Honfleur: un quart de siècle avec le cinéma russe

Scène du film Arythmie

Scène du film Arythmie

Kinopoisk.ru
Le Festival du film russe d'Honfleur fête son anniversaire: du 21 au 26 novembre 2017, il se déroulera pour la 25e fois. En prévision de l'événement phare, Russia Beyond vous offre un petit aperçu des films présentés cette année au Festival par le critique Valeri Kitchine.

25 ans : le Festival du film russe de Honfleur fête son jubilé. Pendant un quart de siècle, chaque mois de novembre, il réunit les connaisseurs de la culture russe venus de France et des pays voisins ; la population de la ville double pendant ces journées.

Des maîtres tels qu’Annie Girardot, Jean Becker, Régis Wargnier, Philippe de Broca, Radu Mihaileanu, Vincent Perez, Frédéric Beigbeder ont présidé le jury... Cette année, le relais a été reçu par le réalisateur Safy Nebbou. La présidente du Festival, Françoise Schnerb, estime que « le dialogue des cultures est la source de la chaleur humaine, et si il continue, alors tout ira bien ». Le 25e Festival a rassemblé sur ses écrans le meilleur de ce qui est sorti en Russie pendant un an, avec une très bonne récolte : le box-office russe a noté une forte augmentation de l'intérêt du public. Honfleur a de ce fait lancé un programme spécial consacré aux œuvres les plus appréciées : Attraction, Le temps des premiers, Salyut-7.

Scène du film Le temps des premiers

Parmi eux, nous tenons particulièrement à recommander le fascinant drame cosmique du débutant Dmitri Kisselev Le temps des premiers. Le 18 mars 1965, un homme a pour la première fois pénétré dans l'espace extra-atmosphérique - Alexeï Leonov a passé 12 minutes et 9 secondes hors du vaisseau Voskhod-2, et les télévisions du monde entier ont diffusé les images de ce casse-cou suspendu au-dessus l’immensité. Le Temps des premiers rappelle le courage et le professionnalisme nécessaires à ce triomphe, qui a presque fini en tragédie: car nous voyons le « côté coulisses » de l'exploit. Le travail d’acteur d'Evgueni Mironov dans le rôle de Leonov, de Konstantin Khabenski (second cosmonaute Pavel Beliaïev) et Vladimir Iline (l’académicien Sergueï Korolev, chef du programme spatial soviétique) est remarquable. Les effets spéciaux CGI, qui déroulent devant les téléspectateurs des images majestueuses de l'espace, peuvent rivaliser avec les meilleurs exemples au niveau mondial. La dignité de l’œuvre est de suivre fidèlement les événements réels.

Scène du film Salyut-7

Un film plus fantaisiste et donc moins fiable est Salyut-7 de Klim Chipenko, un autre film sur les cosmonautes soviétiques, qui en 1965 sauvèrent une station spatiale devenue hors de contrôle. Attraction de Fedor Bondartchouk est un exemple rare du genre fantastique dans le cinéma russe : une soucoupe volante a un accident sur les quartiers résidentiels de Moscou. Des groupes de jeunes gens locaux s’arment pour repousser les extra-terrestres, bien que le seul d’entre eux à avoir survécu n’ait aucune intention d’attaquer qui que ce soit. Ce film est aussi un conte de fées sur la façon dont le rêve de l'humanité sur des « frères de raison » est noyé dans le flux de l'agression incontrôlable des gens habitués à voir dans tout « étranger » un ennemi, et constitue une reprise de Roméo et Juliette – narrant l’amour par-delà les civilisations différentes.

Scène du film Mathilda

Le scandale de l'année en Russie était Mathilda, un drame historique d'Alexeï Outchitel, qui bien avant la première a déclenché une sorte de guerre au sein de la société : les militants religieux ont exigé qu'il soit interdit, ont envoyé des lettres de menaces au réalisateur, et ont promis d’incendier des cinémas, tandis que des responsables ecclésiastiques ont recommandé à leurs ouailles de ne pas regarder l’œuvre « blasphématoire ». Le principal élément irritant pour ces personnes, qui bien que n’ayant pas vu le film était déjà outragées, était l'amour du futur empereur Nicolas II de Russie avec la soliste de ballet du théâtre Mariinsky Mathilda Kchessinskaïa.

Les croyants se sentaient insultés par l'hypothèse selon laquelle même la personne sacrée du tsar aurait pu être impliquée dans une histoire d'amour avec une ballerine. Même les documents qui établissaient qu'il s'agissait d'un fait historique ne les ont pas convaincus. Malgré les protestations, le film est sorti sur les écrans, mais n’a pas connu un grand succès : le public, qui attendait des révélations scandaleuses, n’a reçu qu’un joli mélodrame pseudo-historique.

Scène du film À bon chat bon rat

Ces dernières années, les premiers films font souvent la pluie et le beau temps dans le répertoire cinématographique russe. Je tiens à mentionner Anna Kreis avec le film hyperréaliste À bon chat bon rat, qui a remporté le grand prix du Festival d'Omsk. Anna a grandi dans la ville spécialisée dans le tissage d'Ivanovo et est allée étudier le cinéma à Cologne. Son premier opus dans le cinéma long métrage est inspiré des impressions de sa jeunesse provinciale dans les dures années 1990, surnommées « folles années » dans le peuple. C'est l’histoire d'une famille déchirée par des cataclysmes historiques : l'effondrement et la désintégration de tout ce qui était familier, la guerre de Tchétchénie que personne ne comprend vraiment, la police cul et chemise avec les bandits, la violence comme moyen de résoudre tous les problèmes, la mort comme routine, la survie prenant le pas sur la vie. Le genre du film est étrange, « scintillant » pourrait-on dire, entre drame rigide et comédie guignolesque, où l’on ne souhaite rire pour rien au monde et où on ne peut pas différencier le grotesque de la réalité.

Stylistiquement proche de cet opus figure le début du metteur en scène de théâtre Lera Sourkova Les païens, un autre drame familial où le fanatisme religieux sorti du monastère joue un rôle fatal et conduit à une tragédie.

Scène du film Arythmie

Enfin, il y aura la possibilité de voir Arythmie de Boris Khlebnikov, un film que les critiques et les spectateurs de Russie ont reconnu comme l'événement de l'année; il triomphe également lors des festivals du monde entier, ayant reçu des prix prestigieux à Sotchi, Ekaterinbourg, Minsk, Karlovy Vary, Varsovie... Ses héros sont des ambulanciers qui se consacrent de façon désintéressée à leur travail dans le contexte d’une « réforme médicale » qui soulage le sort des fonctionnaires, mais pas celui des patients. L’histoire d’un quotidien qui apporte le salut aux gens, mais s’avère fatal pour la vie de famille. Le drame d'un héros typique des classiques russes, le « petit homme » qui tente de préserver son âme dans une société qui l’a perdue et vit à contre-courant non pas par héroïsme, mais parce qu'il ne sait pas faire autrement.

Scène du film Anna Karénine. L'histoire de Vronsky

Le Festival de Honfleur débutera avec un film de Karen Shakhnazarov, Anna Karénine. L'histoire de Vronsky, où le roman célébrissime contant l'amour interdit d'une femme de bonne famille pour un jeune officier est contée rétrospectivement, à travers l'histoire d'un Vronsky âgé, qui pendant la Première Guerre mondiale rencontre le fils de Karénine, Sergueï, chirurgien dans un hôpital de campagne.

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