«Miniatures russes»: à la découverte d'un pan méconnu de la musique classique du pays des tsars

Swetlana Meermann-Muret

Swetlana Meermann-Muret

Roman Zgorzalek
Si la musique classique russe est souvent associée à des noms célèbres tels Tchaïkovski, Glinka ou Rimski-Korsakov, d'autres artistes non moins importants mais passant souvent inaperçus auprès du public ont aussi contribué à son développement. Pour en savoir plus, Russia Beyond est allé à la rencontre de la pianiste Swetlana Meermann-Muret, qui vient de sortir son album «Miniatures Russes» avec des pièces pour piano de deux compositeurs rarement interprétés, Anatoli Liadov et Anton Arenski.

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À la confluence de trois cultures

Née en Russie dans une famille de musiciens, Swetlana Meermann-Muret commence son voyage dans le monde de la musique à l’âge de sept ans, à l’École régionale des Arts pour enfants doués de Lipetsk. C’est là, surtout grâce à sa première mentore, Olga Shepeleva, que sa passion pour la musique russe, qu’elle garde jusqu’à aujourd’hui, prend racine. « J'ai été entourée par la musique depuis mon enfance. Il n’y avait pas de doute sur ma future profession et mes parents ont créé toutes les conditions nécessaires pour aider à développer mon talent », raconte Swetlana.

 Swetlana Meermann-Muret

En 1996, sa famille d’origine russo-allemande décide de s’installer en RFA, non seulement pour se réunir avec ses proches, mais aussi pour que Swetlana ait l’occasion d’étudier en Europe. Elle intègre ainsi le Conservatoire supérieur de Francfort, puis celui de Karlsruhe pour son perfectionnement, où elle continue d'étudier selon la tradition russe avec Irina Edelstein, diplômée du Conservatoire à Moscou et ancienne enseignante à l’Académie Gnessine.

Ayant toujours été attirée par la culture française ainsi que par la langue de Molière et désireuse de vivre un jour à Paris, elle choisit le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon, puis celui de Paris, comme les destinations de son année d’échange dans le cadre d’Erasmus, en 2010, où elle étudie avec Géry Moutier et Brigitte Engerer. « Lyon ne m'a pas laissée indifférente et j’ai trouvé que c'était une ville où je pouvais vivre. Ce que je fais donc depuis 2013 », relate Swetlana, qui a su saisir au mieux les traditions musicales de chaque pays auquel elle a appartenu, en apprenant Rachmaninov en Russie, Bach en Allemagne et Ravel en France.

Voyage musical en Russie du début du XXe siècle

Sorti début février avec le label GENUIN et la radio allemande SWR2, Miniatures russes est le deuxième album de Swetlana, composé d’œuvres pour piano d’Anatoli Liadov (1855-1914) et Anton Arenski (1861-1906), tous deux disciples de Rimski-Korsakov. L'idée de l'album a mûri pendant 3 ans, au cours desquels Swetlana s’est immergée dans l'univers de ces deux compositeurs, en étudiant quotidiennement leurs biographies.

« La musique aux multiples facettes de Liadov et Arenski me fascine par son expressivité émotionnelle et son langage musical poétique. Leurs ouvrages ne sont pas marginaux ou de second rang, ils sont dignes d'être joués et connus », explique la pianiste. Finalement, 24 miniatures ont été choisies pour l’enregistrement. D’après Swetlana, chacune d’entre elles est « une perle » et ensemble elles représentent « un vrai bouquet d'émotions, exprimant divers états d’âme : mélancolie, espoir, angoisse, amour, douleur, passion, joie, espoir... »

Une carte postale à l'éffigie d'Anton Arenski

Ces deux composteurs sont unis non seulement par le fait d’avoir eu le même célèbre enseignant, mais aussi par le style lyrique poétique de leurs œuvres qui prennent souvent la forme de courtes compositions musicales. Arenski a été vu par les critiques musicaux de son temps comme « le dernier parolier dans la musique de piano russe ». Pourtant, relate Swetlana, sa musique ne sonne pas particulièrement « russe » et révèle plutôt l'influence de ses collègues européens, comme Schumann et Chopin. Il était d’ailleurs le professeur de Rachmaninov et Scriabine et le destin a décidé qu’il resterait dans l'ombre de ses élèves.

En ce qui concerne Liadov, connu plutôt pour ses miniatures symphoniques, il était le fondateur du prélude au piano russe et était qualifié de « Chopin russe ». Grand admirateur de son pays natal et de sa riche nature, il a souvent puisé son inspiration dans le folklore russe et dans les paysages des environs de Saint-Pétersbourg. En effet, un certain nombre de ses miniatures pour piano consistent en des arrangements de chansons folkloriques russes, comme ses œuvres pour l'orchestre Le Lac enchantéBaba Yaga et Kikimora, qui transportent les auditeurs dans un monde de contes de fées russes.

Anatoli Liadov

Selon la légende, avant de commander un ballet au compositeur Stravinsky, Serge de Diaghilev, entrepreneur qui a popularisé l’art russe en Europe, se serait tourné vers Liadov, en le priant d’écrire une œuvre spéciale pour les Saisons Russes à Paris, en 1910. Lors de l'une de leurs réunions, Diaghilev aurait alors demandé comment le travail se déroulait, ce à quoi Liadov, sans soif de gloire et de conquérir l'étranger, aurait répondu qu'il avait « déjà acheté du papier ». Étant pressé, Diaghilev a donc dû passer sa commande à Igor Stravinsky, ce qui rendra par la suite ce dernier célèbre.

Ainsi, ces compositeurs ont laissé une marque importante dans la vie musicale de la Russie à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, mais ils sont malheureusement restés dans l'ombre des géants contemporains tels que Sergueï Rachmaninov, Alexandre Scriabine, Piotr Tchaïkovski et Sergueï Prokofiev. C’est à travers leurs belles œuvres peu connues que Swetlana invite les auditeurs à voyager dans son pays natal. 

Dans cet autre article, nous revenions sur le destin de Piotr Tchaïkovski, ce gamin venu de province devenu plus grand compositeur de Russie.

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