Aucun artiste russe ne figure sur la liste des participants du projet principal de la Biennale, qui a ouvert ses portes le 11 mai à Venise. Néanmoins, le pavillon national de la Russie dans les Giardini et au moins dix autres expositions où les auteurs russes sont largement représentés, du réalisme social aux classiques de l’art moderne, opèrent dans la Cité des Doges. Évoquons les principaux projets russes.
Le conservateur du pavillon n’est autre que l’Ermitage - oui, pas une personne ou un groupe de personnes connues, mais bel et bien le célèbre musée de Saint-Pétersbourg. Cela avait été annoncé bien avant l'ouverture par le directeur de l'institution, Mikhaïl Piotrovski. D'où les thèmes principaux et les intrigues mis en œuvre par deux artistes invités.
Deux étages du pavillon ont été convertis cette saison en zones presque panoramiques. Le légendaire réalisateur Alexander Sokourov, auteur de Faust, qui a remporté le Lion d'or à la Mostra de Venise 2011, a construit l'installation totale la plus complète consacrée au chapitre de l'Évangile de Luc évoquant le fils prodigue. Au niveau inférieur se trouve une installation sur les peintures flamandes présentes dans la collection de l’Ermitage réalisée par l’artiste de théâtre Alexandre Chichkine-Khokoussai.
Pour illustrer cette parabole, Sokourov a mis en scène l'une des peintures les plus célèbres du monde : le tableau de Rembrandt Le retour du fils prodigue, conservé à l'Ermitage, qu’il a littéralement découpé en morceaux, comme sa narration : ici, l'atelier du plus célèbre des Hollandais et les statues animées des personnages de la toile, ainsi que des vidéos post-apocalyptiques, actualisent ce grand classique et transposent l'intrigue dans la Russie moderne.
La suite de ce « gâteau » à plusieurs niveaux attend le spectateur à l'étage inférieur : Chichkine-Khokoussai fait également revivre les classiques de l'Ermitage - les contemporains flamands et néerlandais de Rembrandt. Les remakes des images sont réalisés en contreplaqué peint.
Plus précisément, tous les détails découpés et les personnages sont insérés dans le cadre à la manière d'un théâtre de marionnettes de rue. Ils bougent tous, interagissent les uns avec les autres et avec les « invités » tirés d'autres toiles célèbres. Ainsi, dans L’Étal du poissonnier de Frans Snyders, on trouve des personnages du purgatoire de Bosch, et Rembrandt semble lui-même assis à la table de La Fête du roi des haricots de Jacob Jordaens.
Le Musée national des beaux-arts Pouchkine de Moscou réalise une performance théâtrale classique, pour ce qui est déjà la deuxième Biennale consécutive où le célèbre musée réalise un projet dans la Sérénissime.
L'exposition À la fin vient le début..., co-organisée par la Stella Art Foundation, a été consacrée par le musée au titan vénitien Le Tintoret, dont le 500e anniversaire est célébré cette année.
Dans l'église désaffectée de Chiesa di San Fantin, où furent conservées les peintures du maître, deux artistes russes et un américain présentent leurs œuvres. Ils maintiennent le contact avec le maître de la Renaissance non seulement via les murs de l’église, mais à travers la toile L’Origine de l’amour du Tintoret lui-même et une abstraction de l’Italien Emilio Vedova, considéré comme une sorte de « disciple » du grand Vénitien au XXe siècle. L'installation vidéo d'Irina Nakhova sur la vie terrestre et céleste fait écho à cette dernière, la partie principale étant montrée dans le dôme de la nef centrale.
L’œuvre phare de l'exposition, réalisée par le metteur en scène de théâtre Dmitri Krymov, est La Cène - un hommage à la toile du même nom du Tintoret conservée au Musée de Venise. Dans la vidéo de Krymov, cette histoire prend également vie, mais il s’agit en réalité d’une fiction, un décor théâtral démonté sous nos yeux. Qui sera le seul véritable personnage de cette performance vidéo ? Vous pouvez le découvrir avant le 10 septembre.
Grisha Galantnyy
Gely Korzhev (1925-2012) est aujourd'hui considéré comme un classique du réalisme socialiste, un artiste qui a activement collaboré avec les autorités à l'époque soviétique et dépeignit sur ses toiles des réalités toujours en phase avec l’époque, des intrigues de parti et révolutionnaires à la vie quotidienne des ouvriers et des paysans.
En 1962, c'est lui, avec un autre réaliste socialiste, Viktor Popokov, qui ont représenté le pays dans le pavillon russe de la Biennale de Venise - d'où le nom de l'exposition actuelle, organisée par la galerie Tretiakov. Certes, aujourd'hui l'artiste « est revenu » seul et en partie différent.
Sur le seuil, les spectateurs ne sont effrayés ni par les bannières rouges, ni par Lénine, ni par les faucilles et les marteaux. Au lieu des thèmes banals du réalisme socialiste, l'exposition se compose de nus imposants, réalisés toutefois durant la perestroïka et au début des années 2000. La plupart des œuvres au premier étage, où sur les peintures ornées de symboles du totalitarisme soviétique s’ajoutent des ordures, des squelettes et des créatures fantastiques de façon surréaliste, appartiennent à la période récente - l'artiste semble presque être un martyr, qui réfléchit à l'écroulement du système. Et le fameux triptyque Les Communistes, qui a rendu célèbre l'artiste en URSS et a été exposé ici à Venise il y a 57 ans, est désormais blotti dans une salle lointaine, comme un témoignage honteux de ce « retour ».
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