Entretien: la série culte Masha et Michka désormais disponible en breton

Oleg Kouzovkov/Animaccord, 2009
Apparue en 2009 et divertissant depuis les enfants du monde entier après avoir été traduite dans plus d’une quarantaine de langues, la très populaire série animée russe Masha et Michka jouit à présent d’une version en breton. Russia Beyond s’est entretenu avec Dizale, association s’étant chargée du doublage.

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Depuis mi-décembre, la web TV brittophone Brezhoweb diffuse, à raison d’un nouvel épisode par semaine, la série Masha et Michka entièrement doublée. La langue d’Anjela Duval figure ainsi parmi les cinquante premières à travers le monde à bénéficier à ce jour de son adaptation de cette œuvre d’animation russe ayant établi des records d’audience sans précédent, certaines vidéos ayant accumulé plusieurs milliards de vues sur Internet.

Ce projet, c’est l’association quimpéroise Dizale qui l’a entrepris. Fondé en 1998, cet acteur de l’audiovisuel en breton contribue à la vivacité linguistique de Bretagne par le biais du doublage, du sous-titrage, mais aussi de la production d’œuvres destinées à des publics divers. À son actif, l’on trouve tant la traduction des Mystérieuses cités d'or, que de l’incontournable série policière Columbo, ou encore de Shakespeare in Love et d’Apollo 13.

Récemment, c’est par conséquent à la porte du studio moscovite Animaccord qu’elle a frappé, comme l’explique la genèse de cette aventure Samuel Julien, directeur de Dizale.

« J’ai 3 enfants et ils avaient bien accroché là-dessus. Et puis cela avait une bonne notoriété et c’est aussi intéressant d’aller piocher des œuvres qui sont moins visibles dans notre monde occidental. On a un peu cette idée de doubler des productions en provenance de différentes aires culturelles. Masha et Michka est très marqué russe, et je trouvais ça assez chouette », confie-t-il lors d’un entretien avec Russia Beyond.

Un nécessaire ancrage culturel

Cette identité marquée est en réalité ce dont est en quête l’association lors de son travail de prospection d’œuvres à adapter.

« Il faut à la fois que l’œuvre soit accessible à tous, qu’on tienne des codes qui puissent parler au plus grand nombre, mais en même temps, ce que l’on recherche, c’est quelque chose qui a une certaine originalité. Et on ne peut souvent avoir cette dernière que quand elle est ancrée quelque part. Quelque chose qui n’est que sur du global, ça glisse, ça n’accroche pas le spectateur. L’intérêt avec Masha et Michka, c’est justement qu’on sent qu’il y a quelque chose de très russe. C’est ce type d’œuvres que nous recherchons, qui sont ancrées dans une certaine culture. Ce que font notamment très bien les Japonais ».

D’ailleurs, il ne s’agit pas de la première production russe sur laquelle se penche l’association. En 2013, était apparu Baleadenn Babouchka (La Balade de Babouchka), composé de quatre courts métrages issus de la Montagne des pierres précieuses (Гора самоцветов, en russe), vaste collection d’œuvres animées se basant sur les contes traditionnels des peuples de Russie. Projetée dans des salles obscures de Bretagne, cette version doublée avait alors attiré près de 7 000 spectateurs, selon les souvenirs de monsieur Julien, un résultat tout à fait satisfaisant, compte tenu du segment cible.

Masha et Michka, dont l’action s’articule dans un univers parsemé de symboles folkloriques propres à la Russie, était donc un ajout parfaitement logique au catalogue de Dizale, motivant la structure à prendre contact avec Animaccord.

De hautes exigences, gages de qualité

Si de longues semaines ont été nécessaires avant d’obtenir un retour de Russie, c’est à un interlocuteur on ne peut moins étonné que l’équipe de l’association a alors fait face.

« Ils n’ont eu aucune espèce de surprise. Dans le premier mail, j’avais de suite expliqué un peu la réalité de la langue bretonne, mais ils ne m’ont pas posé plus de questions que cela. Je pense que Masha et Michka a été vendu dans le monde entier et, donc, une langue de plus ou de moins, ça ne leur faisait pas peur », décrit Samuel Julien.

Animaccord semble par ailleurs avoir accordé une attention toute particulière au processus d’adaptation vers le breton, notamment en matière de sélection de la doubleuse de l’héroïne principale.

« On a doublé parfois des œuvres très connues, on a collaboré avec des Japonais, des Britanniques, et on n’a pas eu cette exigence. On a travaillé sur des films comme Braveheart… ou même pour Terminator 2, on ne nous a jamais demandé de vérifier si la voix bretonne de Schwarzenegger correspondait à l’originale. Là, sur Masha, ça a été un vrai travail, car ils ont refusé plusieurs de nos propositions. Sur les films d’animation, seuls les Japonais ont parfois cette même exigence de qualité », témoigne le directeur de Dizale, soulignant toutefois considérer cela comme « rassurant », signe d’une prise au sérieux de leur démarche.

Pour offrir à l’espiègle Masha, fillette vivant dans les bois aux côtés de son ami l’ours Michka, une voix bretonne à la hauteur des espérances, c’est par conséquent un véritable casting qui s’est organisé. Une trentaine de petites filles ont tout d’abord candidaté, parmi lesquelles seule une poignée a été retenue par l’association, qui les a ensuite présentées au studio russe. Finalement, c’est Elia Louboutin, 8 ans, qui a séduit les créateurs de la série à succès.

Vedette trouvée, la structure finistérienne s’est donc enfin lancée dans le doublage, comme convenu, de 52 premiers épisodes et 5 titres spéciaux tout en chanson. S’ils sont dévoilés progressivement sur Brezhoweb uniquement, Samuel Julien n’exclut cependant pas qu’ils puissent ultérieurement être rachetés par une chaîne de télévision locale ou diffusés sur BreizhVOD, équivalent de Netflix en langue bretonne créé par Dizale. Des négociations en ce sens pourraient être envisagées avec la partie russe, conclut-il.

La rédaction de Russia Beyond a sollicité le studio Animaccord afin d’en obtenir un commentaire au sujet de ce projet ; une requête jusqu’à présent restée lettre morte.

Dans cet autre article, découvrez le portrait de Russes ayant fait leur la langue bretonne.

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