochaines œuvres de Gaïdaï.

La gloire nationale lui a été value par Opération Y et autres aventures de Chourik (1965), qui s’est retrouvé en haut du classement des entrées. Le personnage principal – Chourik, un étudiant simplet, mais honnête et de principe – est devenu le chouchou du public soviétique. Sur cette vague de succès sans précédent, une suite a été réalisée – La Prisonnière du Caucase, ou les nouvelles aventures de Chourik (1967), qui a à son tour explosé le nombre d’entrées.

Une grande partie de l’humour de ces comédies repose sur les gags – une technique qui consiste à démontrer une absurdité évidente. L’effet humoristique s’amplifie par les gestes et la mimique des acteurs.

Scène avec Trouss, Balbess et Byvaly tirée du film La Prisonnière du Caucase

La comédie Le Bras de diamant (1969) traite d’un honnête père de famille – Semion Gorbounkov, qui se retrouve, à cause de bandits, à transporter des diamants dans son plâtre au bras. Elle est rentrée dans le top 3 des films les plus rentables de l’histoire de l’URSS. D’ailleurs, Chourik (plus en tant qu’étudiant, mais en tant que scientifique, qui a inventé une machine à remonter dans le temps) apparaîtra dans un autre film culte – Ivan Vassilievitch change de profession (1973), basé sur une pièce de Mikhaïl Boulgakov.

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Gaïdaï s’est adressé aux classiques bien plus d’une fois – il a adapté O. Henry, Ilia Ilf et Evguéni Pétrov (Les douze chaises), Mikhaïl Zochtchenko (C’est impossible).

Dans sa dernière œuvre, réalisée après la chute de l’URSS, À Odessa, il fait beau, mais il pleut à Little Odessa (1993), le réalisateur se moquera ouvertement des leaders soviétiques et du KGB.

Selon la femme du réalisateur, l’actrice Nina Grebechkova, le jeune Gaïdaï ressemblait à son héros – Chourik. Les futurs époux avaient étudié ensemble. Plus âgé (car revenu après la guerre), il était vif, fin et grand. Il l’avait courtisée timidement et maladroitement, l’accompagnant chez elle en traversant tout Moscou, achetant des fleurs. Gaïdaï et Grebechkova se sont mariés étant encore étudiants, en 1953. Le jeune couple partageait une chambre avec les parents de Nina et leur intimité était délimitée par une grande armoire.

Dans sa vie quotidienne, le réalisateur était sans prétention, même ascétique – il n’avait pas besoin de confort extérieur, il se dévouait complètement à son travail (et passait plus de temps en tournage aux studios Mosfilm que chez lui). Ses comédies ont été vues par des centaines de millions de personnes, mais, lui, habitait dans un petit appartement et n’avait même pas d’économie pour réparer sa datcha (maison de campagne) brûlée.

C’est lui qui a rendu sa femme célèbre – la doctoresse de l’hôpital psychiatrique de La Prisonnière du Caucase et la femme du héros principal dans Le Bras de diamant ont été ses rôles majeurs.

Il paraît que les humoristes et les clowns s’avèrent être très tristes, déprimés. Cela ne s’applique pas à Gaïdaï. Ses contemporains se souviennent, que dans sa vie de tous les jours, il était incroyablement drôle, avait le sens de l’humour le plus fin, racontait souvent des blagues, et aimait rire.

Il voyait la comédie là où la plupart ne la verrait pas, et le partageait à tous. Il montrait même parfois à ses acteurs fétiches comment jouer certains épisodes.

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Le secret du succès des comédies de Gaïdaï

Malgré l’entourage typiquement soviétique des films, ils restent compréhensibles et drôles pour les spectateurs de tous pays et âges. L’actrice Natalia Varleï disait qu’en Afrique, une femme avait été si enjouée du spectacle et avait rigolé tellement fort qu’elle avait jeté son nourrisson en l’air dans un élan d’hilarité.   

Son secret était un travail méticuleux sur le scénario, une minutieuse sélection des acteurs et de la musique. Le scénariste des plus grandes comédies Opération Y, La Prisonnière du Caucase et Le Bras en diamant, Iakov Kostioukovski, a témoigné que Gaïdaï et lui-même travaillaient toujours ensemble sur le texte et que chacun avait sa propre « formule ». Ils se demandaient toujours si l’œuvre serait compréhensible et intéressante, par exemple, pour une grand-mère lambda vivant au fin fond de la Sibérie. 

L’acteur Iouri Nikouline disait que Gaïdaï travaillait assidument sur toutes les scènes, filmait et recommençait, sans ménager les films. En même temps, le plus important pour lui était que l’équipe de tournage et les projectionnistes rigolent. « Alors, il y a quelque chose », disait Gaïdaï. Ainsi, les autres rigoleront aussi.

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